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Cette histoire d’inceste présumé dans la famille de Villiers est hallucinante. Quand on lit l’article publié dans Libération du 17 décembre, il y a vraiment de quoi se demander pourquoi cette affaire n’est pas la news politique N°1 du moment. Ce n’est pas que Libération nous apprenne beaucoup de choses, cette histoire est tellement abracadabrante que de nombreux détails ont filtré depuis quelques années et à chaque fois nos yeux se sont écarquillés, la tête a été prise de vertiges, on a tous subi une hypoglycémie soudaine et inexpliquée. Une famille hyper catholique qui se déchire pour des rumeurs de viols répétés, tout ça sous le regard de l’entourage et de la classe politique, normalement ça devrait sonner la fin d’une carrière, la fin du nom et surtout la fin de la marque de Villiers.
Dans n’importe quel pays, les médias et la classe politique auraient soulevé les contradictions entre la parole religieuse et une histoire abjecte (ce que certains ne cessent de dénoncer dans l’Islam, mais je ne sais pas si Caroline Fourrest ou Finkielkraut ont dit quoi que ce soit sur cette affaire de Villiers, étrange). Il y a ici matière à scandale énooorme. Bien sûr, la justice accouche d’un non-lieu. Soit. Mais est-ce que l’annonce de ce non-lieu ne mérite pas davantage en exposition que le simple fait de passer la news dans la file télex des chaines câblées ? Est-ce que cette histoire ne reflète pas ce qui est le pire en France ? Et surtout, quand on voit le retentissement des scandales de pédophilie dans le clergé, dans tous les pays (sauf la France, comme si les curés français ne s’étaient pas amusés avec des petits garçons et des petites filles depuis les années 60), n’y a-t-il pas un seul journaliste pour mener l’enquête à son terme ? Normalement, quand des affaires de ce genre explosent à l’étranger (et c’est courant), les télés montrent toujours la même chose: l’homme politique, père de la famille, s‘excuse devant le portail de la maison, sa femme à ses côtés (furieuse mais silencieuse) et ses enfants (mortifiés). Dans cette affaire, la justice a prononcé un non-lieu, mais cela ne veut pas dire que rien ne s’est passé.
Je me demande: où sont donc passés tous les joyeux laïcards rassemblés par Borloo il y a une semaine qui, normalement devraient dévorer cette affaire, la monter en sauce ? Si on découvrait qu’un homme politique musulman intégriste - ou pas (oui je sais, ça n’existe pas en France) vivait une telle situation dans sa famille, il ne résisterait pas une semaine à la vindicte populaire. La classe politique se détournerait de lui en 24 heures, cet homme se retrouverait isolé, acculé par ses adversaires et par ses alliés qui lui reprocheraient d’attirer la honte sur son camp politique et surtout sur ses convictions religieuses. Or, cela fait plus que 4 ans que cette affaire est rendue publique et tout porte à croire qu’elle va être enterrée. Aimons-nous à ce point de Villiers pour le protéger ainsi ? Que ce soit à droite ou à gauche, n’a-t-il pas assez d’ennemis pour que certains expriment leur dégoût pour cette affaire ? Que faut-il donc faire pour soulever le cœur de la classe politique ? Que pense Ségolène Royal, la voisine de De Villiers ?
Et là je vais aborder le point central. Que les médias et la classe politique ne fassent pas leur travail, on commence à être habitué. Le pays entier est effaré par cette affaire. Mais ces histoires de pédophilie et d’inceste sont toujours mises sur notre dos, à nous, les homosexuels, alors que dans ce cas spécifique, il n’y a pas de gay à des lieues à la ronde. Pendant des siècles et encore aujourd’hui, les homosexuels ont été associés à ces crimes, c’est notre réputation, et nous nous battons sans cesse contre cette association d’idées, cet amalgame comme on dit de nos jours. Dans cette affaire, je le répète, il n’y a pas un seul homosexuel à l’horizon. On est même au cœur d’une famille hétérosexuelle parfaite, féconde, claironnant sans cesse ses valeurs traditionnalistes. Et pas un média gay, pas une seule association LGBT qui ne fasse le lien entre ce scandale étouffé par on ne sait qui et la régularité avec laquelle les groupes cathos traditionnels de droite accusent les homosexuels de pervertir la société, sur ces thèmes précisément. Je suis fier de le dire: dans cette affaire, nous n’avons rien fait. Nous n’avons pas perverti cette famille. De fait, je suis à peu près certain que l’idée homosexuelle a été bannie à des kilomètres du foyer des de Villiers. C’est donc dans la famille la plus « juste » de France, la plus « légitime », par sa « noblesse » même, que le drame a divisé un clan, les parents et les enfants et pire: les enfants entre eux. Se rebeller contre ses parents, c’est finalement normal. Se battre entre frères et sœurs, c’est catastrophique.
Donc, mon conseil. La prochaine fois que vous entendez des hétérosexuels parler de pédophilie, d'inceste, d’impossibilité d’adoption chez les gays ou d’histoires étranges chez les lesbiennes, n’oubliez pas de rappeler ce cas d’école vendéen. Il y a eu non-lieu ? Soit. Mais tout le monde s’est fait sa propre idée. Et elle n’est pas belle du tout. La désaffection politique dont tout le monde parle sans cesse, cette perte de confiance et de respect envers ceux qui ont le pouvoir, elles sont aussi là, très visibles. Et qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on dit ? Rien.