samedi 27 juin 2009

La cachette de Michael Jackson


 

Deuxième jour de mania médiatique sur la mort de MJ. Franchement, je suis toujours un peu sur le cul quand les gens sont là, choqués par la nouvelle, dans le genre « OMG, je ne m’y attendais tellement pas ! ». S’ils étaient de tels fans, ils devraient être un peu au courant, non ? MJ pouvait à peine tenir debout, et ceci depuis plusieurs années maintenant. Il est probablement mort car il savait qu’il ne pourrait pas assurer, physiquement et psychologiquement, les 50 concerts londoniens qui devaient avoir lieu courant juillet. Le compte à rebours était lancé, et si MJ n’avait pas pu assurer ces concerts, sa ruine aurait été totale. Pour moi, ce décès est un suicide.

Sur Twitter, Eric Rug a dit quelque chose comme « Fascinant comment quelqu’un peut monter si haut et tomber si bas ». C’est vrai. Sur FB, si on a le malheur de dire quelque chose qui ne ressemble pas à de la guimauve commémorative, il y a tout de suite 40 personnes qui vous décommandent et surtout les copines qui vous incitent à trouver mieux dans le registre des « Pensées Profondes ». J‘ai toujours adoré MJ. Je l’aimais encore au moment de « Earth Song », quand beaucoup de gens l’avaient déjà laissé tomber. Je suis d’accord avec tout ce qui se dit sur son héritage, sur l’importance qu’il a eu dans la communauté noire et le reste du monde. Son style d’écriture est toujours d’actualité aujourd’hui, puisqu’il est copié à la lettre par Chris Brown et compagnie. Et les experts musicaux ont raison de dire que beaucoup d’autres artistes noirs ont tendance à éclaircir artificiellement leur peau dans les vidéos et pochettes de disques, avec du maquillage, l’éclairage ou Photoshop.

Now, quand on a dit ce point, et qu’on l’a développé, le bottom line c’est que Michael Jackson est une autre folle qui n’aura jamais fait son come out. Et je n’ai pas besoin de juger ou d’attendre une période plus longue de deuil pour aborder le sujet. Je suis fasciné par le fait qu’il disparaisse deux jours avant la Gay Pride qui célèbre les 40 ans de Stonewall et que personne ne soulève le sujet. She was THE closet queen of Pop. Peut-être la plus grande folle. Et je suis épaté de voir toutes ces copines autour de moi sortir des remarques totalement plates sur le ton de : « Mais il était tellement plus que gay ! » ou « Tu peux pas le juger, il n’est pas toi » (comme si je me comparais à MJ, je sais que je ne suis qu’un cafard à côté de lui). Bref, MJ was way beyond gay.

Je ne suis pas d’accord. Je suis toujours là devant une énorme mansuétude du public ou des gens devant le manque de courage des artistes. Qui a dit que David Hockney était moins un artiste parce qu’il était out ? Bien sûr, son art est bien au-delà de la question gay. Pourtant, il est ouvertement gay. Et je peux trouver des dizaines de noms équivalents qui, dans leur domaine, sont aussi importants que MJ. Regardez ce qui se passe en France. Christophe Willem sort un deuxième album et il n’arrête pas de se plaindre, en rigolant à moitié, que tout le monde lui demande s’il est gay. Alors, dis-le une bonne fois pour toute, et on arrêtera de te le demander, patate. C’est tellement gros sur ton visage ! Et en plus, je dois dire que je l’aime beaucoup, ce Christophe Willem, moi qui déteste la chanson française. D’un côté, vous avez une pensée militante qui salue quarante ans de pressions et de radicalisme, et de l’autre, une majorité de gays qui considèrent que ce radicalisme et ces pressions ont une limite dans l’atmosphère et que certains artistes sont « au-dessus de ça », très haut dans les nuages.

C’est du bullshit. Moi je vois que MJ est encore une folle qui aurait pu faire son come-out et qui meurt sans l’avoir fait, même si désormais, des livres et des livres vont être publiés qui aborderont plus en détail sa sexualité. Je trouve effarant que certains puissent encore considérer que la sexualité de MJ n’est pas si importante quand elle a été un des angles majeurs de sa carrière. Bref, une partie du public préfère penser que MJ état une sorte d’eunuque, un homme sans bite, sans érection, sans désir. Sans besoin d’éjaculer, pour être plus précis. La drogue, la morphine, les antidépresseurs, étaient une camisole chimique afin de contrôler cette sexualité qu’il fallait étouffer. Dans une perspective humaine, pas seulement militante, c’est une énorme tristesse et je ne crois pas que ce drama, car c’en est un, très moderne, soit si merveilleux qu’il puisse cacher l’échec d’une vie. MJ était la plus grande star, mais il a passé sa vie à se cacher. Et c’est ce qui l’a détruit. Le truc étrange, c’est que j’appartiens à sa génération. Nous avons le même âge. Et c’est quand même triste de penser qu’il n’a jamais été lui-même, non pas parce qu’il est un artiste, mais parce qu’il était vraiment, vraiment, vraiment perdu. Pour moi, il n’y a vraiment personne qui soit au-dessus de cette obligation : affirmer ce que l’on est, no matter what.

vendredi 19 juin 2009

Mad as hell


J’ai toujours adoré, dans « Network » de Sidney Lumet (1976), quand les gens ouvrent leurs fenêtres et se mettent à crier : « I am mad as hell and I won’t take it anymore ! ». Je viens de dépasser la cinquantaine et je crois que je ressens toujours ce sentiment de colère. C’est pourquoi je vis à la campagne : au moins personne ne me voit quand je suis furieux. Par exemple, beaucoup de gens disent que la télé est pourrie (ce que je n’ai jamais vraiment pensé) parce que la télé est la meilleure fenêtre sur cette colère. Il suffit de regarder n’importe quelle chaîne info, tous les jours, pour s’imbiber de cette révolte. La seule observation du traitement de l’info mondiale est le meilleur moyen de préserver quelque chose en nous qui reste authentique, qui n’est pas foutu en l’air par tous les gens qu’on déteste avec fidélité depuis toujours. Franchement, je trouve trop facile de se définir par rapport aux choses qu’on aime (bien que je n’aie pas honte de mes 50 pages de fans sur FB). Il est beaucoup plus révélateur de faire une liste de ceux que l’on déteste. Les maires gays des capitales qui ne foutent rien et qu’on entend jamais sur les sujets qui fâchent. Les gens qui vous blacklistent parce que vous avez le malheur de soutenir Gaza. Les associations qui hébergent des militants qui finissent par être plus bornés que ceux qui travaillent dans les ministères. Les médias qui nous font encore chier avec des produits de luxe à 5000 euros que personne peut acheter. Les gens trop riches qui deviennent encore plus riches grâce au Pacs alors que ce dernier n’a pas été créé pour ça. Le cinéma français dans son ensemble, la chanson française dans son ensemble, les putes de Daft Punk qui foutent en l’air ce qui reste de l’esprit de la house, les Socialos qui n’ont toujours pas accepté les Noirs et les Beurs au plus haut niveau politique (comme au plus bas d’ailleurs). Les cons qui ne recyclent pas et ces putains de drogués qui nous emmerdent avec leurs dépendances chimiques ou sexuelles.

Selon Gilbert & George, « It takes a boy to understand a boy’s point of view ». Je n’ai jamais prétendu être autre chose. Je parle de ce que je connais. D’où je suis. Nous sommes en train de vivre une crise sans précédent et tous les gens qu’on admire sont en train de nous convaincre de ne pas regarder là où ça brûle. Music as usual ? Business as usual ? You must be joking ! This is a moment of a lifetime !

Ce qui est notable désormais, ce n’est pas le nombre de personnes qui ont des problèmes psy et qui consultent. C’est la très grande partie de ces personnes qui se plaignent du peu d’aide que leur procurent les psys qu’ils consultent. Mais le pire absolu, c’est qu’ils acceptent cette situation, comme si cela faisait partie du marché psychanalytique.

J’oublie souvent que je parle comme quelqu’un qui n’a rien à cacher. Pour la première fois depuis vingt ans, je ne travaille pas pour quelqu’un d’autre, je suis libre, je peux dire ce que je pense. Je suis fondamentalement attaché aux faits et je frémis à chaque fois que je vois ces homosexuels à la télé, dont certains sont séropos, qui ont vécu ces dix dernières années à se cacher. Ils sont persuadés que personne ne voit leur mensonge. Les sourires et les applaudissements qu’ils reçoivent à longueur de temps sont une manière de cacher cet étonnement intime, quand on se demande : « Mais pourquoi ne le dit-il pas ? ». Le temps passe. Chaque année, ce temps s‘étire et la déception finit par gonfler en prenant des formes très visibles. Tout le monde se chauffe sur l’homophobie, mais personne, vraiment personne ne montre le doigt vers ces pédés planqués pour dire que ce sont eux, les principaux fautifs de cette homophobie. D’anciennes menaces d’outing s’oublient et s’ajoutent à d’autres déceptions militantes qui fusionnent avec d’autres incohérences politiques. Je me rappelle que lorsque nous avons créé Têtu en 1995, j’étais persuadé que nous finirions par rattraper le retard que la France avait face à ses pays voisins. Force est de constater, en 2009, que l’échec est total sur ce sujet – et Têtu n’est pas fautif, c’est l’ensemble de la culture gay française qui a refusé de bouger. Quand je dis que le crise économique actuelle ressemble souvent à la déception vécue à l’intérieur de la communauté gay, c’est un peu ce que d’autres remarquent dans leur propre domaine. Gail Collins, le 12 décembre 2008, écrivait dans l’International Herald Tribune que la culture pop n’avait toujours pas abordé le problème de la crise. Dans « The Good News From Illinois », elle remarquait : « Yet Hollywood starlets and pop singers have been unhelpfully quiet ».

Six mois plus tard, rien n’a changé.

jeudi 18 juin 2009

Fan de Didier Lestrade


 

En l’espace de quelques mois, il est devenu tout à fait normal de s’auto promotionner sur Facebook. Quand j’ai eu le malheur de faire un groupe Fan de Didier Lestrade, il y a un an, plusieurs de mes amis proches ont rigolé devant mon nez : « Ah c’est toi qui fais ta propre page de fan ??? ». Je pouvais entendre aussi, très nettement, de mon coin paumé de campagne, ceux qui le pensaient exactement la même chose, mais ne l’ont pas dit. J’ai alors répondu « Oui, c’est totalement vain, mais je préfère que cette page soit faite par quelqu’un qui ne gourre pas dans les faits. Et puis, si vous, mes amis, ne le faîtes pas, alors je vais m’en charger, c’est une histoire de copyright ces trucs à la con ».

Tout de même, ces amis se sont inscrits sur la page Fan de DL, il y en a même un qui est mort. Mais j’ai entendu leurs moqueries et j’ai laissé végéter cette page quand elle est arrivée au niveau mystérieux de 140 membres (138 aujourd’hui, fact fans). Cela n’a rien à voir avec les 6000 membres & counting de Jean-Luc Romero, mais je sais que c’est impossible pour moi de m’affronter à un tel système. Je ne me vois pas envoyer le même copier / coller à chaque nouvelle personne que je rencontre sur FB en lui sortant une phrase débile comme : « Merci de me rejoindre dans le combat contre l’homophobie ! ». Ou pire : lancer un mouvement totalement useless pour demander la libération de Florence Cassez pour qu’elle ne chope pas le virus H1N1 au Mexique. It’s just a flu, dumb ass.

Bref, depuis un mois, tout le monde s’est mis à devenir fan de lui-même. Comme quoi, j’étais ENCORE en avance. Je vois tout le monde créer un fan-club à son effigie. Et solliciter toute sa collection d’amis d’office, sans faire de sous groupe. Genre, demander à un super joli cubain de devenir ami même si on ne le rencontrera jamais, c’est normal. On a dépassé cette étrangeté depuis deux ans. Mais lui demander de devenir fan alors qu’on ne parle même pas la même langue, c’est péché Seigneur. Je redoute le moment où je recevrai une demande de fan de la part d’Emmanuel Pierrat.

Indistinctement, ils y passent tous, et chaque matin apporte son lot de nouvelles pages de Fan club qui ont été créées pendant la nuit. Il faut en avoir le plus possible ! Le clone d’Azerbaïdjan qui est si joli quand il suce sa glace à la vanille. Le super beau mec qui s’est proposé comme Mr Man Hunt. Fred Faurtin car il faut absolument l’avoir. Tous les jours, ce sont des dizaines de propositions de groupes fan de, envoyés par tout le monde. Ils sont tous convaincus que personne ne saurait faire ce job de promotion mieux qu’eux. Et ils ont raison, puisqu’on a des centaines d’amis FB – mais pas un seul qui ait pris l’initiative de créer un page Fan de DL pour vous. Vous passez vingt ans de votre vie à vous occuper des autres dans la société et vous arrivez en 2009 et personne ne propose le gag : et si on te faisait un page Fan de DL ?

Dans un sens, je relie tout ça à la mode un peu oubliée du Patchwork des Noms. Dans les années 80 et 90, le Names Project était une des premières manifestations du souvenir des malades du sida disparus. À Act Up, quand quelqu’un décédait, il y avait parfois un group d’amis qui lui rendait hommage en créant un patwork. À l’intérieur du format prédéfini, la liberté de création était totale. C’était souvent le problème. En réunion, certains venaient montrer le résultat de leurs efforts. Quand on a jamais touché une aiguille de sa vie, la couture est un exercice difficile : ça peut être très laid. De l’Arte Povera puissance 1000, avec des bouts de jeans perlés de Teddy Bears et tout une paraphernalia mi-porno, mi-régressive. Il fallait regarder ça en silence pendant quelques instants, en se promettant: surtout pas pour moi !

Je crois que cette page Fan de DL, c’est une assurance qu’une folle ne va pas s’accaparer une page officielle un peu comme lorsqu’une autre folle décroche un prix littéraire en pillant votre vie, votre œuvre, votre château quoi et que certains de vos amis, même certains membres de votre famille, trouvent ça super génial. Comme dit la chanson, ça m’énerve.