dimanche 29 août 2021

Le jardin de la reconnaissance

  

Mon prochain livre « I Love Porn » sort dans quelques jours, le 2 septembre. Le dernier, « Chroniques du sida », que j’ai auto-publié, date de 2014. Huit années sans publier de livre, la plus longue période d’invisibilité littéraire. Cette dernière décennie a été difficile pour moi, j’ai du me faire oublier. Je ne vais pas encore me plaindre, l’année prochaine je serai sûrement à la retraite, ce dont je me réjouis car je serai plus libre. 

 

Il aurait été difficile, sinon impossible, de traverser ces années sans votre aide. Depuis dix ans, je suis parvenu à surnager grâce à la générosité de ma famille, de mes amis, mais aussi grâce à des inconnu(e)s qui m’ont envoyé de l’argent. Ou qui m’ont invité pour quelques jours de vacances. D’autres m’ont aidé lors de la vente de ma collection de disques.

 

La première fut Fille de Pau, une lectrice de mon âge, qui m’envoyait un petit chèque une fois par an. Cela m’a beaucoup touché, beaucoup plus que je ne saurais le dire. Il y a eu ensuite la collecte organisée par Philippe Mangeot, qui m’a permis de vivre pendant plus d’un an. Parmi ces personnes, il y avait des anciens d’Act Up, ou des amis proches pas forcément riches. Dans tous les cas, j’ai été mal à l’aise dans mes remerciements. C’est comme quand on m’envoie un mail avec des compliments, je mets parfois des semaines avant de répondre. Je n’ai pourtant aucune gêne à dire merci, ou à m’excuser quand je fais une bêtise. C’est juste que je ne trouve pas les mots, parce qu’il s’agit d’argent. Par exemple, cela fait des mois que j’ai en tête ce post, et il ne sort qu’aujourd’hui.

Je n’ai plus de honte à dire que je vis sous le seuil de pauvreté. Cela me rapproche de celles et ceux qui sont comme moi, qui ont des difficultés, surtout par temps de Covid. Mais il faut bien admettre que je vis de la charité, comme beaucoup de monde.

 

J’ai donc réfléchi à mes possibilités de remerciement. Vous savez, la maison dans laquelle je vis, prêtée par mon amie Chantal, est la base de ma stabilité. Le jardin qui l’entoure, que je documente sur Instagram, est la source de mon bonheur et j’ai déjà assez écrit sur la nature et la campagne pour ne pas savoir à me répéter ici. Et comme je suis engagé sur les questions de mémoire, j’ai cherché un moyen de fusionner les deux.

 

Au moins de juin, j’ai lancé une pétition pour faire pression sur la Mairie de Paris qui traîne toujours des pieds sur le centre d’archives communautaire LGBT Sida. Je suis furieux après Hidalgo qui fait la sourde oreille et qui confie ce projet à une bande d’arrivistes qui sont responsables du retard de ce sujet dans notre pays. En quelques semaines, près de 8000 personnes ont répondu à l’appel. J’en espérais 10.000. Vous savez quoi ? Pas un seul média LGBT n’a relayé cette pétition. Têtu ? Komitid ? L’AJL, l’association des journalistes LGBT ? Alice Coffin ? Surtout pas. Essayez de comprendre. Moi je n’y vois qu’un exemple supplémentaire de cancel culture.

 

Alors j’ai pensé à faire de ce jardin le coin des remerciements. Je vais faire de ces deux hectares un endroit du souvenir, comme un mélange entre le jardin de Derek Jarman et d’autres endroits mémoriaux. Comme je ne voyage plus, comme je fais très peu de shopping, mes seules envies de consommation, ce sont les arbres. Le peu d’argent dont je dispose, c’est pour végétaliser ce terrain avec des espèces nécessaires pour l’environnement, pour les oiseaux ou les insectes. Par exemple, il n‘y a pas un seul érable dans le vallon où je vis, c’est pas normal. 

 

Je me suis acheté un petit set de pyrogravure. Désormais, quand je planterai un arbre, je marquerai sur un poteau son nom, l’année de la plantation et le nom d’une personne qui m’a aidée. Bien sûr, je commencerai avec les arbres déjà plantés ici depuis cinq ans pour ma famille, les anciens boyfriends, les amis décédés. Mais aussi celles et ceux que je ne peux remercier en personne, mais qui sauront qu’il y a un arbre ici qui porte leur nom, dont je m’occupe et qui sera là sûrement après ma mort. C’est la plus belle manière de les remercier sans en faire un bullshit médiatique. Il y aura une photo sur Instagram et puis c’est tout.

 

Les critères pour ces arbres et ces arbustes sont évidemment esthétiques, il faut varier les espèces pour procurer un maximum de diversité végétale et mélanger les couleurs de feuillage. Je plante beaucoup de lianes et d’espèces grimpantes pour densifier encore plus les coins délaissés du jardin, là où je n’interviens pas. Je me dirige aussi vers des arbres résistants qui pourront affronter les périodes de sécheresses des années à venir. Ma spécialité du moment, ce sont tous les arbres qui offrent à manger aux oiseaux pendant l’hiver. Ou des fruits comestibles pour les écureuils et toutes les bêtes et oiseaux qui se nourrissent au sol, quand ces fruits tombent. L’idée est aussi de planter des arbres communs disparus ou trop rares dans la campagne qui m’entoure. J’espère aussi que certains de ces arbres se multiplieront dans les terrains à l’entour. 

 

Avec toute la pluie qui est tombée cette année, j’aurais pu planter beaucoup plus, mais je n’ai pas pu le faire à cause de la baisse de mes revenus. Si vous voulez m’aider à développer la diversité écologique de ce jardin, vous savez qu’il y a sur cette page, à droite de ce texte, un accès à mon compte PayPal. Il faut aussi que je me mette sérieusement à mettre des abris pour oiseaux partout, particulièrement dans le bois qui jouxte ma maison. Planter un arbre est toujours un geste fort. A Londres, pour symboliser le souvenir des personnes décédées du Covid, des arbres vont été ainsi plantés. Cela ne rattrapera pas la catastrophe des incendies de cette année et des années précédentes dans d’autres parties du monde. Mais quel meilleur moyen pour vous témoigner ma gratitude en plantant ceci ou cela ? Ou ça encore ?

 

Ma reconnaissance est grande. Elle est éternelle.