lundi 28 décembre 2009
All the young dudes
Je reste quand même impressionné par la succession de coming out importants en ce moment. Le dernier en date, Gareth Thomas, a surpris même mes copines anglaises, qui ne sont pas souvent surprises. On a déjà tout dit sur cette affaire émouvante, mais pourquoi a-t-on l’impression que le système du coming out est plus dynamique dans d’autres pays ? il y a sans cesse des apparitions de gays à pouvoir comme le ministre des affaires étrangères allemand ou la maire lesbienne récemment élue de Dallas, Texas. Partout à travers le monde, c’est une lumière de plus qui clignote du Brésil, du Canada ou d’Espagne. Ca blippe de partout.
Je ne vais pas encore radoter sur la place silencieuse de la France dans cette frénésie générale. On dirait qu’à l’étranger les gays et les lesbiennes n’arrivent plus à se cacher. La peur quotidienne, ils ne veulent plus la vivre. Ils arrivaient à surmonter cette terreur, il y a dix ans, mais ils se trouvent tous confrontés à la facilité de la vie gay. Ces hommes et ces femmes de carrière voient autour d’eux des gays de 16 ans totalement affirmés et ils se disent : « Pourquoi pas moi ? ». En France, on dirait qu’ils ont moins de scrupules à vivre sans beaucoup de courage.
L’Angleterre est plus dynamique dans le coming out parce que ça remonte à loin. Avant même les campagnes d’outing spectaculaires, avec plus d’une centaine de membres de clergé dénoncés, l’Angleterre a vécu à travers les vies privées des grands dinosaures, Boy George, George Michael et Elton John. En fait, ces folles ne se sont pas vraiment fait remarquer par leur coming out, mais par leurs problèmes avec la justice précisément parce que leur sexualité était problématique..
Quand culture Club avait beaucoup de succès, Boy George se disait bisexuel. Quand Wham ! avait beaucoup de succès, George Michael se disait hétéro. Nous, à l’époque, ça nous faisait bien rire, mais on ne va pas revenir sur ça non plus.
Il s’agit, encore une fois, de très grands artistes. Je ne vais pas revenir sur la popularité de Boy George en 1984 et je ne radoterai pas non plus sur les qualités de compositeur de George Michael. J’ai adoré leurs disques, ils étaient camp, c’était le golden age de la pop anglaise. Parallèlement à leur succès, Jimmy Somerville avait fait son coming out dès le début. Boy George et George Michel étaient mal à l’aise face à ce précédent. Jimmy les forçait, dans un sens, à se positionner.
Tout le monde connaît cet angle du militantisme des années 80. Ce qui est moins discuté, et là j’arrive à mon sujet, il est temps au bout de 2500 signes, c’est que Boy George et George Michael ont finit par rejoindre la position de Somerville, à travers leurs problèmes avec la justice. Le premier passe 15 ans dans la drogue et séquestre un rent boy chez lui. Le gosse finit par s’échapper, à poil dans la rue, traumatisé par le traitement subi. Meanwhile, George Michel était devenu une divinité de la musique, mais il s’est fait choper plusieurs fois dans les chiottes publiques à travers le monde. A chaque fois, les médias ont été particulièrement atroces. L’anecdote du paparazzi qui l’a suivi en bagnole de Londres à Brighton pour le choper juste au moment où il sortait de sa voiture est assez révélatrice.
Ce qui est intéressant dans ces affaires, ce n’est pas la déchéance sexuelle. Ce qui est intéressant, c’est qu’à un moment, il y a 3 ou 4 ans, les deux George (puisqu’on va les appeler ainsi), se sont dit « what the fuck ». Ce n’est pas parce que Boy Gorge a eu des problèmes de drogue dans les années 90 qu’il est arrivé à une binge sexuelle SM où il finit par violer un prostitué. Et ce n’est pas parce que George Michael a été chopé dans les chiottes publiques à LA qu’il a décidé de ne pas le faire à Londres (ou partout où il va d’ailleurs). A un moment, ces homosexuels ont décidé de faire ce que Somerville avait décidé il y a bien longtemps, en 1985 : sa célébrité ne l’empêcherait pas d’aller draguer dans les parcs et de se bourrer la gueule. Je suis bien placé pour le savoir parce que j’étais là souvent quand il faisait la première page des tabloids parce qu’il avait fracassé sa pinte de bière sur la tête d’une folle qui la faisait chier en boite. Mais, depuis, Jimmy drague toujours et, aux dernières nouvelles, de temps en temps il se coltine une cuite mémorable en public. Mais les médias n’en parlent plus. Il fait tellement partie du décor des folles célèbres de Londres qui se bourrent la gueule et qui baisent avec des freaks que ce n’est plus du matériel à scandale.
Gareth Thomas a sûrement fait son coming out parce qu’il avait toutes les qualités pour débloquer gravement, comme l’ont fait les deux George. Dans son domaine, il est à ce niveau de perfection, c’est un artiste du rugby. La violence qui est dans son jeu de sportif, c’est la même violence qu’exprime Boy George dans le sadisme de sa relation avec le rentboy, c’est la même que s’inflige George Michael quand il va sucer une bite dans des toilettes publiques et qu’il sait qu’il va se faire attraper par les médias. Somerville m’avait raconté, en 1984, que lorsque Elton John avait découvert le premier tube de Bronski Beat, il avait envoyé sa voiture pour aller chercher Jimmy, Larry et Steve car il voulait les rencontrer. Le problème, c’est que Jimmy habitait à l’époque dans les tours de Camberwell. Et qu’Elton avait envoyé sa Rolls, qui attendait à côté de l’entrée. Jimmy m’avait dit : « Tu comprends, c’est gentil de sa part, mais c’est complètement débile, il n’y a jamais de Rolls qui passe par là, il pourrait se la faire brûler. Et puis, on a l’air de quoi ? Il cherche à nous impressionner ou quoi ? ». En fait, Jimmy savait déjà, à cette époque, sans avoir rencontré Elton John, que ce dernier vivait dans un monde qui était très éloigné de celui du commun mortel. C’était déjà « Sunset Boulevard » sur la Tamise. C’est la folle à son niveau le plus dingue, celle qui arrive chez Colette et qui fait fermer la boutique pour faire son shopping et qui achète tout en 4 exemplaires, pour être certain que ses 4 maisons principales auront chacune un set complet des objets qu’il vient d’acheter. C'est de l'extravaganza.
Elton John est un peu la vieille multi-millionaire anglaise, le mothership en quelque sorte. Elle a une responsabilité de mère par rapport à toutes ces stars gays qui ont faire leur coming out depuis 25 ans. Il doit préparer une fête pour Gareth Thomas as we speak. Mais ces hommes célèbres n’ont pas choisi de faire leur coming out uniquement pour être libérés de la peur du secret. Ce n’est pas uniquement une question d’identité ou de fierté. Ils n’ont pas envie de devenir des rôle modèles. Eventuellement, ils s’affirment en tant que gays pour pouvoir jouir des droits de tous les gays, c’est-à-dire : faire des conneries de gays. C’est ce que dit George Michael quand il se moque méchamment d’Elton en disant : « Je sais très bien qu’il attend que je vienne chez lui, chialer à sa porte, pour qu’on me mette en cure de désintox ». Il n’a surtout pas envie d’offrir ça à sa grande sœur Elton John.
Et je crois que l’Angleterre est en avance sur nous, en termes de coming out, parce que les Anglais vont beaucoup plus loin que les autres dans le délire de ce que l’on peut faire – ou non. Ce n’est pas seulement l’influence des tabloïds, le côté rance de la justice anglaise, leur violence urbaine, l’alcool, le foot, la force des séries à la « Little Britain » ou Catherine Tate. Ce sont ces dinosaures de la pop et du cinéma qui établissent ces limites, les Boy George et les Isaac Julien, les George Michael et les Ian McKellen. Et même quand Rupert Everett semble sortir des phrases définitives de vieux réac sur son coming out, il ne faut pas oublier qu'il n'aurait pas pu faire autrement. Il devait faire son coming out. Ces hommes ont souffert pendant toute leur vie des privations causées par la vie dans le placard. Quand ils arrivent à en sortir, c’est comme si leurs pulsions submergeaient leur self contrôle. Il faut qu’ils déconnent.
Bien sûr, en France, le pays où le off est roi, les gays au placard peuvent à la fois déconner, et jouir de leur cachette. D’où l’ennui.
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7 commentaires:
Peut-être aussi que les questions et débats qui font avancer et sortir du placard sont pas relayés par "les animateurs" de la vie gay en France. Que font Lestrade, Yagg, Tétu, et tutti quanti comme échos à "l'appel de Montpellier ?" Même pas un lien vers le site pour signer l'appel ! Ouais, ouais. Il parait que cela ennui tout le monde. Tout le monde préfére surfer sur le site des pornstars, les vrais vedettes d'aujourd'hui ! Décidemment les activistes des années 90 sont bien las !
@Anonyme1
L'appel de Montpellier a été relayé par Tetu depuis des semaines...
Erik
j'ai beau parcourir de haut en bas et de bas en haut la page d'accueil du site de Tetu : RIEN sur cet appel. Mais faut pas rêver. T'es complétement ring' mon gars. Tu voudrais du militantisme alors qu'aujourd'hui il n'y a que le zap'journalisme qui fonctionne. Une info chasse l'autre. Parlez d'un problème c'est comme le résoudre. Allez hop, au suivant !
http://www.tetu.com/actualites/france/appel-de-montpellier-maintenant-vous-aussi-vous-pouvez-signer-16029
Bonané
In, out, in, out,
come in, come out
la mer à palavas
coming out
come
corps à marée basse
appel du large, amarres, drop
outing
out, in, out, in, out
mal amer, refluer, vague à l’âme, clapotis
flic, flac, hip, hop
Pétard, y'a vraiment des boulets qui comprennent rien ! Evidemment que Tétu a fait un article là dessus. C'est la moindre des choses. Mais justement c'est ça le problème. Tout le monde fait la moindre des choses. Depuis que l'appel de Montpellier est en ligne, 7000 personnes l'ont signé. C'est à dire rien. C'est un flop. Pourquoi ? Parce que les gens concernés ne s'emparent pas de la question. Ils s'en branlent. Et puisque les gens concernés s'en branlent, les députés leur feront un bras d'honneur. Et la prochaine, les quelques élus un peu courageux passeront leur chemin.
L'appel de Montpellier, tout le monde en a parlé et je l'ai signé. Je suis étonné qu'il n'y ait eu que 6000 signatures, mais bon, on est entourés de flops militants. Gay guys don't give a shit these days!
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