lundi 6 juillet 2015

Les oiseaux de mon jardin

Mon jardin est adulte désormais et chaque année je fais le compte des oiseaux qui y reviennent. Les arbustes sont grands, les haies épaisses, les arbres ont pris du volume et cela fait plusieurs mois que je pense à écrire sur ces oiseaux qui me rendent heureux toute l'année.

Quand on était jeunes, à la ferme, mon père nous avait fabriqué une volière. Il y avait de canaris, bien sûr, des chardonnerets que mon frère Thierry allait chercher dans les arbres. Il savait trouver les nids pour en prendre un œuf qu'il déposait dans une couvée de canaris qui élevaient l'oisillon comme leurs petits. Plus tard, il y a eu des perruches, assez idiotes et agressives et leur arrivée a coïncidé avec notre adolescence, quand l'intérêt pour cette volière a commencé à s'évaporer. Notre père se mettait en colère quand nous avions oublié de nettoyer le sol, changé l'eau du bain des oiseaux. Pour lui, c'était une tache ménagère que nous devions assumer, comme tondre la pelouse, aider à la récolte des prunes et arroser le jardin. Mais pendant toutes ces années, la cour de la ferme était saturée du chant des oiseaux de la volière qui répondaient aux autres oiseaux de l'extérieur, libres eux.

Quand je suis arrivé dans cette maison de Normandie, la femme du maire m'a dit :" Si tu as des sittelles torchepot, il faut absolument les garder, cette espèce commence à se faire rare". Je ne connaissais même pas le nom de ces drôles de bêtes. Et en effet, un couple était déjà là, faisant son nid dans les trous du mur de la maison, façade sud. C'est un oiseau amusant à tous les points de vue, le seul capable de descendre le long des arbres, la tête en bas. En été, il aime bloquer les graines de pin entre les écorces de l'arbre pour en faire des réserves. À la fin de l'hiver, presque avant les mésanges, c'est le premier oiseau à marquer son territoire, dès le matin, très tôt. Leur plumage n'est pas très marquant mais sa petite corpulence est attrayante. La sittelle n'aime pas qu'on la regarde mais elle est très grégaire.

Cette année, je ne sais pas pourquoi, j'ai eu plusieurs espèces de mésanges. Des la fin de l'hiver, c'est connu, c'est l'oiseau le plus impétueux. Chez moi, elles frappent carrément aux fenêtres. L'année de la disparition de Sylvain Rouzières, une mésange charbonnière est devenue possédée, elle tapait tout le temps sur les fenêtres de la maison, oubliant de se nourrir, me suivant de piece en pièce. Je ne suis pas croyant mais c'est la première fois où j'ai envisagé la possibilité que l'âme de quelqu'un puisse se manifester à travers la persistance d'un oiseau. J'ai raconté à la mère de Sylvain que je pensais que c'était lui qui venait taper sur mes fenêtres. Pour me dire quoi, je ne sais pas. En tout cas, à force d'être réveillé tous les matins et harcelé toute la journée, j'ai fini par trouver ça moins poétique et j'ai été obligé d'installer un filet sur toutes les fenêtres pour décourager cet oiseau bipolaire.

D'une manière générale, tout le monde aime les mésanges, c'est pour ça qu'on trouve ces boules de graisse et de graines partout dans les supermarchés. Elles sont belles, colorées, courageuses, leur chant est agréable et fin. Et cette année, j'ai remarqué deux couples de mésanges à longues queues, très joueuses aussi, qui aiment bien se regarder dans le miroir des fenêtres pour venir y picorer les tout petits insectes.

Bien sûr, j'ai un rouge gorge, rien d'exceptionnel, tous les jardins en ont un. A part son joli chant, notre relation est la plus proche en plein hiver. Quand je travaille dans le potager ou que je désherbe un coin, il vient toujours à côté de moi, me regardant droit dans les yeux, attendant d'attraper un petit insecte à côté de ma main. Je peux lui parler, il n'y a pas de bruit, c'est entre lui et moi.

J'ai aussi un ou deux couples de troglodytes, toujours au nord du jardin ou dans les coins les moins visités, comme s'ils avaient besoin d'avoir un coin à eux. Là aussi, c'est un oiseau classique qui me rappelle ma jeunesse, c'est surement l'oiseau qui construit les plus jolis nids, souvent au sec à l'intérieur de la cabane, à l'intérieur d'une botte oubliée clouée sur un mur ou un chapeau, comme une grosse boule de mousse et de duvet. C'est le seul oiseau, avec le merle, qui se faufile dans les branches basses des arbustes, au niveau du sol. On le confond souvent avec une souris, il est méga cute.

Les merles. Ce sont peut être les oiseaux irréprochables d'un jardin. Si j'avais des hirondelles, je les mettrais en pôle position mais je crois que cette maison n'en a jamais eu, donc impossible de les faire venir, dommage. Les merles eux sont partout, nombreux, excités, ils possèdent le jardin. À la saison des cerises et des fruits rouges, ils sont tellement ivres de sucre qu'il y en a toujours un ou deux (souvent des femelles, je ne sais pourquoi) qui se fracassent contre les portes fenêtres de la maison, croyant rejoindre un coin sombre du jardin. Mais bon, tout le monde connaît les merles, il y en a partout en ville, dans les parcs et jardins, rien de sensationnel.

Je regrette ne pas avoir de moineaux. Mon ami Ray, qui vit juste à 1km de chez moi, a des moineaux et des hirondelles. Ces oiseaux si communs commencent à disparaître des campagnes, on ne sait pas trop pourquoi. D'oiseaux peu aimés et très courants dans les années 90, ils se font rares et c'est dommage.

Ma grande fierté de 2015, c'est un couple de corneilles qui s'est installé dans le grand cèdre. L'après midi, ils se promènent sur le bas de la pelouse, de gros spécimen. Il y a des gens que leur cri rend tristes ou mélancoliques, surtout en hiver. Moi, ils me font rire. Il y a une note effrayante dans ce cri, d'ailleurs le corbeau est l'oiseau le plus célébré du cinéma moderne, il est systématique dans les séries comme Games of Thrones, etc. Mais en avoir un couple dans les 5000m2 du jardin, c'est presque l'aboutissement de 13 années passées à la campagne. Ils virevoltent dans les airs, ce sont les gardiens de l'espace.

À côté d'eux mais un cran en dessous dans l'échelle naturelle, un couple de pigeons ramiers et cette année, enfin, un couple de tourterelles. Je commençais à m'impatienter car il y a des tourterelles partout et si vous prenez la route dans la campagne, les pigeons ramiers sont visibles sur les fils électriques le long de la route, partout.  Ces  tourterelles sont arrivées plus tard cette année, elles ont du s'imposer dans un coin différent des pigeons ramiers qui, eux, sont là depuis plusieurs saisons. Ce sont des oiseaux gentils, qui font claquer leurs ailes en s'envolant, que l'ont peut observer surtout le soir lorsqu'ils viennent s'abreuver une dernière fois à la mare. Régulièrement, ils perdent une grosse plume que je récupère dans la maison sur une lampe en osier trouvée chez Emmaüs.

Quoi d'autre? Ah oui, à la fin de l'été, c'est le moment du geai des chênes, qu'on voit rarement le reste de l'année, à part quand il s'enfuit en criant.  Avant l'automne, quand le jardin est très sec, le couple se promène avec ses petits sur la pelouse mais le meilleur moyen de l'observer est de loin, à l'intérieur de la maison, quand ils ne savent pas qu'on est là. Joli plumage, jolie allure, joli bec.

Je bénéficie aussi du passage des chouettes. Elles nichent plus loin, dans les bois ou les grands chênes isolés des prés. J'ai même un couple de buses qui niche toujours dans le même chêne du pré voisin, on entend les petits qui appellent tout l'été. Les chouettes, c'est vraiment l'hiver qu'elles sont les plus sonores, c'est une des satisfactions de la saison morte. Quand j'étais jeune, il y avait une chouette Chevêche qui nichait chaque année sous le toit, au coin de ma chambre, orientation sud-ouest. J'ai grandi avec le petit bruit de son nid, c'était un privilège d'avoir de tels oiseaux si près de sa fenêtre. Pendant l'hiver les cris des chouettes se répondent à travers la campagne, parfois une d'elles vient hululer dans les branches du grand sapin qui donne sur ma chambre, comme une sirène de bateau.

Au même moment, avec le brouillard de l'hiver, une troupe d'étourneaux s'amuse sur les plus hautes branches des grands sapins des voisins, ça piaille et ça papote pendant des heures avant de rejoindre le bois de bambous de l'autre voisin en contrebas. Et parfois, vers le soir, ils passent au-dessus de ma maison en faisant des mouvements de masse comme dans les films de Terrence Malick. Magique. Mais c'est pas souvent.

De tous ces oiseaux, le rossignol m'a fait la surprise de s'installer chez moi l'année dernière. En fait, le jardin d'à côté, beaucoup plus grand que le mien, est un refuge pour oiseaux, ce qui attire sûrement des espèces qui débordent chez moi. Ce rossignol est revenu cette année et c'est amusant de vérifier que tous les clichés sur cet oiseau sont avérés. C'est un oiseau si terne qu'on ne le voit jamais dans les arbres et il déteste qu'on lève les yeux sur lui, il arrête son chant aussitôt. Mais la force de son chant est si unique, on dirait un merle qui aurait pris du MD, capable de singer le chant des autres mais il est si puissant qu'il parvient à faire taire les merles, surtout le soir.

Je ne peux terminer ce petit tour des oiseaux de mon jardin sans me plaindre, encore une fois, du pinson, le seul oiseau que je n'aurais pas peur de flinguer si je possédais une arme, ce qui n'arrivera heureusement jamais. Mais quel épuisement ce piaf, toujours à chanter 1000 fois par jour la même mélodie criarde, même pas agréable, d'une puissance hallucinante, comme si ce petit truc avait 15 baffles Bose dans le cou. Le tuer ne servirait à rien, il y en a au moins 3 sur mon terrain qui se répondent et c'est une espèce qu'on voit et qu'on entend partout. Assez joli plumage mais qui ne rachète pas du tout son ramage. Heureusement, il se tait au début du mois de juillet, ce qui marque l'arrivée du bel été, enfin calme, chaud, silencieux.



Voilà. Je remarque de plus en plus que les amis qui viennent chez moi ne connaissent pas ces oiseaux, pourtant très communs. Même mes anciens boyfriends ne semblaient pas très sensibles à leur présence. Je ne dis rien, mais c'est un peu la honte de ne pas pouvoir les reconnaître, ça doit être un signe des temps.

2 commentaires:

daniela a dit…

Non seulement vs connaissez très bien les plantes, mais aussi les oiseaux ? Dingue !
J'ai lu vos livres, votre blog. Vs écrivez très bien. Je sais de quoi je parle, c'est mon métier. Vs pouvez aborder n'importe quel sujet, c'est tjs agréable à lire. C'est ce que j'appelle savoir écrire. Celui qui dit le contraire est 1 con.
Justement, ds le petit jardin, il y en a qui chuigne d'oiseau. Tjs s/la même note, sans s’arrêter.
Je ne sais pas ce que c'est.
Ne pas reconnaître les oiseaux: 1 peu la honte...
daniela (belgique)

Unknown a dit…

Il faut vivre entouré d'oiseaux pour d'intéresser à eux et les différencier. Tous les étés je vais en Toscane , et le matin un drôle d'oiseau vole au-dessus du jardin en décrivant des cercles en chantant. En fait de chant c'est plutôt un cri, assez agaçant et répétitif. Une petite recherche Google m' a permis de l'identifier.: le pitpit farlouze. J'étais très content de mettre un nom, très curieux d'ailleurs sur cet animal. Mon mari, lui ça le laisse de marbre, mais il est content pour moi. .