mercredi 21 novembre 2012

Merci aux Femen!



L'action des Femen marquera sûrement le tournant de la mobilisation en faveur du mariage pour tous et de la PMA. Tout d'abord parce qu'elle a suscité une vague de soutien sans précédent face à la violence de la confrontation entre militantes vs CIVITAS. Mais surtout parce que cette action, dans sa forme et son esprit, renouvelle les modes d'action LGBT - tout en venant d'un groupe de femmes féministes.

C'est un peu comme en 1989. Il suffit qu'une quinzaine de personnes manifestent  d'une manière nouvelle et soudain, cela cristallise dans le visuel quelque chose que l'on attendait confusément. Pour les médias qui étaient présents et les activistes qui ont préparé cette action, c'est un moment décisif qui rappelle les premiers zaps d'Act Up.

En mieux. Plus moderne. Plus Now.

Regardons ces images et ces vidéos de manière graphique. Car c'est toujours l'image qui prime. Des filles nues (c'est leur marque) avec une typo vaguement gothique (mais parfaite) sur la peau, avec des slogans. Des extincteurs repeints en blanc avec marqué dessus, avec la même typo, "Holy Sperm". De la fumée. Une chorégraphie. Des cris. Une bousculade. Quand ces photos sont apparues sur FB, elles sont été partagées des centaines de fois en l'espace de quelques minutes, comme un acte instantané, spontané. Cela ressemblait à un tableau classique du genre "Le radeau de la Méduse". Ou une image des barricades de la Commune. Ou une image de mai 68 ou du festival Wigstock.

En fait, cela venait d'Ukraine avec des filles qui viennent s'engager en France avec la ferme intention de montrer comment l'agit-prop doit être fait aujourd'hui. C'est une initiative féministe et les références historiques sont innombrables. Il y a du courage, de la témérité, même un esprit suicidaire : se servir de son corps pour manifester presque nues, dans le froid, face à un groupe de droite très mobilisé. C'est très fort.

Graphiquement, donc, c'est une action qui a été pensée dans les moindres détails. Comme à Act Up, la "fabrication d'objets" a été simple et efficace : costume de nonnes résumé à l'extrême (c'est du Fellini!), extincteurs du BHV repeints en blanc (c'est le nouvel artefact qui remplace les vieilles cornes de brume) et une mobilisation des médias qui est importante à double titre :
- faire la photo ou la vidéo qui restera historique
- servir d'écran protecteur pour les militantes.
De nombreuses personnes présentes ont admis que si les médias n'avaient pas été là, il y aurait eu des risques de lynchage. Il ne faut pas oublier aussi, que les journalistes sont souvent plus que des personnes qui tendent le micro ou qui font des photos. Dans le cas présent, ils ont été invités à être témoins d'un évènement qui lance une dynamique. Comme à l'époque d'Act Up, ces journalistes veulent s'engager. Ils ont 30 ans, ils n'ont pas connu Act Up de la belle époque. Les Femen les inspirent. En étant ainsi présents, ils sont invités aussi à rejoindre le mouvement des Femen.

Donc c'est toujours la même recette : agir à travers les médias. Who cares si ça tourne mal, si des coups sont échangés (du moment qu'il n'y a pas de fracture grave, j'insiste), l'important c'est la photo, au delà de l'action. C'est la photo qui va devenir virale, qui traverse les pays et le temps. Qui fige un moment. Et à tous ceux qui disaient depuis des années, malgré Occupy et Anonymous, que les actions activistes LGBT appartenaient au passé, voici la preuve, avec les Femen, que le renouveau est là, qu'il est possible, qu'il fonctionne au delà de toutes les attentes. L'action des Femen est un électrochoc pour les LGBT car il peut donner des idées aux groupes d'affinité qui vont se préparer dans leur coin pour la grande manifestation du 16 décembre prochain.

C'est là où le militantisme bien organisé rejoint les flash mobs. Au lieu de présenter aux médias des kiss-in ratés devant l'Hôtel de Ville ou devant l'Assemblée nationale, sans banderole, sans effet visuel, sans son, sans ENCADREMENT, l'action des Femen aura servi à inspirer les LGBT avec des images percutantes. Désormais, n'importe quel groupe d'amis et d'amies de 10 à 15 personnes (ou 50!) peut désormais intervenir. Ce n'est plus du cirque de rue. C'est le retour aux affinity groups. Après tout, si l'inter-LGBT est trop molle, rien ne vous empêche de lancer vos propres actions, comme ce soir devant le sièdge du PS, à 18h30.

Il faut vraiment que vous regardiez United In Anger de Jim Hubbard. C'est pour ça que j'insistais pour que ces films soient projetés lors du festival Chéries-Chéris. Si on avait pu voir ces films, on aurait pu s'inspirer de ce qui a été déjà oublié. Par exemple, et après j'arrête avec ça : dans United in Anger, lors de la manif "Storm the NIH" d'ACT UP, on voit plusieurs personnes avec des fumigènes attachés au bout de perches de 5 mètres de haut. Et ces personnes se mettent à courir, traversant la manif, laissant derrière elles un panache de couleurs qui s'évaporent dans la foule et dans le ciel. C'est du spectacle! Quelque chose qui fait crier les gens de bonheur, d'être ensemble et de manifester! C'est fondamental dans l'esprit d'une manif qui demande l'égalité pour toutes et pour tous! Vous DEVEZ voir ce film! Le 29 novembre par exemple!!
Et enfin, please, demandez à vos amis graphistes de faire des pancartes! Demandez à Pascal Colrat, au moins! Le 16 décembre, il faudra être nombreux mais surtout il faudra sortir de cet état d'esprit misérabiliste du kiss-in de l'Hôtel de Ville car nous sommes obligés d'être inventifs! C'est ce qui va leur trouer le cul, à la droite et au PS! Et il y a encore assez de gens riches dans cette crise économique pour trouver les moyens de faire les choses d'une manière plus... glamour.

Donc merci aux Femen. Et n'oubliez pas, ce sont elles les militantes. Ce sont elles qui ont inventé cette action. Il faut les rejoindre. Il faut protéger leur siège. Il faut s'en inspirer. Il faut arrêter de récupérer leurs actions comme le fait Caroline Fourest (j'ai vu des articles du genre "Caroline Fourest et les Femen tabassées". NON, c'est "Les Femen sont tabassées, Fourest ensuite"). Il faut reprendre l'initiative dans le combat pour le mariage. Obtenir la PMA, coute que coûte. Refuser la "liberté de conscience". Et enfin, enfin, enfin, grâce aux Femen, mobiliser les gays du Marais qui restaient jusqu'alors en retrait. Ah la blague ultime! Les gays du Cox réveillés par les filles du Femen!!!

Si on nous l'avait dit!!!!

samedi 10 novembre 2012

Feeling Blue




Comme beaucoup de personnes, je me sens blue depuis quelque temps. Ce spleen se sent beaucoup sur Internet et dans les discussions avec les amis. Cet automne n'est sûrement pas l'automne "rouge" que l'on annonçait au mois d'août, avec plein de grèves et de soulèvements. C'est la rentrée de la grisaille politique et de la désillusion. Le mois d'octobre a été triste, difficile, et je ne connais pratiquement personne autour de moi qui n'ait pas de problèmes de sous. Certains jours, il n'y a vraiment rien qui fasse oublier ce bruit de fond de la société qui exprime la lassitude et le ressentiment. C'est à nouveau le temps des troubadours of gloom, les crooners of catastrophe.

En tant que gay, on se réveille tous les matins avec Google Alerte et à chaque fois, on se demande qui a pu sortir une énormité sur le mariage et la PMA. Je ne fais pas partie de ceux qui s'imaginaient que tout irait facilement pour cette loi et je rappelle sans arrêt qu'il y a eu de grandes manifestations dans les pays que l'on montre désormais en exemple comme l'Espagne. Et c'est normal. On est assez forts pour encaisser des coups pendant une bataille qui représente une forme de "finish" militant. Mais la manière avec laquelle le gouvernement patine sur ce qui est présenté comme "la première grande réforme sociétale du PS" donne envie de vomir. On le savait, on le voit désormais : personne n'a travaillé le sujet, la seule chose qui les intéressait était de gagner les présidentielles.

D'abord, si la PMA n'est pas votée, je considèrerai que cette loi comme un échec total. C'est pour les lesbiennes, ducon. Si ces dernières n'avaient pas montré, les premières, il y a déjà 20 ans et plus, qu'on pouvait élever des enfants dans une famille équilibrée, il n'y aurait rien. Grâce à elles, on a tellement de recul et de données, et c'est effarant d'entendre de telles bêtises dans les médias. Il y a un psy qui passe sur tous les plateaux télé et qui raconte qu'un enfant ne peut pas "s'imaginer" sans un père et une mère. Non mais c'est qui ce type... L'enfant se débrouille tout seul quand il est dans une famille solide et il n'y a presque rien de plus solide que deux lesbiennes qui veulent un enfant. Il y en a d'autres qui sont tout surpris qu'on puisse imaginer une école au Canada pour personnes LGBT, comme ça existe depuis déjà 15 ans à New York. Bon y'a des écoles pour cathos, juifs et musulmans, mais des pédés et des gouines et des trans, ça fait trop communautariste.

Mais ce n’est même pas ça qui rend triste. C'est cette répétition d'insultes, renouvelées chaque jour, en crescendo, qui montre encore une fois à quel point notre pays est vieux, en crise, à bouts de nerfs, et défaitiste à la fois.

Le jardin n'est même pas un réconfort. 5 mois après avoir cassé ma jambe, je ne peux rien faire qui dépasse une demi-heure de travail, autrement c'est trop douloureux. Le froid commence à entourer la maison. Le feu dans la cheminée fait du bien, c'est toujours un truc qui marche. Mais il y a sans arrêt ce bourdonnement dans la tête, un bruit qui rappelle qu'on n'est pas aimé dans ce pays et qu'on doit répéter des choses que l'on considérait comme acquises depuis au moins 10 ans. Il y a un tel décalage entre la société et ce qui se passe dans les minorités, au niveau de la base... car celles-ci avancent dans leur mécanisme de pensée, elles ont déjà assimilé ces concepts intra-communautaires qui ne font presque plus débat. On peut dire ça pour tout, des minorités ethniques, des LGBT, des écolos, des gens différents comme les handicapés : cette société n'est pas prête à évoluer sur ces sujets qui, pour nous, vont de soi. On est comme les musulmans. C'est à notre tour de sentir l'insulte répétée de Charlie Hebdo, du Point, de Caroline Fourest. On nous utilise pour faire diversion, comme si on était un panneau de signalisation routière. Genre "sens interdit" ou "éboulement".

Dans toute cette cacophonie et blah de bêtises, il n'y a pas une personnalité politique qui ait décidé de faire du ménage et de la PMA son combat. A l'époque du mariage de Bègles, Noël Mamère était droit devant. On le lui a reproché, je ne sais pas pourquoi, alors que c'est précisément le travail d'un élu ou d'une élue politique de se mettre en avant quand une question importante est posée au pays. En 2012, il n'y a même plus l'équivalent de Noël Mamère. Ils sont où, les Christophe Girard, Louis-George Tin, Jean-Luc Roméro, Caroline Fourest justement? Et ce pitoyable maire de Paris, qu'est-ce qu'il a à perdre désormais puisqu'il est sur le chemin de la sortie? Il y a encore des gens qui ont un agenda politique dans ce pays, au lieu de baisser la tête? S'il y a des députés gays à l'Assemblée, c'est le moment d'y aller (suivez mon regard). Il y a une opportunité de carrière ici! S'il y a des gays au gouvernement (suivez mon regard), ils doivent parler au nom du gouvernement. C'est comme ça que ça se passe, bandes de crétins. Enfin, dans la majorité des pays... normaux.

Nous entrons dans le froid de l'hiver et de la crise. La télé nous raconte déjà que les français vont dépenser comme d'habitude pour Noël. Apparemment, les gens continuent à acheter des conneries, je ne sais pas comment ils font. On attendait le changement dans ce pays, on a rien. Mylène Farmer est tout en haut des charts en France. Plus personne ne parle de la Syrie alors que l'hiver va tomber sur les réfugiés. Il se passe tellement de choses dans le monde que Twitter croule sous le poids de l'amertume. Facebook reste dans son monde joli-joli. Tumblr reste un tant soit peu libre. Je vais éteindre l'ordinateur. Jusqu'à demain, pour de nouvelles injures sur Google Alerte.