L'action des Femen
marquera sûrement le tournant de la mobilisation en faveur du mariage pour tous
et de la PMA. Tout d'abord parce qu'elle a suscité une vague de soutien sans précédent
face à la violence de la confrontation entre militantes vs CIVITAS. Mais
surtout parce que cette action, dans sa forme et son esprit, renouvelle les
modes d'action LGBT - tout en venant d'un groupe de femmes féministes.
C'est un peu comme en 1989.
Il suffit qu'une quinzaine de personnes manifestent d'une manière nouvelle et soudain, cela cristallise dans le visuel quelque chose que l'on attendait confusément. Pour les médias qui
étaient présents et les activistes qui ont préparé cette action, c'est un
moment décisif qui rappelle les premiers zaps d'Act Up.
En mieux. Plus moderne.
Plus Now.
Regardons ces images et
ces vidéos de manière graphique. Car c'est toujours l'image qui prime. Des
filles nues (c'est leur marque) avec une typo vaguement gothique (mais
parfaite) sur la peau, avec des slogans. Des extincteurs repeints en blanc avec
marqué dessus, avec la même typo, "Holy Sperm". De la fumée. Une
chorégraphie. Des cris. Une bousculade. Quand ces photos sont apparues sur FB,
elles sont été partagées des centaines de fois en l'espace de quelques minutes,
comme un acte instantané, spontané. Cela ressemblait à un tableau classique du
genre "Le radeau de la Méduse". Ou une image des barricades de la
Commune. Ou une image de mai 68 ou du festival Wigstock.
En fait, cela venait
d'Ukraine avec des filles qui viennent s'engager en France avec la ferme intention
de montrer comment l'agit-prop doit être fait aujourd'hui. C'est une initiative
féministe et les références historiques sont innombrables. Il y a du courage,
de la témérité, même un esprit suicidaire : se servir de son corps pour manifester
presque nues, dans le froid, face à un groupe de droite très mobilisé. C'est
très fort.
Graphiquement, donc,
c'est une action qui a été pensée dans les moindres détails. Comme à Act Up, la
"fabrication d'objets" a été simple et efficace : costume de nonnes
résumé à l'extrême (c'est du Fellini!), extincteurs du BHV repeints en blanc
(c'est le nouvel artefact qui remplace les vieilles cornes de brume) et une
mobilisation des médias qui est importante à double titre :
- faire la photo ou la
vidéo qui restera historique
- servir d'écran
protecteur pour les militantes.
De nombreuses personnes
présentes ont admis que si les médias n'avaient pas été là, il y aurait eu des
risques de lynchage. Il ne faut pas oublier aussi, que les journalistes sont
souvent plus que des personnes qui tendent le micro ou qui font des photos.
Dans le cas présent, ils ont été invités à être témoins d'un évènement qui
lance une dynamique. Comme à l'époque d'Act Up, ces journalistes veulent s'engager.
Ils ont 30 ans, ils n'ont pas connu Act Up de la belle époque. Les Femen les
inspirent. En étant ainsi présents, ils sont invités aussi à rejoindre le
mouvement des Femen.
Donc c'est toujours la
même recette : agir à travers les médias. Who
cares si ça tourne mal, si des coups sont échangés (du moment qu'il n'y a
pas de fracture grave, j'insiste), l'important c'est la photo, au delà de
l'action. C'est la photo qui va devenir virale, qui traverse les pays et le
temps. Qui fige un moment. Et à tous ceux qui disaient depuis des années,
malgré Occupy et Anonymous, que les actions activistes LGBT appartenaient au
passé, voici la preuve, avec les Femen, que le renouveau est là, qu'il est possible,
qu'il fonctionne au delà de toutes les attentes. L'action des Femen est un
électrochoc pour les LGBT car il peut donner des idées aux groupes d'affinité
qui vont se préparer dans leur coin pour la grande manifestation du 16 décembre
prochain.
C'est là où le militantisme
bien organisé rejoint les flash mobs. Au lieu de présenter aux médias des
kiss-in ratés devant l'Hôtel de Ville ou devant l'Assemblée nationale, sans
banderole, sans effet visuel, sans son, sans ENCADREMENT, l'action des Femen
aura servi à inspirer les LGBT avec des images percutantes. Désormais,
n'importe quel groupe d'amis et d'amies de 10 à 15 personnes (ou 50!) peut
désormais intervenir. Ce n'est plus du cirque de rue. C'est le retour aux
affinity groups. Après tout, si l'inter-LGBT est trop molle, rien ne vous empêche de lancer vos propres actions, comme ce soir devant le sièdge du PS, à 18h30.
Il faut vraiment que vous
regardiez United In Anger de Jim Hubbard. C'est pour ça que j'insistais pour
que ces films soient projetés lors du festival Chéries-Chéris. Si on avait pu
voir ces films, on aurait pu s'inspirer de ce qui a été déjà oublié. Par
exemple, et après j'arrête avec ça : dans United
in Anger, lors de la manif "Storm the NIH" d'ACT UP, on voit plusieurs personnes avec des fumigènes attachés au bout de perches de 5 mètres de haut.
Et ces personnes se mettent à courir, traversant la manif, laissant derrière
elles un panache de couleurs qui s'évaporent dans la foule et dans le ciel.
C'est du spectacle! Quelque chose qui fait crier les gens de bonheur, d'être
ensemble et de manifester! C'est fondamental dans l'esprit d'une manif qui
demande l'égalité pour toutes et pour tous! Vous DEVEZ voir ce film! Le 29 novembre par exemple!!
Et enfin, please, demandez
à vos amis graphistes de faire des pancartes! Demandez à Pascal Colrat, au
moins! Le 16 décembre, il faudra être nombreux mais surtout il faudra sortir de
cet état d'esprit misérabiliste du kiss-in de l'Hôtel de Ville car nous sommes
obligés d'être inventifs! C'est ce qui va leur trouer le cul, à la droite et au
PS! Et il y a encore assez de gens riches dans cette crise économique pour trouver
les moyens de faire les choses d'une manière plus... glamour.
Donc merci aux Femen. Et
n'oubliez pas, ce sont elles les militantes. Ce sont elles qui ont inventé
cette action. Il faut les rejoindre. Il faut protéger leur siège. Il faut s'en
inspirer. Il faut arrêter de récupérer leurs actions comme le fait Caroline
Fourest (j'ai vu des articles du genre "Caroline Fourest et les Femen
tabassées". NON, c'est "Les Femen sont tabassées, Fourest ensuite").
Il faut reprendre l'initiative dans le combat pour le mariage. Obtenir la PMA,
coute que coûte. Refuser la "liberté de conscience". Et enfin, enfin, enfin,
grâce aux Femen, mobiliser les gays du Marais qui restaient jusqu'alors en
retrait. Ah la blague ultime! Les gays du Cox réveillés par les filles du
Femen!!!
Si on nous l'avait
dit!!!!