mercredi 29 juin 2011
la vida es espléndida
Le jardin est merveilleux en ce moment. Je le dis parce qu’il faut que ça sorte comme une urgence politique syrienne ou un autre sujet de controverse mondiale comme : est-ce qu’on peut avoir un follow-up journalistique de qualité sur ce qui se passe au Yémen SVP ou on va encore nous offrir la preuve que les médias sont trop paresseux à rester dans leurs hôtels pour occidentaux ?
Avec la pluie des derniers 15 jours, c’est toute la nature qui a été rassurée, dans le genre « OK, on est un mois en avance sur tout, cette année les poires vont arriver en juillet et les premiers miscanthus sont en train de sortir leurs plumets alors que jamais jamais jamais on les voit avant août au plus tôt », mais toutes les plantes étaient dans la dernière ligne droite du calvaire de la sécheresse. Les fruitiers en espalier ont tellement souffert que quelques branches entières ont séché d’un coup, c’est normal je ne leur donne pas assez d’eau alors qu’il faut y aller pour avoir de gros fruits, je le sais, et certains hortensias ont fait la gueule, comme les fougères après un joli départ, les chèvrefeuilles aussi et je ne parle pas de la pelouse qui a grillé mais ça je m’en fiche et les primevères d’été je ne compte pas dessus cette année – déjà si elles ne meurent pas je serai content, mais le reste du jardin a résisté vaillamment (comme on dit) à une période sans pluie très rare, surtout en Normandie.
Du coup, ce printemps a été exceptionnel pour toutes les roses, tellement heureuses de ne pas subir les averses qui abîment les pétales, les clématites aussi qui sont parfois fragiles et le crambe cordifolia qui a fleuri pour la première fois après deux années de patience, avec ce panaché inouï de fleurs minuscules de chou qui ressemblent à du gypsophile nucléaire. Dans un parterre de graminées qui poussent, on dirait une boule radioactive, un nuage qui se détache avec des petites étoiles partout. Avec la stipa gigantea, ce fut la plante phare du mois dernier même si autour il y avait toutes ces fleurs, les aliums en boule, les ancolies de toutes les formes qui s’hybrident pour créer des couleurs vraiment zarbi, même les coquelourdes se mélangent entre les blanches et les shocking purple, les campanules ont été suprêmes, mais les deux pieds de stipa gigantea, l’un à côté de l’autre, c’est un émerveillement total, une couronne de tiges de deux mètres de haut avec des graines d’avoine qui s’ouvrent comme un feu d’artifice qui revint chaque année toujours plus fort à partir d’une plante qui ne demande aucun entretien, strictement aucun. Il faut juste la place dans un endroit dégagé, en plein soleil, assez proche pour pouvoir la toucher, afin de faire un point focal et dès qu’elle sent qu’elle ne sera pas dérangée par ses voisines, alors elle prend le dessus et s’impose à tout le monde. Il faut lui donner de la place.
Ce massif central de graminées, planté il y a 3 ans quand j’ai eu ce petit problème cardiaque est désormais adulte. Oui, avant j’avais un champ de cosmos qui attirait beaucoup plus d’insectes et de bêtes de toutes sortes, ça buzzait non stop all day long et il y avait ces grosses sauterelles vertes que j’adore car elles sont le signe que tout va bien, mais c’était trop d’entretien et désormais toutes ces plantes ont pris leur place et s'élargissent, je n’ai même plus à désherber, les vivaces se mélangent et se chevauchent comme les eryngium planum qui font des rejets dans les rares endroits non envahis par les asters et les anémones d’automne. Il n’y a plus de place libre, le dégradé entre les différentes variétés de miscanthus, de panicums, de poa cita est juste parfait, on dirait que ça a été fait avec une app mais non, et j’ai même mis de temps en temps quelques glaïeuls cheapos au milieu de tout ça qui sont super choucards. Tout est sauvage avec des scabieuses qui fleurissent non stop et qui germent ensuite dans des endroits pas possibles comme entre les pierres de la terrasse, il faut pratiquement leur marcher dessus pour aller à la table pour manger et je commence à comprendre ce que je lisais sur les graminées, sur le fait qu’elles attiraient certains oiseaux pour les nids, je me disais « Nan c’est pas possible, il n’y a pas assez de volume pour faire un abri » et maintenant je vois bien que ce massif est impénétrable à part pour les chats des voisins qui, de toute manière, ne peuvent pas accéder à des grosses touffes de miscanthus d’un mètre de diamètre avec des tiges si serrées que cela forme une carapace.
Quand je passe devant ce massif, je peux bloquer sans réfléchir devant les fleurs du verbascum bombiciferum, j’en ai enfin planté deux même si la terre est trop bonne là où ils sont, il faut les mettre dans les endroits les plus ingrats car c’est vraiment une molène qui vit de rien mais il faut vous rappeler que j’ai l’air d’un méchant garçon comme ça à taper sans cesse comme un branque sur Delanoë mais ce jardin, vous n’imaginez pas à quel point c’est une source de bonheur. Je n’en reviens toujours pas de la possibilité de me fritter sur FB à cause de Caroline Fourest tout en pouvant, dans la minute d’après, sortir de la maison pour aller là où ça se passe et regarder ce qui a changé par rapport au jour précédent. Oh, ce Hystrix patula que j’ai acheté cette année a ses tiges qui sortent de la pénombre du petit bosquet, c’est vraiment une graminée qui peut rester droite à semi-shade et puis il y a la stipa capillata qui est en train de sortir des épis si fins qu’on croit que c’est vos lunettes qui sont rayées ou qu’il y a un cheveu sur vos verres, et puis il y a ces Melica qui sont parmi mes graminées préférées avec leurs chaton de poutou qui ressortent au soleil, il y a les verbascums sauvages qui lancent leurs grosses tiges vers le soleil, les sauges sclarea Turkestanica qui sentent le camphre et qui poussent partout, et ce pied de chicorée sauvage qui me donne chaque matin 60 petites fleurs bleues ciel pur que j’adorais tellement quand j’étais petit car il y en avait partout sur les bords de chemin dans les années 60 et ce Helianthus Lemon Queen de Thierry Denis qui est vraiment la plante que vous devez absolument acheter sans réfléchir car le moindre petit godet de rien du tout vous offre dès la première année un baobab de fleurs lemon incest et au bout de 2 ans à peine vous êtes OBLIGE de le diviser pour en mettre partout tellement ça pousse vite, il faut faire un effet de masse avec une plante aussi généreuse, là aussi sans entretien. Et il y a les knautias pourpres que j’ai semées au pire moment l’automne dernier quand Deom Christian m’a envoyé les graines et qui ont passé tout l’hiver si dur dans un pot avec une vitre de verre dessus, c’était voué à l’échec et je les ai réussies, et il y a mes calamagrostis adorés bien sûr, un vrai rideau de tiges bien droites qui sont l’architecture de ce massif avec ces immenses artichauts de 3 mètres de haut que m’a offert mon frère Philippe et qui sont si beaux que je n’ose pas les manger et les mûres à tiges blanches offertes par Jean-Luc qui sont en train de produire ce bois argenté qui sera le plus beau à regarder en hiver quand il n’y a rien à regarder et le vent passe dans tout ça et fait moutonner les herbes comme dans une séquence de Ridley Scott ou de Terence Malik, il ne me manque plus que la main de Russel Crowe pour caresser tout ça car il n’y a rien de plus beau qu’un homme au milieu de tant de délicatesse foliaire. C’est un attrape nigaud pour lover ce jardin et quand mon ami Fred Javelaud m’envoie un fichier avec toutes ces photos prises lors du dernier week-end, je suis là à sauter d’excitation comme quand je reçois le dernier paquet de Falcon.
C’est comme une création qui se voit clairement mais dont on ne connaît pas le cheminement intellectuel. Tout commence à partir des catalogues de plantes et une feuille blanche avec un plan et une visualisation de ce que ça va donner dans 2 ou 3 ans, et quand on arrive au bout de 3 ans de patience et d’entretien, on est vraiment étonné de réaliser que la préparation a donné des résultats bien au-delà de ce qu’on pouvait imaginer au départ. Vous avez bien calculé la hauteur des plantes choisies, leur emplacement, tout pour que le regard monte naturellement du premier plan avec les petites plantes, puis vers les plants de taille moyenne pour culminer vers les géants du milieu du massif et après ça redescend de l’autre côté avec le même système. Et les plantes le savent, elles se soutiennent les unes les autres, sentant qu’elles sont épaulées pour résister aux orages et aux coups de vent et qu’il faut tenir jusqu’à l’automne qui est le moment d’extase des graminées pour arriver en hiver où là, votre jardin est plus beau que tous les autres car c’est le moment où les graminées donnent leur plus produit bonus ++, quand le froid et le gel les mettent en valeur.
Bref, le jardin a été sauvé par la pluie et les orages, il était parti pour une très mauvaise année et la pluie est arrivée à la dernière limite de ses résistances et toutes les plantes et tous les semis prennent, c’est le moment de l’année où le châtaignier émet son odeur de sperme si étrange et quand les oiseaux arrêtent de chanter sauf ce crétin de pinson qui n’a pas encore pigé qu’on est un mois en avance sur tout et que c’est le mois du chill-out et du barbecue. Ecrire deux bouquins dans des conditions pareilles, moi je le souhaite à tout le monde sauf à Caroline Fourest bien sûr, je me demande quel est son jardin secret à elle.
jeudi 23 juin 2011
L'enfer de Solidays
C’est le moment de l’année où ces affiches atroces apparaissent sur les murs et dans le métro et même à la station essence et god knows quel autre support-surface encore. Je n’ai rien écrit sur Solidays de ma vie donc pour une fois ça ne sera pas du radotage bien que, vous me direz, il paraît que je passe mon temps à donner des bons points à certains et des cartons rouges à d’autres, ce croyais que ça s’appelait de l’opinion et donc une bonne chose mais passons. Je déteste Solidays. Chaque année, c’est comme le Sidaction, je me mets en mode pause, attendant que ça passe en laissant cette machine se déployer comme une énorme structure tentaculaire sensée représenter l’aboutissement de toutes nos chimères de militantisme sincère. C’est comme ça quand on est séropositif, il ne faut pas s’attendre à tout aimer dans le sida (je dis ça pour rire vous savez), il y a des événements qui vous font encore plus honte que le fait d’avoir un visage amaigri à cause des lipodystrophies. Les lipos quoi ? Man, vous savez vraiment que dalle.
D’abord, je n’ai jamais rien compris à ces grandes messes de récolte de sous sur le sida. Solidays, c’est comme le dîner de l’Amfar à Cannes ou le bal des folles costumées à Vienne, il faudrait me payer très cher pour y mettre les pieds. Finalement, ce sont toujours des rassemblements de pouffiasses qui ne font rien pour le sida le reste de l’année et qui ont trouvé une niche rien que pour elles, comme ça elles ne se sentent pas « alliénées » par le sujet. À Cannes, je me suis toujours demandé si quelqu’un allait enfin faire un jour un papier pour raconter dans le détail ce qu’ils mangent, vraiment, ce qu’on leur met dans l’assiette pour que ça coûte si cher et comme tout le monde est anorexique dans ce milieu du cinéma et de la mode, si ça serait pas conceptuel de leur faire payer 10.000$ pour un Happy Meal de Mac Do. À Vienne, il y a tellement de connes qui jouent au Carnaval de Venise qu’on a juste envie de se mettre à côté de la porte d’entrée et de leur foutre une mandale dès qu’ils ont payé le ticket. Paf ! Paf ! Paf ! La blague à répétition ! Et Solidays, je rêverais de faire un papier sur : ce concert est nul. Non cet autre concert est nul. Non, celui-là est vraiment de la dauberie totale. Non attends, y’a M qui va jouer, c’est sûrement le pire qu’on peut imaginer nan ?
Le point commun à tout ça, ce sont des milliers de personnes qui n’en ont rien à foutre du sida, mais qui en profitent pour se montrer avec des robes qui valent plus que le budget santé du Mozambique et tiens, on va faire raccord puisqu’un grand joaillier de la place Vendôme m’a prêté pour le dîner de l’Amfar une rivière de diamants qui a été trouvée grâce à 1000 Africains sûrement séropos qui sont morts en creusant des trous pas sécurisés et je te parle pas du désastre écolo autour. Chez Solidays, je trouve ça tellement grossier que je m’empêche de réfléchir au fric que ça prend pour rassembler l’armée de roadies nécessaire pour monter toutes ces scènes, ces sonos, ces lumières, ces chiottes en plein air, cette machinerie d’organisation qui n’a absolument rien à voir avec le sujet.
Solidays, c’est un endroit où vous allez voir de la musique pas gratos, et c’est pas grand chose d’autre. Les associations sont là pour faire semblant d’éduquer la masse de kids qui ne savent même pas ce qu’est une chlamydiose et pourquoi les séropos brûlent 25% d’énergie en plus uniquement pour alimenter ce système immunitaire qui attaque des millions de particules de VIH par jour, as we speak. Ah vous ne saviez pas ça ? Ben c’est pour ça que les séropos ont la ligne, c’est pas parce qu’ils vont chez Weight Watchers mfgrr.
Et puis ces concerts, c’est quoi, c’est de la merde. Vous avez vraiment besoin d’un festival de plus pour « découvrir » la mauvaise musique française ? C’est quoi, vous n’avez pas assez d’Universal dans votre vie, il vous en faut une louche en plus ? Ah bon, vous ratez Arielle Dombasle à la Gay Pride et vous n’avez pas déjà vu 20 fois Bernard Lavilliers? Ou alors vous voulez vous infiltrer dans la bande de kids qui sont venus de Bar-le-Duc en bus et vous voulez leur faire peur en leur disant que vous avez eu des condylomes il y a 10 ans ? C’est drôle je l’admets, mais est-ce bien sérieux ? Et le village des associations, vous avez vu tous ces « volontaires » qui sont là à se faire chier avec leurs dépliants que personne ne lit et qui s’envolent au moindre coup de vent mais qui sont là pour prouver que l’association en question a bien envoyé 10 militants sur 3 jours pour s’assurer de recevoir un chèque de subvention à la fin de l’année car, bouh, la chute des subventions sida va faire très mal ? Tout ça c’est du paraître, on fait semblant de mener une politique d’outreach, les artistes font semblant, le public fait semblant, et tout le monde est là pour dire que, bah, si on fait 500.000 euros de bénef, ça veut dire qu’on aura dépensé 5 fois plus pour l’avoir. Là aussi, c’est une industrie qui finance le son, les affiches, le marketing, l’air qu’on respire, le sujet du sida qui est banalisé à travers un événement qui est sorti du cerveau de je sais pas qui d’ailleurs, le parrain c'est encore Antoine de Caunes ? Ah oui.
Ah mais Didier tu peux pas dire du mal d’Antoine de Caunes ! C’est le fils du père, le père de la fille, le mari de sa femme, c'est la substantifique moelle de Canal, tu vas prendre cher ! M’en fous. Je trouve que ça ressemble à une immense machine de PR pour Canal, tu passes au Grand Journal, je te garde une place sur l'affiche. Et pendant des années, on s’est demandé où allait cet argent et franchement, on ne savait pas du tout. Allez voir leur rapport d’activité sur le site, c’est transparent, mais je ne sais pas si j'ai compris ce qu'ils font concrètement. Enfin moi je reçois des dizaines et des dizaines de mails sur le sida par jour, je suis au confluent de beaucoup de spams et de newsletters et je vous garantis que je ne reçois jamais rien sur Solidays. Ils sont un peu down low quoi. En tout cas si vous savez où l'argent est allé, vous avez plus de chance que moi.
Alors je ne sais pas s’il faut dire merci à Solidays comme on le dit à Danette, mais je crois que c’est tout le monde qui leur dit merci. Longchamp, les transports publics, les vendeurs de merguez, les artistes qui ont tous besoin d’une date sur leur « Summer Tour », les fabricants de papier hygiénique et d’eau minérale, les parents parce que les kids ont une « activité culturelle » avec un environnement où les capotes sont gratuites mais personne ne les utilise, les frères ennemis Jean-Paul Huchon et Delanoë qui s’imaginent que Solidays entre dans leur case du volontarisme sida dans la région Ile-de-France, le milieu sida qui ferme sa gueule car il aura un petit chèque pour Noël (330.000 euros pour 48 associations en France, ça fait 6875 euros de moyenne, bof), l’armada de folles qui travaillent toute l’année sur un événement qui ne dure que 3 jours, un peu comme les autres folles qui travaillent sur la Gay Pride, merde c’est le même week-end, peut-être qu’ils ont outsourcé le management dans un élan généreux de co-branding, ah oui n’oublions pas les corbeaux qui auront de quoi manger avec toutes ces miettes de sandwiches qui vont rester sur l’herbe écrasée, et le cycle de la nature qui apportera un nouvel été, un automne, un hiver et un autre printemps avant la prochaine édition, pour fêter grandiosement la gueule de bois des présidentielles de 2012.
Vu sous cet angle, c’est excitant.
mercredi 15 juin 2011
Corps et âme
Oui je suis allé à Paris uniquement pour Body & Soul, mais en sortant du train je me suis dirigé vers un tatoueur que j’avais vu par hasard et je comptais prendre RDV pour un motif qu’ils ont et bien sûr il était fermé samedi et je me suis dit « Mmmm, des tatoueurs hétéros hardos qui prennent leur week-end de Pentecôte, j’aurais pas pensé ». Heureusement, on est allé voir « The Tree of Life » samedi soir et c’était merveilleux.
Dimanche, ça a donc commencé tôt, vers 13h chez Jean-Luc Morel et la bande de Robert + d’autres amis dans cet appartement rempli de belles photos et de dessins d’hommes avec des barbes et des moustaches du début du siècle dernier, toujours une belle manière de se préparer à écouter de la house. Noisette avait fait les choses parfaitement avec des déliciosités libanaises et des gaufres chaudes avec beaucoup de Chantilly et j’étais heureux de retrouver tout le monde. Ensuite on est allés à la Gaité Lyrique, certains en scooter et d’autres en métro et nous sommes arrivés assez tôt, vers 15h30, quand la salle était encore peu remplie. Le kid à la caisse était sweet, tout était beau comme je l’imaginais après avoir vu des reportages à la télé, j’ai rigolé en découvrant le foyer où une folle a du travailler pendant 9 mois sur la patine des murs comme s’il s’agissait de la chapelle Sixtine (« J’ai pas encore fini chef, je recommence tout car je voudrais mieux travailler sur le geste ») et Robert a râlé sur les fenêtres du foyer qui étaient fermées alors qu’on aurait pu aller sur le balcon pour fumer une cigarette mais bon, je ne dis rien, je ne fume plus de cigarettes.
Dans le cube, c’était comme les gens disaient, un très bon son équilibré dans n’importe quel coin, bonnes basses mais pas du tout d’agression sonore, exactement ce qu’il faut bien qu’on aurait pu mettre 5 à 10% plus de volume, mais c’est peut-être moi qui deviens sourde. Les lumières étaient simples mais directes, des néons au fond très K.A.B.P. du pauvre, un peu de fumigènes pour donner du relief à la salle et sur deux côtés des murs de ballons multicolores (bon ça c’était naff, quand on met des ballons, il faut juste une couleur ou deux maximum, pas du multicolore car c’est plouc mais c’était gentil quand même allez y’a de l’effort) et les mecs de la table de son étaient gentils, cool.
J’explique à mon mari qui sont les DJ’s (alors le vieux avec pas beaucoup de cheveux c’est Danny Krivit, il est disco et très gentil, le black avec le bonnet et les dreads c’est Joe Clausell qui est très fort sur les rythmes latinos et africains, il peut être parfois barbant quand il bloque trop sur ça mais c’est pas grave car c’est son truc, et le mec à droite c’est François K alors lui il est hallucinant parce qu’il peut mixer 4 disques en même temps tu vois). Bien sûr, quand on arrive, il y a déjà Elisabeth Lebovici et sa jolie amie et comme toute notre bande est arrivée, les cinquantenaires vont sur la piste de danse au centre, à 10 mètres des DJ’s et commencent à danser alors que très peu de gens dansent (une vingtaine) et ils sont incroyables, ils font toujours ça quand ils vont dans un club comme K.A.B.P., Otra Otra ou Culte, ils sont là dès le début à encourager par leur présence les DJ’s, dans le genre « On est là, this is our ground, we love you » mais sans en faire tout un foin non plus. C’est juste de la grande politesse de clubbing. La musique est déjà warm-up qui s’échauffe et Body & Soul est toujours très chaleureux dans ce style, ce sont des DJ’s qui savent vraiment bien faire leurs débuts et leurs fins de set.
Quand on sort du cube, le sas est si efficace et l’insonorisation est si parfaite que l’on entend pratiquement rien de l’autre côté où le bar est donc idéal pour discuter car il n’y a jamais de queue bien que si on veut une limonade il faut aller dans le foyer qui, lui, ne vend pas de bière, ah la Mairie de Paris, so conceptuel idiot. Moi je sais déjà que ça va être une soirée parfaite, je suis hyper content de voir tout le monde et je ne vais pas parler de tout le monde ici, c’est impossible car je n’ai pas pris de note (quand même !). Robert est super content mais n’arrête pas de souligner les incohérences politico-sociales de cet endroit, Tiphaine est drôle, Romain Tassinari est tellement beau qu’il a encore embelli depuis « Slow Jamz & Hot Songs », c’est pas possible ces mecs, Fred Agostini rigole en disant qu’à 40 ans c’est plus pareil mais je lui dis que 40 ans c’est rien du tout, Vix est Vix as always et je lui dis que la confiture de prune d’Henri Maurel était vraiment délicieuse, j’ai dévoré le pot en 3 jours, Alice est en forme et n’arrête pas de m’offrir des bières, Thomas Bourdeau devient de plus en plus aristocratique et part le lendemain en Ecosse faire du golf, mon mari Marc commence à avoir la fièvre à cause d’une angine qui se présente et les gens arrivent de plus en plus, il y a un black en hot pants très drôle avec son sac à dos Vogueing, Nick V est sexy avec sa casquette en cuir, il y a beaucoup d’hétéros avec leurs T-shirts Body & Soul achetés à New York et on sent bien qu’une grande partie du public est allé à NYC et connaît le club originel.
Au début, il y a quelques enfants de 10 ans sur le dancefloor et je trouve ça génial alors qu’Alice a entendu des gens dire qu’ils ne trouvaient pas ça bien et qu’ils sont à la limite de dire aux parents « Mais qu’est-ce que vous foutez avec vos gosses dans un club ? » - pff, c’est formidable au contraire, il est 17h, c’est toute l’idée de Kitsuné pour ados, si les gosses n’ont pas le droit de découvrir la house avec des adultes sur un dancefloor où on n’est pas les uns sur les autres, alors ça sert à quoi ? Vous croyez qu’à Woodstock, les bébés de 2 ans n’ont pas avalé des décibels et de la boue ? Bande de bobos crétins, il en faudrait davantage de kids !
Il y a Patrick Vidal qui est en forme comme toujours, Mandel Turner qui me dit qu’il va partir vivre à Bali parce qu’il a plus de travail là-bas, go girl mais tu devrais apprendre à nager car Bali sans la mer c’est un peu comme les cornflakes sans le lait. Il y a 3 gays sympas que je vois toujours dans les endroits bien et qui dansent dans le fond de la salle où on est vraiment à l’aise et ils font des sourires pendant « I Hear Music In The Streets » d’Unlimited Touch, Fabien porte un T-shirt destructuré à la Véronique & Davina, son mari Pierre-Jean est une crème totale car il a toujours des histoires à raconter comme qui est le vrai inventeur du Coca Cola, je tease Gérard Pina all night long parce qu’il n’a pas aimé « The Tree Of Life » (« C’est un pensum ! » dit-il). Ah non ça Gérard, venant de toi, tu fais du yoga bordel. Je vois Kamel danser au milieu du dancefloor, c’est comme si 50 visions de lui se superposaient, ramenant à d’autres clubs et d’autres années, toujours le même, menaçant et gentil à la fois, Rafael me dit qu’il a du mal à comprendre le décalage horaire de Madrid car il arrive toujours trop tôt ou trop tard quelque part, et son mari David me fout la honte en me demandant « Comment je m’appelle ? » et je regarde mes pieds car j’ai encore un trou de mémoire. Dehors c’est agréable de fumer ma pipe avec Yvan Lebleu, un marseillais qui connaît bien Pierre-Jean Chiarelli, en fait on se croirait à l’ancien hôtel Régina de Nice ou dans un palace de Monte Carlo où je ne suis jamais allé, mais la Gaité Lyrique, c’est assez ça. Patrick Thévenin arrive du Point Ephémère où il a passé des disques et il est dans une humeur cool, détachée gentille, à la fin Danny Krivit lance « The Love I Lost » d’Arold Melvin et les Blue Notes, la salle est remplie avec les bras en l’air, les mecs de la sono font des dance routines, il y a un black dans le fond à droite qui danse vraiment bien avec sa copine qui a the right moves aussi, il y a un rappel, puis deux, les gens sont contents et je tombe sur Christophe Hamaide Persion qui a toujours ce sourire.
On se retrouve dehors sous une pluie très fine, John qui accompagne Elisabeth a fait du shopping avant la fête et porte un sac avec des chaussures taille 43 je crois et un mec gentil vient me faire un compliment sur ma vie mon œuvre mon château mon cheval merde quoi et je lui dis « Oh tu es gentil mais tu sais, à la fin de la journée, personne ne veut coucher avec moi anyway » ce qui fait sourire à la ronde du genre « OMG, here she goes again » et on dit au revoir à tout le monde en montant sur le scooter de Robert, direction chez Morel pour avaler les restes du before et ensuite Noisette me fait gouter un thé chinois qui se présente sous forme d’une boule qui se déplie dans la théière transparente comme une petite méduse.
Ensuite on arrive chez Christophe et Patrick qui ont un apparte vraiment joli et arty avec un jardin où je crois reconnaître un juncus strié à 2 couleurs mais je peux me tromper car il fait sombre et je retrouve Franck et Antoine que je n’ai pas vus depuis 4 ans au moins et Antoine parle parle parle et il me fait toujours rire avec ses idées de laïcard 100% pur jus, mais il m’explique les lignes de ma main et me dit que j’ai une ligne de chance maousse qui traverse toute la paume (« Of course je suis pas morte patate ») et Noisette me dit « Ah ta veste c’est Penfield » pendant que Jean-Luc raconte qu’il a vu au Cox ce soir même un Italien avec une barbe rousse dont la moustache remonte un peu en pointe ce qui est toujours super classe. Robert est surexcité d’ailleurs quand on va au Point Ephémère qui est juste à côté, il disparaît quand un Iranien ou un Afghan lui demande son chemin.
En faisant la queue pour acheter mon ticket il y a deux mecs derrière moi, un joli avec de belles lunettes et un black adorable et ils parlent de Larry Heard et du tout début et comme je suis de bonne humeur je me retourne un peu sans être trop invasif et je leur sors ma théorie de 1995 comme étant le sommet de la house, un peu comme certains disent que 1987 est le sommet du hip hop et ils me parlent de Maurizio et de Monolake et je souris quand ils s’adressent à moi en disant « vous » du genre « Mais alors vous avez vu des concerts de Can ? » et quand on entre dans la salle principale c’est déjà sombre, sweaty, bourré de monde et berlinois et il me demande mon numéro de portable que je ne connais pas encore par cœur parce que je l’ai que depuis 6 jours, puis ma carte de visite mais j’en ai pas et je lui dis de regarder sur FB et voilà, c’est comme ça que je rencontre Julien Haguenauer. House authentics.
Bon, je ne raconterai pas trop le reste de la nuit, un de mes meilleurs amis s’est séparé de son mec le soir même et ça me rend triste, vraiment, et très vite il y a tellement de monde que c’est impossible d’aller au bar pour offrir un verre à Noisette qui le mérite, il y a des mecs et des filles presque à poil sur le balcon et vraiment on n’a pas besoin de ça, même dans un endroit « alternatif » parce qu’à la base c’est la même chose qu’au Queen et je le dis à DJ Crame qui me regarde toujours comme si j’étais un énorme mystère pour lui et son copain Hervé Carvalho me fait une déclaration de 20 minutes et on parle de notre amour commun pour Guido, et de la house du début, et de Chez Moune et de la pop aussi, en fait je passe mon temps avec les fumeurs dehors à regarder les kids et le mélange de ce club est quasiment parfait avec des gens de tous les milieux et de tous les âges et Gildas sort trempé de 3 heures de danse et me demande « Ah bon, tu n’aimes pas te coller à la sueur des autres ? » - euh non enfin si, avant oui mais là non vraiment, Antoine est hallucinant de drôlerie mais on dirait que je suis le seul à m’extasier, c’est Monsieur ADD en chef, Christophe Ecoffet me parle de l’expo Anish Kapoor que je devrais aller voir bien sûr, Alfredo Piola fait pipi dehors, il y a un jeune black qui est mon préféré de toute la soirée qui arrive alors et à qui je serre la main alors qu’une bise ou rien du tout aurait suffi, trop de respect tue le respect, Paul vient dire bonjour et merci, il est 4h et il est temps de rentrer et en remontant vers Jaurès, 2 petits mecs de banlieue demandent à Ecoffet et Oscar « Tu crois qu’on peut rentrer comme ça ? » en montrant leurs fringues blanches de streewear hyper propre et on est dans la situation où 3 folles sont en train de rassurer 2 hétéros en leur disant « Bien sûr tu peux entrer comme ça, vous êtes très bien, tu crois qu’on s’est déshabillés pour entrer ? ». Sweet.
mercredi 8 juin 2011
Golum du coming out
Donc il étaient tous gays, c’est ça ? Même pour un homosexuel grand teint comme moi, les révélations successives sur la sexualité d’Abraham Lincoln, de Malcolm X, de Ghandi etc. sont une sorte d’émerveillement naïf. On y avait pensé, notre gaydar avait fonctionné et émis les signaux de rigueur, mais personne n’osait penser que de tels leaders politiques puissent être des suceurs de bites. Ben, c’est fait, c’est dit, c’est acté. Et on se demande toujours pourquoi l’homosexualité fait tellement peur, quand elle est associée à l’Histoire avec un grand H et au Destin avec un grand D. On finit par se dire que ces hommes étaient immenses dans leurs domaines parce qu’ils étaient vraiment amoureux des hommes – et pas seulement de l’humanité.
Chez les gays eux-mêmes, il existe toujours une part d’incrédulité quand on apprend que telle ou telle personnalité historique était gay. Je ne parle pas ici d'Etienne Daho, je parle des très grands leaders à la Alexandre. Dans le cas de Malcolm X, si quelqu’un avait osé affirmer une chose pareille il y a 30 ans, au moment de la sortie du fantastique maxi de Keith LeBlanc, personne ne l’aurait cru. Pareil pour Lincoln, il fallu un livre respecté et reconnu par l’académie pour imposer une idée relativement peu discutée : et si les USA, à leur naissance, avaient été influencés par un groupe d’homosexuels très visionnaires ? Ghandi, là on est au sommet de l’inavouable, d’ailleurs les réactions à ce livre, en Inde, on été si vives que le livre qui raconte tout ça est pratiquement interdit. Et quand j’ai consacré un chapitre entier sur l’homosexualité de David Henri Thoreau dans « Cheikh », j’ai été épaté de voir le dédain que cela a provoqué chez les spécialistes de cet auteur. Car si on additionne les figures américaines très importantes du milieu du XIXème siècle, de Melville à Whitman, il est très facile de démontrer que la naissance et l’essor des Etats-Unis, en tant que nation, ont été fortement marqués par une homosexualité décomplexée, franche, lumineuse, qui contribue toujours, pour moi en tout cas, à rendre l’Amérique plus gay que tous les autres pays. Car le mouvement gay est bien né aux USA, rappelons-le, pas dans l’esprit de cette folle coinçada de Foucault.
Je l’ai toujours dit. Je ne fais pas partie de ces gays qui sont à l’affut de ce qui est gay ou pas. Les newsletters des medias gays font ce job désormais. Je ne pensais même pas que Ghandi et Malcolm X étaient gays tels qu’on imagine des homosexuels sous le terme gay. Mais ce sont des hommes politiques de premier ordre, au niveau mondial, qui ont eu des relations sexuelles avec des hommes et des passions amoureuses avec des hommes et cela a influencé leur philosophie – et ça me suffit. Le premier homme dont je suis tombé amoureux à 18 ans n’était pas gay et pourtant il m’a aimé physiquement et sentimentalement comme peu d’homosexuels m’ont aimé. Je le mets, hétéro qu’il est, dans le TOP 10 des hommes de ma vie. Il m’a influencé, je l’ai influencé. Il m’influence d’ailleurs toujours aujourd’hui et je l’influence toujours aujourd’hui.
Quand on apprend, dans le détail des correspondances et des voyages, que des hommes illustres comme Gandhi ou Lincoln ou Malcolm X étaient homosexuels, cela rend encore plus méprisable le refus de célébrités beaucoup moins remarquables d’aujourd’hui à faire leur coming out. Bien sûr, Gandhi, Malcolm X ou Lincoln n’ont pas fait de coming out ; ils vivaient dans des époques où le terme de coming out n’existait pas vraiment. Mais ceux qui vivent aujourd’hui savent très bien de quoi je parle. Et ils se cachent. Alors que les scandales français sur la vie privée ne cessent de se multiplier – et il vont se multiplier car ils sont de plus en plus fréquents à travers le monde et la France n’est pas une île à part dans cette envie de transparence - les folles françaises dans le placard s’imaginent qu’Internet ne fera pas remonter au grand jour les cochonneries parfois pas très éthiques qu’ils ont pu accumuler ces dernières années. Car tout ce caca est beaucoup plus chargé émotionnellement quand il est caché. À partir du moment où vous écrivez un livre pour raconter vos expériences parfois borderline, comme Alex Taylor ou Olivier Py l’on fait, c’est complètement ouvert, c’est dit, c’est revendiqué. Et il n’y a rien à dire, il n’y a pas eu de backlash contre Alex Taylor ni Olivier Py, à la rigueur, ça devient de la littérature. Au contraire, tout le monde a dit que c’était courageux de raconter leurs histoires SM.
Mais les mêmes pratiques, cachées et défendues par une armée d’avocats qui entourent tel ou tel exécutif de maison de disques ou tel ou tel PDG industriel, c’est beaucoup plus explosif. Et ce qui est explosif explose toujours. Shit always happen. Un mec qui s’est fait contaminer par une célébrité le dit un jour ou l’autre. Et ce qui se passe au niveau des élites gays de ce pays est exactement ce qui se passe avec les élites politiques au sens plus large. Ces élites gays nous déçoivent parce que ça fait dix ans qu’on attend un geste politique de leur part et il ne vient toujours pas. Pire, ils nous préviennent en off dès à présent qu’ils ne feront pas de coming out à l’occasion des prochaines élections présidentielles.
Nous, on a fait notre coming out depuis longtemps et il y a plein de gays et de lesbiennes qui font leur coming out tous les jours. Et ces célébrités se persuadent que ça ne sert à rien. Ils sont là, à tenir leur lâcheté politique comme le golum du « Seigneur des Anneaux » : « My precious ! » murmurent-ils comme des créatures souterraines qu’elles sont. My precious ! Ils imprègnent les partis politiques et le PS en particulier, que ce n’est pas important. De toute manière, pour le PS, ce n’est jamais le bon moment. Avant DSK, ce n’était pas le bon moment. Après DSK, c’est encore moins le bon moment. Il y a toujours une excuse pour la lâcheté de l’affirmation.
Et la colère gronde à la base. Le milieu associatif gay et sida a tellement reculé en France sur le coming out que les magazines gays préfèrent interviewer des stars hétéros sur le coming out qu’ils n’ont pas à faire plutôt que d’interroger des stars gays qui se cachent. A mon avis, Patrick Bloche n’a toujours pas fait de coming out officiel. On préfère se faire chier avec Lady Gaga plutôt que lancer une dynamique de l’affirmation qui aurait un vrai impact lors des élections présidentielles.
Car ces élections seront marquées par la vie privée et par toutes les casseroles éthiques et les boules puantes accumulées dans le secret de la classe politique et ça va être saignant. C’est donc aujourd’hui qu’il faut faire son coming out, tant que le climat n’est pas passé à la tuerie d’une échéance électorale qui risque de déchirer le pays. Car les gays et les lesbiennes, à la base, en ont marre. Ils défilent à la Gay Pride, mais ils ne voient toujours pas une seule célébrité à leurs côtés. Et bientôt, ils se tourneront vers le lobby LGBT qui est sensé défendre leurs droits et ils leur demanderont : « C’est tout ? Vous voulez dire que la Gay Pride de Moscou, c’est plus important que le coming out des leaders de ce pays ? Vous vous foutez de notre gueule ou quoi ? C’est marqué sur Google qu’ils sont gays !
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