Bon, c’est certain désormais, depuis la rentrée de septembre, on est plusieurs à se dire que Facebook Automne 2010 n’est pas le même que celui d’automne 2009 car les gens ne cessent d’évoluer dans leur manière de se comporter ou d’échanger.
Il y a trois ans et demi, peut-être 4, quand je suis arrivé sur FB, je n’avais jamais chatté ou dragué sur le net de ma vie et je n’étais pas du tout intéressé à le faire, à moins de suivre l’exemple d’Ed White et terminer ma vie chez Silverdaddies. J’ai aimé FB instantanément, comme un coup de foudre, parce que FB avait enfin décidé de tourner la page des sites de cul où personne ne se présente avec son vrai nom, sa vraie identité. Pour moi, c’était enfin la réponse à tout ce qui m’énervait sur Internet, ces cons qui ont des pseudos, qui n’ont pas le courage de dire ce qu’ils pensent sur les blogs et signent « Anonyme » par facilité (parfois à des fins politiques en plus, les gros lâches). Tout le monde a décrit ça en long et en large, je ne vais pas m’y mettre, mais je veux dire que pour moi, cette nouvelle franchise était fondamentale. J’ai envie de communiquer avec des vraies personnes, et je n’ai pas envie de draguer un alias ou même de répondre à un commentaire sur mon blog si je vois que c’est quelqu’un qui n’a pas pris la peine de s’identifier.
Au début, c’était magique. Il y avait encore cette impression de découverte d’un club bourgeonnant, rempli de surprises quotidiennes. C’était beaucoup plus international, on pouvait voir d’une manière très transparente les amis des gens que l’on rencontrait (l’affichage était plus simple, avec des icônes de photos plus grandes) et surtout cette rêverie de rencontre vous amenait loin, en Indonésie, en Afrique, aux Emirats Arabes, sur tous les continents quoi. Au niveau gay, je n’ai jamais vu FB sous l’angle de la drague, même si les gens se poquaient sans arrêt (un truc qui a disparu). Je voyais FB comme une vitrine du monde, avec des personnes d’une politesse tellement étonnante, nourrie par une communication universelle. C’était comme si les gens étaient plus polis parce qu’ils se rencontraient pour la première fois.
On le sait, ça a explosé depuis deux ans avec toute une nouvelle culture nourrie par 500 millions de personnes, no less, et ensuite à travers Twitter, et aujourd’hui Tumblr. Il y a eu aussi ce sentiment chaleureux au début sur Craigslist et puis c’est devenu, là aussi, la grande solderie de tout et des corps notamment. Aujourd’hui, à New York, vous pouvez baiser avec un hétéro de 25 ans pour 30 dollars, ce qui est en train de changer beaucoup de choses même dans les relations entre gays et hétéros mais on verra ça un autre jour. Facebook, aujourd’hui, c’est une histoire de promotion. Quand on a 4000 amis, on reçoit une quantité de propositions d’évènements si large que l’on peut la considérer, d’une manière socioculturelle, assez représentative de ce qui se passe, réellement, dans le domaine dans lequel on se trouve.
FB est donc un outil de promo, tout le monde le sait, c’est d’ailleurs pourquoi il y a beaucoup de personnes qui quittent FB aussi. Et chacun a sa raison de quitter FB. Il y a d’abord ceux qui ont fait la grosse connerie d’y être en 2007, les premiers quoi, et qui sont revenus fin 2008 quand ils ont enfin réalisé que non, on va pas pouvoir faire sans FB, quelle conne je suis des fois (suivez mon regard chez Yagg). Il y a celui qui est parti de FB pour revenir 6 mois plus tard avec de nouvelles règles. Il y a aussi celui qui a quitté FB mais qui a fait une dépression comme quand on arrête de fumer. Et il y a tous ceux qui débarquent encore aujourd’hui, ce qui fait que l’on retrouve des personnes perdues depuis 20 ans et que l’on croyait mortes.
Ce qui me fait dire que FB change, c’est quand je vois à quel point les périodes de vacances font office de break. Et à chaque fin des vacances, FB n’est plus le même. Je m’explique. Lors des vacances d’été 2010, j’ai senti que pas mal de gens avaient décroché, ce que font aussi les webzines d’ailleurs, c’est normal. L’été dernier, on était plusieurs à remarquer que les gens avaient tellement été sur FB pendant l’année scolaire (septembre 2009 à juin 2010) que leurs vacances servaient à se déconnecter un peu, passer du temps avec la famille, voyager, lire et même, peut-être, essayer d’être moins devant l’ordinateur.
Et quand ils sont revenus, à la rentrée de septembre, ils n’étaient plus les mêmes. Ils avaient pris des résolutions. Malgré l’instabilité sociale (les grèves, vous vous en rappelez ?) et les affaires (Woerth, anyone ?), FB répondait moins. Je regardais ce que disaient les gens sur leur mur et je voyais que beaucoup n’avaient plus envie d’intervenir. Et puis, au bout d’un an ou deux sur FB, certains s’étaient frittés avec des amis, ou ils voulaient prendre du recul ou ils se demandaient où FB allait. Le film allait bientôt sortir. On ne pouvait plus se mentir et persévérer à croire que l’on faisait partie d’un petit club. La machine nous avait avalés depuis longtemps.
J’aime toujours FB, je ne suis pas prêt d’en partir, c’est un outil de travail indispensable pour moi, surtout vivant à la campagne et n’aimant pas parler au téléphone. Mais je suis un peu tristounet de ne plus y trouver cette communication de 2007-2008, avant que les folles à problème débarquent et commencent à vous faire chier sur ce que vous dites alors que vous, vous n’allez jamais les insulter sur leur mur (là aussi, suivez mon regard).
Du Tumbr ou je meurs!
Tumblr, à côté, c’est comme si l’on redécouvrait la poésie politique de FB du début. Les gens se comportent avec la même politesse que lors du FB old school. Car Tumblr est toujours au stade préliminaire du big bang, quand les gens ont l’impression de faire partie d’un réseau à part, quand le reste du monde ne regarde pas encore ce que vous faites.
Tumblr est une merveille. Je suis né pour ce truc, je crois. Quand on est un admirer comme moi, un peu obsédé par les images depuis toujours, c’est un journal iconographique qui ne cesse de produire du sexe, de l’art, de l’inspiration. Je suis totalement émerveillé par ce que publient les gays sur Tumblr. Si je n’avais pas cette vision de ce qu’ils aiment, si je n’avais pas la preuve tangible de leurs passions, je serais vraiment dans la moquerie, mais là, ils m’impressionnent. Les gays n’ont jamais autant produit d’images qui les décrivent et les définissent. Jamais. Avant, il fallait passer par les artistes gays pour avoir une vision de ce que nous aimions chez nous. Aujourd’hui, c’est le gay lambda qui va faire la plus belle photo de toutes. La manière avec laquelle les gays se montrent sur Tumblr (hors du commerce du cul, ou comment ils se montrent sur les sites de drague) est absolument nouvelle. Bien sûr, il y a beaucoup de sexe et surtout ça, et on voit de tout, du mec bareback au plus gentil/nunuche et plein de films de cul. Mais il y a toute cette génération de kids de 20 ans qui ont élaboré un concept esthétique masculin avec un angle très précis de la beauté masculine.
Il y a des blogs de mémorabilia gay avec des milliers d’images d’archives d’hommes et de revues des années 50 et 60 et même avant. Plein d’images de Playgirl et de revues porno des années 70. Il y a bien sur Androphilia qui déroule sans cesse un tapis d’images qui ont toutes un but idéologique non dit : soit faire connaître des aspects de l’art peu connu, des objets et des sculptures orientales ou de design moderne, mélangé avec des images de porno insolite et des photos d’hommes simplement beaux. Et tout ça dans une perspective de gentillesse absolue, pas du tout comme ces folles américaines qui sont toujours obligées de nous écraser avec leur érudition.
Un de mes préférés est celui d’un kid de 21 ans, Dale Clover, gay et tout, qui poste sans arrêt des images que je veux reprendre. Lui s’est spécialisé dans le skate et tout ce qui tourne autour : les skaters en train de sauter au skate park, en train de parler, en train de fumer, enfin la vie de skater quoi. Avec de temps en temps des photos de cul vraiment bien choisies et des portraits d’hommes. Le tout avec un goût infaillible pour un kid de 21 ans, qui a une justesse constante, déterminée, sans être désagréable non plus.
Il y a Rome is Burning, un de mes Tumblr préférés sur les Blacks, avec une myriade de mecs à poil devant leur glace de salle de bains qui se prennent en photo avec leur iPhone et qui ont des bites tellement belles et des tatouages de dingues qui recouvrent tous leur pecs. Il y a aussi The Adventures of An Endangered Mind, un autre black qui lance des invectives drôles à tout le monde tout en présentant d’autres photos de Blacks superbes, pas dans le genre de la photographie léchée, plutôt des mecs real, ce qui est toujours plus excitant.
Bien sûr, il y a Sissydude, très hipster dans le choix sexuel, pour les gays de 30 ans et plus, drôles, funkys, barbus, avec un twist naturel ou mode.
Il y a Garden qui est un mix de photos entre les mecs naturels et le jardinage ou la vie à la campagne.
Il y a des Tumblr qui n’ont pas d’angle particulier comme Ilikesomuch, Massice Marco, Pollafilia qui sont juste des jumeaux de moi parce qu’on a l’air tout simplement d’aimer les mêmes mecs. Hard & Ruff, c'est pareil, en plus hard.
Dans le genre wild indépendant, il y a Szakall, qui met toujours des images que j’ame, une sorte de Lost And Found sur l’art, les barbes et les vélos (dans cet ordre)/.
Il y a Lovepeaceislam, le Tumbr d’un mec qui ne poste que les plus belles images de l’art musulman, comme pour montrer aux gens que le religion produit des chef d’œuvres et arrêter avec ce délire anti Islam.
Mon idée est de ne pas courir après les nouveaux Tumblr mais plutôt d’évoluer lentement, naturellement. Si je vois que certains ont reblogué une de mes images, je vais voir ce qu’ils font et si ça me plait, je les suis. Tumblr est le plus bel objet de l’image moderne. Il y a Flickr qui est beaucoup plus riche encore (et qui nourrit beaucoup Tumblr), mais les photos sont trop petites et ce n’est pas facile d’utilisation, c’est normal, autrement tout le monde détournerait cette immense banque d’images. Mais Tumblr est beaucoup plus poétique, on picore les images des autres et on prend ce que l’on aime vraiment. Ce déroulé d’image a un rythme et une fluidité, comme quand Androphilia met une série de vases orientaux avec des designs sublimes ou quand il poste une série sur les hommes pakistanais, wow, voilà un truc qui change de ce que l’on nous montre sur ce pays à la télé. Tumblr a aussi pour base le cut-up et l’association d’idées entre les images. On crée des références qui se suivent ou qui s’entrechoquent, c’est du collage dans le sens le plus artistique.
Tumblr est donc le symbole le plus frappant de la popularité de l’image à notre époque. C’est le Youtube de l’image et de la photographie. Avec leurs portables, les gens créent des images inimaginables il y a 20 ans. Par exemple, il y a un grand truc tendance en ce moment chez les gays, ce sont les photos de gays dans la nature. Avant, les portraits d’homosexuels étaient surtout urbains. Les mecs de 20 ou 30 ans sont en train d’imposer des photos qui sont toutes des variantes de promenades dans la nature. Genre, on est 4 ou 5 copains à se promener, et il y a toujours une image d’un visage dans une forêt, ou avec le soleil dans le fond, ou en train de fumer une cigarette sur un chemin de bord de mer. C’est absolument nouveau ! Et ce sont surtout des mecs cool, barbus, no sweat, tranquilles, gentils, sympas. Très loin de l’image habituel du gay qui fait la gueule pour avoir l’air plus sexy. Ces gays sont en train d’élargir au sens propre le décorum de l’image gay et les médias n’ont toujours pas pigé cette immense opportunité de révolution de l’iconographie gay. Ces photos sont gratuites et décrivent cent fois mieux l’évolution visuelle et psychologique de l’homosexualité moderne que ces conneries d’images de modèles de pouffiasses travaillés sur Photoshop qu’on tente de bous faire avaler, de force, comme des oies.
Depuis trop longtemps.