mardi 16 février 2010

Give me the spoon!


Il y a quelques jours, je lisais le journal dans mon lit, tranquille à minuit, quand j’ai entendu un petit frottement sur le mur extérieur qui donne sur la fenêtre de ma chambre. Sous le toit, il y a ce petit trou que j’ai bouché car c’était l’ancienne porte d’entrée préférée de la fouine pour aller au grenier de la maison. Maintenant, elle préfère passer par l’autre côté de la maison. Bref, je savais que la fouine était là, sur le rebord de la fenêtre, comme elle le fait parfois quand elle fait la ronde autour de la maison, à regarder si tout est OK pour elle (« C’est OK pour moi !) et, au passage, laisser une trace comme une jolie toute petite crotte effilée.
Je me suis levé et j’ai lentement ouvert les rideaux de la fenêtre et elle était là, de l’autre côté, à me regarder avec son joli visage, ses yeux très expressifs du genre « Mais qu’est-ce que tu me veux, toi ? ». Ça n’a duré qu’une seconde, elle s’est échappée tout de suite, mais j’ai bien vu sa frimousse et cette jolie queue touffue en partant. C’est comme une belette, en plus gros et brun. Avant de disparaître en bas des marches de l’escalier extérieur, elle s’est même retournée pour me regarder. The cheek of it.
Les fouines ne sont pas très effrayées par l’homme, c’est pour ça qu’avant, sur les toits, il y avait souvent des fouines en céramique qui étaient posées sur les tuiles, comme pour rappeler leur présence. Le couple qui vit dans mon grenier se comporte assez bien. Quand j’étais petit, il y en avait dans le grenier de la maison à la ferme et elles faisaient un boucan pas possible. Elles étaient très mal élevées. Celles-ci sont correctes. Des fois, ils elles s’amusent trop, il suffit de taper sur le plafond et elles se calment.

Quand j’ai raconté cette histoire à mon mari, ce week-end, alors qu’il s’endormait déjà dans le lit, il s’en foutait complètement. D’abord il n’aime pas ces histoires de fouines et de nature en général et moi je faisais exprès de lui raconter la fouine dans tous ses détails, à voix basse, dans son oreille, comme pour l’énerver quoi. Si j’avais pu remonter à la symbolique de la fouine chez les Etrusques, je l’aurais fait. C’était drôle. J’étais juste en train de l’énerver alors qu’il voulait dormir.
Les gens se demandent quel est le type de relation que nous avons, Marc et moi, alors que c’est très simple. Il a 28 ans et moi 52, ça roule plutôt bien. Pour répondre rapidement à la question sans que ça soit trop indiscret pour lui comme pour moi, disons que nous avons de très bonnes discussions politiques, ce qui est génial quand votre mec est plus jeune et qu’il est bourré de données et d’infos que je n’ai pas. It’s a greek thing, too.
Et puis, on communique beaucoup pendant que l’on… dort. Marc est le roi du spooning et je passe mes nuits collées à lui. J’ai pourtant passé ma vie à refuser ça à mes autres maris. Surtout, je n’y arrivais pas. Même quand j’étais très amoureux, c’était impossible de m’endormir dans les bras du mec avec qui j’étais. J’étais trop excité quoi ! Et surtout, pour dormir bien, j’avais besoin d’être peinard dans mon lit, dans mon côté. Et puis, ça va, on est des mecs, chacun se débrouille dans son coin.
Donc je me demande ce qui fait qu’avec l’âge, j’ai développé cette affection pour le fait dormir collé et pourquoi j’apprécie cette communication nocturne, quand on change de position, quand on caresse sans être conscient de ce qu’on fait, tous ces murmures que l’on exprime pendant le sommeil. Il y a bien sûr des hommes qui donnent vraiment envie de les tenir toute la nuit. Laurent Chambon m’a encore envoyé une photo d’un mec tellement beau que c’est le genre de type que l’on tient toute la nuit pendant 20 ans sans pouvoir s’en lasser. D’ailleurs, Laurent me disait ce matin que ce mec a tellement de succès sur tumblr qu’il est en train de devenir une célébrité du net sans même le savoir.
Bien sûr, en étant plus âgé, je sais que ce spooning est la preuve nocturne que j’ai quelqu’un dans ma vie. Mais ça tient surtout à des trucs morphologiques minuscules, comme le fait de sentir que ces deux corps sont proportionnés et se complètent naturellement.
Je crois que je fais partie de ces gays pour qui l’idée du masculin est très très importante. J’ai passé ma vie à penser à ça, à ce que ça veut dire, pourquoi c’est important pour moi, à faire des listes sur les physiques et l’attitude. Il y a des gens qui expriment ça par leur activité sexuelle, par le sport, par plein de trucs comme les voyages ou la lecture ou le chat sur Internet, moi je le fais maintenant à travers l’image et le porno. J’ai toujours mis des images d’hommes sur mes murs. Mon rêve, ça serait de le faire d’une manière vraiment importante et recouvrir tous les murs de ma maison de photos d’hommes, comme ce qu’on voit sur les murs des serial killers dans les films. J’adore cette idée, mais, bon, c’est impossible quoi. Pour moi, il n’y a rien de plus poétique qu’un mur recouvert d’images épinglées qui se chevauchent un peu comme un collage que l’on pourrait défaire et changer selon son humeur, faire des coins avec plusieurs photos d’un homme selon les époques de sa vie et qui s’épaissirait au fur et à mesure des photos rajoutées avec d’autres hommes, d’autres stars de cinéma, d’autres sportifs, d’autres hommes, tout simplement. Ça serait l’équivalent de la pièce de Barbe Bleue, mais sur toute une maison.
Bien sûr, je ne le fais pas parce que je ne suis pas Van Gogh et je ne suis pas taré à ce point et ce serait vraiment trop long à expliquer à chaque fois que le mec de FedEx viendrait apporter un paquet et je ne parle pas du facteur ou des pompiers en décembre pour le calendrier.
Mais j’ai toujours aimé ces jardiniers fous qui finissent par transformer leur terrain en délire personnel. Il y en avait un à côté de la maison des parents de Jean-Luc dans l’Eure et sa cour était recouverte de bric à brac et de sculptures en bois peintes en bleu blanc rouge sur des socles en ciment. On l’adorait. À chaque fois qu’on passait devant, on se demandait s’il avait fait un nouveau truc. Et puis la dernière fois que j’y suis allé, sa maison avait été rasée pour en construire une autre. Banale.
J’aurais pu être le Facteur Cheval pédé des photos de mecs lol. Il y aurait même eu un post sur un site de nerds où j’expliquerais que ce côté du mur de la cuisine est composé de photo des mecs des années 90 trouvées sur Flickr et que ce coin était rose, ben parce qu’il y avait beaucoup de photos de Butt. J’aurais fait aussi un lien intellectuel avec les livres de Quentin Crisp qui expliquait qu’il ne faisait plus le ménage chez lui parce qu’à partir d’une certaine épaisseur de poussière, les choses s’équilibraient. Heureusement, je ne l’ai pas fait.
Donc toutes ces images, on les fait glisser mentalement dans l’air comme dans les meilleures scènes de « Merlin l’Enchanteur » pour les réduire au maximum et on les met dans un coin de son esprit pour ne pas avoir l’air trop débile et on les ressort inconsciemment quand on tient son mari et qu’on s’endort en considérant qu’il représente tous ces hommes – même si c’est pas vrai. "Penser à des choses agréables", c'est que je lui dis toujours quand il faut chercher le sommeil.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il court, il court, le furet
Le furet du bois, mesdames,
Il court, il court, le furet
Le furet du bois joli.
Le furet est bien caché
Le furet du bois, mesdames,
Pourras-tu le retrouver ?
Le furet du bois joli.

fille de Pau a dit…

Dans "la Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules" Philippe Delerm évoque ces petits moments qui contribuent à notre bonheur de vivre.

Le bruit de la fouine au grenier, l'amant à câliner, je vous souhaite beaucoup de ces moments de paix pour votre cinquante-troisième année à Walden-sur-Sarthe...

Solange