Disclaimer : ce texte ne s’adresse pas aux personnes à la santé fragile
C’est la fin de l’hiver et je peux me permettre de publier ce texte qui me trotte dans la tête depuis plus d’un an. Avec la crise énergétique, le sujet du chauffage est devenu fondamental et je vois des témoignages de personnes ou de groupes qui choisissent de baisser le chauffage en hiver, pour des raisons économiques ou de self-contrôle écolo. J’ai eu des scrupules à parler de ça, car je sais que c’est un sujet politique et social, et je ne cherche pas à me montrer en exemple. Pour les familles précaires et les enfants, pour les personnes handicapées ou les malades chroniques, c’est trop douloureux. Mais je peux en parler parce que je vis seul.
D’abord, il faut dire que j’ai souffert du froid pendant toute mon enfance et mon adolescence, comme beaucoup d’enfants ayant grandi à la campagne. En Algérie, il faisait froid et il neigeait mais, jusqu’à l’âge de 4 ans, je n’en ai pas vraiment de souvenir. C’est avec l’arrivée dans le Lot-et-Garonne, en 1963, que j’ai découvert le froid. Je ne vais pas radoter sur le fait que les hivers étaient alors plus rigoureux, les statistiques sont là, mais l’hiver était une période dure. Il y avait une grande cheminée au rez-de-chaussée, mais on n’a pas eu le chauffage central pendant longtemps. Il n’y avait qu’un poêle à mazout pour toute la maison. Le matin, au réveil, avant l’école, mon père faisait brûler une assiette d’alcool devant le lit, mais cela ne suffisait pas. La salle de bains était grande, presque impossible à chauffer. Il neigeait souvent et, à la ferme, la résistance au froid était encouragée. Cela faisait partie de la vie : chaque hiver est une épreuve, pour les animaux comme pour les hommes, un test qui dure toute la vie d’ailleurs. En arrivant à Paris, ce fut les squats, les chambres de bonne, et le premier appartement bien chauffé, je ne l’ai eu qu’à 25 ans, en 1983. Pendant ce temps, lors des voyages à Londres, on voyait bien que chez les Anglais c’était pire, les salles de bains mal isolées, c’était un enfer.
C’est avec mon départ de Paris, en 2002, que le retour à la campagne m’a fait redécouvrir le froid, mais je m’étais déjà préparé mentalement. La maison avait du chauffage au sol au rez-de-chaussée, une belle cheminée, mais j’ai tout de suite pris l’habitude de fermer les portes des chambres d’amis quand il n’y avait personne pour réduire les notes d’électricité.
C’est en déménageant dans ma nouvelle maison, en 2017, que j’ai poussé ma technique plus loin, dans une optique de décroissance. C’est une maison ancienne, datant de 1860, avec des murs épais, mais elle est mal orientée et ne bénéficie pas du soleil à l’ouest, une hérésie campagnarde. Ici aussi, j’ai pris l’habitude de ne pas chauffer le premier étage où se trouvent les chambres et la salle de bains. Je ne mets le chauffage que lors des visites, et encore, mon frère Philippe s’est plaint la dernière fois qu’il avait froid, il a passé deux jours devant la cheminée, donc désormais je suis plus attentif. Comme on a grandi ensemble, je croyais qu’il n’était pas frileux, je me suis trompé, sorry. Il n’empêche que cette année encore, je n’ai pas chauffé ma chambre une seule fois, l’hiver a été doux dans ma région et je suis satisfait de mes notes d’électricité (200 euros tous les deux mois).
Comment y arriver ? C’est simple. Mon conseil N°1, c’est la bouillotte. Oui, je sais, ça fait vieille folle. Mais je m’en sers toute la journée ! Quand j’écris ou que je regarde la télé au salon, elle est avec moi dans le divan. Quand je vais faire une sieste aussi. Et tous les soirs avant d’aller au lit, c’est fondamental. C’est peut-être rébarbatif de faire ça pendant trois mois, mais aller chercher des bûches pour la cheminée l’est aussi, donc ça fait partie de la discipline hivernale. Pour les invités, il y a deux catégories. Certains préfèrent entrer dans un lit déjà chaud, il faut alors mettre la bouillotte une heure avant de se mettre sous la couette. Moi je l’apporte avec moi au coucher, du moment que mes pieds sont au chaud, je peux affronter une chambre non chauffée. Et puis c’est plus sain pour le sommeil.
Conseil N°2 : un bon pull en laine et une veste polaire si nécessaire. Dormir avec un pull en laine très doux peut être une bonne solution. La laine ne garde pas la transpiration, et mon amie Chantal m’a tricoté un pull qui est désormais comme un pyjama. Comme il a été tricoté trop grand, avec une laine très douce, c’est super. Je dors aussi avec des chaussettes en laine, pas toujours, mais c’est essentiel. Et comme je suis vieux, je porte parfois un bonnet !
Conseil N°3 : les plaids. Mon frère Lala m’en a offert trois, le plus beau je l’ai offert à ma mère, c’est du Mohair et c’est vraiment agréable quand on regarde la télé. J’ai vu des couples d’amis s’emmitoufler dedans quand ils viennent, c’est drôle. J’essaye de leur faire comprendre qu’on peut très bien vivre en dessous de 18° ou 19°. Quand je suis seul (et je souligne ça, car je n’ai aucune envie d’imposer le froid à mes invités), il fait 13° dans le salon, parfois même 12°. J’ai deux radiateurs électriques que je mets en économique, toute la journée. Mais quand la cheminée de la cuisine est allumée, avec l’insert du salon, je peux arrêter le chauffage électrique car on atteint 17° ou 18°, ce qui est suffisant. Pour la salle de bains, je n’utilise jamais le chauffage électrique, je mets juste en marche un de ces petits radiateurs cubiques cinq minutes avant de prendre ma douche, c’est largement suffisant.
Ramasser le bois en été, faire des fagots, rentrer les bûches à la cave pour l’hiver, c’est une obligation à la campagne et on doit pouvoir évaluer la quantité de bois nécessaire pour passer la mauvaise saison. C’est quand même un immense plaisir de se chauffer avec des bûches qui viennent du terrain. Je garde les plus belles pour mes invités, celles qui ont de jolies formes ou qui brûlent bien comme celles qui sont en pin. Je suis la Log Lady de Twin Peaks! Je n’achète plus de bois à mes voisins agriculteurs, ce qui me rend plus indépendant.
La crise énergétique que nous vivons ne va pas se terminer de sitôt. L’électricité, le gaz et le mazout resteront chers pour les années à venir. Par exemple, je trouve ridicule de chauffer la nuit. J’aimerais bien changer l’isolation du toit, mettre des panneaux solaires, mais les aides sont réservées aux propriétaires, ce qui est une injustice sociale supplémentaire. De même, mon terrain serait idéal pour la géothermie, mais nous savons que notre pays n'a pas entamé sa transition énergétique, contrairement aux pays voisins. Faites le test, prenez le train et regardez par la fenêtre (pour une fois). Vous verrez qu’il y a très peu de panneaux solaires en France.
Voilà, c’était juste un petit texte pour raconter comment on peut s’habituer à affronter le froid sans devenir malade – ou fou.