mardi 18 septembre 2012

Botanic Poetic



Il est connu que le nom des plantes influe sur notre envie de les posséder. Quand on a un peu d'argent pour s'acheter une plante, par nécessité aussi quand il s'agit d'un fruitier, il y a tellement de choix que parfois c'est le nom qui va faire la différence. La musicalité de son appellation, soit latine soit courante, va développer une rêverie dans des affinités qui sont parfois très anciennes, comme l'enfance.

Le contre exemple le plus effrayant, ce sont bien sur les roses. Avec cette manie de marketing qui consiste à leur donner un nom de célébrité, souvent elle-même énervante (je vais rester poli cette fois), c'est un tue l'amour. Le dilemme, c'est que parmi ces roses modernes, certaines sont vraiment des trouvailles en matière de floribondité et de résistances aux maladies. Mais qui veut une rose Johnny Halliday? C'est le seul cas où le nom de la plante va vous faire reculer. Le reste du temps, c'est de la poésie brute.

J'ai un gros problème à parler des plantes du catalogue Baumaux depuis qu'un ami décédé m'a fait un topo complet sur cette entreprise. Mais avec septembre, les catalogues arrivent dans la boite aux lettres, c'est la saison des plantes et des graines, et les jardiniers passent de longues soirées à découvrir les nouveautés qui arrivent et les promotions aussi, quand ces plantes sont à la baisse. Et je reste malgré tout accro à ce catalogue avec des milliers de références et ces petits textes qui décrivent la plante. Il y en a tellement, ça me rappelle quand je stabilossais les charts ou les chroniques de maxis dans les magazines anglais de house comme DJ et Mixmag. Là ce sont des plantes mais c'est le même procédé. Une manière de décrire synthétiquement, parfois avec des mots codés (on est des fans de jardinage, sinon on ne serait pas sur ce catalogue) et parfois, boum, un pétage de plomps descriptif qui vient de nulle part.

Le grand délire de l'année, dès la cover du catalogue, ce sont ces monstrueuses tulipes à fleurs de pivoine, globuleuses, avec un deuxième champignon de pétales. C'est franchement incroyable, surtout la variété "Ice Cream" : pétales extérieurs verts, puis couronne de pétales framboise, puis cœur rehaussé blanc. Une vraie crème glacée. Bon, c'est cher donc inaccessible. Au mois de septembre, c'est surtout les bulbes qui sont mis en valeur. Et mes amis, la crise a beau être là, je trouve que les vendeurs ne baissent pas assez leurs prix. Moi j'achète désormais mes bulbes en fin de saison, parmi les soldes de Carrefour ou Leclerc. Je prends ce que je trouve, le moins cher possible, il y a toujours un coin éloigné du jardin où ça marchera. Il y a bien sûr des curiosités comme ces narcisses "Cyclamineus" avec des fleurs en arrière qui font penser "à un lèvre effrayé (les oreilles en arrière) ou à une bande de gnomes en conclave". En conclave? Qui a écrit ça? Particulièrement belles cette année, les tulipes Darwin "Long Lady" et la tulipe fleur de lys Merlot, je n'ai jamais vu une couleur pareille.

Toujours aussi dingue, ça fait 10 ans que j'y pense, l'arum "Dragon". Rien que le nom - qui produit une spathe pourpre marron de 40 cm de hauteur. L'ail "Hair" qui est complètement folledingue et hirsute (ence the name). Et mon préféré, toujours très bon marché vu l'effet que ça produit (75cm, il faut pas avoir peur d'en mettre partout, à ce prix!) le Nectaroscordum Sicilum au "parfum miellé, brun caramel strié de vert et de crème". Chez les hortensias, je disais, c'est la folie en ce moment. Après Annabelle, après Invicibelle, après Vanille-Fraise, après Magical Moonlight, c'est l'année d'Incrediball avec une fleur blanche pure, grosse comme un ballon de basket. Chez les clématites aussi, c'est la révolution depuis 5 ans avec par exemple Fair Rosamond (et pourtant je suis pas fan de clématites blanches) car celle -là est toute dans ses étamines rubis. Un truc hallucinogène. Pareil pour Florida Var.Sieboldiana, un truc qui doit faire badder le soir. Et puis, parlons-en, il y a toujours un article qui bénéficie d'un texte super long. Là c'est la plante magique totale, le Goji, qui mérite un texte de promo intégral :

arbuste originaire de l'Himalaya, feuillage caduc, aux petites baies rouge ressemblant à une petite cerise allongée, appréciées pour son goût légèrement sucré, utilisées en fruits frais, séchés et en jus. Encore peu connus en Europe, ces fruits jouissent en Asie d'une formidable réputation médicinale. Riches en vitamines, minéraux et en oligo éléments, ces baies sont présentées comme un super fruits contenant 400 fois plus de vitamines C que l'orange et 13% plus de protéines que le blé entier. C'est aussi une excellente source d'antioxydants avec une très importante proportion de caroténoides, mais aussi 4 polysaccharides propres à ce végétal et que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Les baies de GOJI contiennent aussi : 18 sortes d'acides aminés, en quantités huit fois supérieures à celles trouvées dans le pollen. Elles contiennent les huit acides aminés essentiels, dont le tryptophane et l'isoleucine, 21 oligo-élements, du zinc au fer en passant par le cuivre, le sélénium et le phosphore, à poid égal, plus de bêta-carotène que les carottes, des vitamines, dont B1, B2 , B6 et E, des bêta sistérols, aux propriétés anti-inflammatoires.Le goji permettrait de renforcer les défenses immunitaires (propriétés anti-inflammatoires), de faire baisser la tension artérielle, le taux de cholestérol et de sucres dans le sang, d'améliorer l'assimilation du calcium, et de soulager le foie.Le goji est présenté comme pouvant être utile dans les cas de fatigue, de faiblesse immunitaire, d'hypertension, d'infection urinaire, d'excès de cholestérol, de prévention des troubles oculaires. Il permettrait aussi de freiner la croissance des tumeurs cancéreuses et de réduire les effets secondaires des traitements anti-cancéreux.Certains chercheurs estiment que cette baie fait partie des aliments qui pourraient retarder le vieillissement cellulaire.Cet arbuste de 150 à 300 cm peut être taillé pour améliorer la fructification, pousse en sol alcalin plutôt sec, en plein soleil, supporte des températures de-20/-22°, récolte 3-4 ans après plantation, fleurs violet.

Rien que ça!!! Mais c'est le fruitier que tout petit séropo devrait avoir! Toujours dans les catalogues de prolos, il y a le mini livret d'Hortiflor avec beaucoup de plantes avec parfois les plus petits prix, comme chez Jacques Briand (qui vaut son pesant de cacahouettes comme on dit). Rien de particulier à mentionner ici À PART QUE beaucoup de plantes sont rebaptisées (so to speak) avec des connotations catholiques. C'est très jardin de curé quoi. Les plantes les plus banales comme les digitales sont les "Gants de Notre-Dame"; les roses trémières sont les "Bâtons de St. Jacques"; le verbascum est "Cierge de notre dame"; les primevères sont des "Herbes de St. Pierre" ou des "Clefs du Paradis". M'enfin, je crois m'intéresser depuis longtemps au jardinage et je n'ai jamais entendu parler de ces noms! Le Lychnis coronaria transformé en "Oeil de Dieu"! Vous imaginez aller dans une jardinerie et demander "Je cherche des "Clefs du Paradis", vous en avez en stock?"; De la Monnaie du Pape, Ok, on sait ce que c'est, ou les Cœurs de Marie, oui, mais le reste c'est pas très laïcité nan?

Chez les catalogues un peu plus upscale, il y a Promesses de Fleurs (oui je sais, ce nom), anciennement Schryve. C'est pas un catalogue d'achat pour moi car c'est un peu cher mais parfois, on sait pas pourquoi, ils ont un item qui coûte beaucoup moins qu'ailleurs. Le design du catalogue est parfait, sobre, très belles couleurs, beau papier brillant, typos simples. Et parfois aussi, ce catalogue est unique car on tombe sur une plante rare qui vient de sortir ou qui est enfin produite à grande échelle comme l'euphorbe "Tasmanian Tiger". Rien que le nom! Un Tigre de Tasmanie dans votre jardin! Ou l'hydrangea Paniculata "Phantom". Un nom qui fait peur pour un de ces hortensias modernes super résistants qui font des fleurs de 40 à 50 cm de large, tout blancs. Un effet de folle qui crie à sa fenêtre par clair de lune.

Et bien sûr le catalogue Thierry Denis dont j'ai déjà parlé plein de fois. Là on est dans le domaine des noms de vivaces qui sont toutes dédiées à un botaniste souvent européen de l'est comme l'aster novae-Angliae "Alma Pötsche" ou l'hélénium "Kuppersprudel" ou la monarde "Schneewittchen" et j'en passe les meilleures. Mr Thierry Denis se retient davantage sur les descriptions de plantes, à une époque c'était devenu une sorte de délire de l'écriture pour toutes les dames de 50 ans folles de jardin qui ne juraient plus que par lui (Courson quoi)... Mais il sait exactement ce que recherchent ses clients : des plantes qui deviennent énormes en nécessitant le moins d'effort. Souvent, il encourage ses clients à  refuser "toute pitié" envers tel pavot oriental "Catharina" (traduction coupez à ras quand ça a fleuri) ou quand il dit que de tous les lythrums virgatum, "Dropmore Purple" est le plus résistant au sec (le seul problème de cette super belle fleur sauvage des fossés). Ou que l'aster pringlei "Monte Carlo Double" est "le dernier sourire du jardin avant l'hiver". Bon ça, n'importe quel jardinier qui se respecte veut avoir la DERNIERE plante qui fleurit tout pimpante quand c'est sous la brume humide et déjà froide.

Choisir une plante parce qu'elle s'appelle Dropmore Purple ou Dragon, en plus, c'est très masculin.