Il y a des articles très amusants d’Alice Rawsthorn dans le New York Times qui se moquent de certains sites Internet arty qui sont si complexes qu’on ne sait pas où aller et, de fait, on s’en va. On se barre. C’est vraiment l’effet inverse de ce qui est recherché. C'est ce qu'elle décrit dans "Web sites, awful and not". Il y a des folles qui ont passé des journées de réunion pour trouver le look et l’esprit d’un site pour une corporate – et les gens se barrent. En général, je suis toujours d’accord avec ce que dit cette journaliste. J’ai même cherché une page FB à son nom, pour devenir fan. C’est tellement rare d’être d’accord à 100% avec ce que dit quelqu’un, surtout dans un sujet qui n’est pas vraiment le mien, le design.
Alice citait le site d’YSL comme l’exemple de référence. Trop compliqué. Dans cet article de 2008, Alice expliquait pourquoi de nombreux sites Internet n’arrivaient pas à satisfaire à la fois l’œil et le cerveau. Elle dénonçait en particulier la typo Georgia, si jolie sur un Mac et très laide sur un PC (c’est l’erreur de ce blog, mais, d’un autre côté, je suis une fille Apple sans scrupules). Elle se moquait de Flash, si populaire dans les années 90 et si ringard aujourd’hui, surtout quand on parle de simplicité (chez Minorités, le débat sur Flash a duré à peu près 4 minutes : Laurent était farouchement contre). Elle ridiculisait les sites dans lesquels il y a trop de choses. Dans les médias gays, c’est caractériel : ça rend les gens encore plus confus. Il faudra d’ailleurs se poser bientôt la question : est-ce que les médias LGBT participent de cette « confusion » culturelle LGBT non pas dans son contenu, mais dans la présentation de ce contenu ?
À un moment récent de notre passé, nous avons basculé dans une surabondance de conceptuel, comme on le voit dans les Tumblr actuels où certains mecs ne s’intéressent qu’à une partie du corps ("Fuck Yeah Beards" est un blog génial). Pour mon site, je voulais faire un truc volontairement simple, avec du bold dans les lettres. J’aurais adoré utiliser des typos plus zarbis, plus années 30, qui me ressemblent, avec des noms super jolis, puisque j’en suis, comme pas mal de monde, à cultiver des plantes non seulement parce qu’elles sont jolies, mais en plus parce qu’elles ont un nom génial.
Mais j’ai forcément essayé de me retenir, encore une fois, en utilisant la typo de Minorités pour rassembler tout ce que je fais sous la même bannière. Il y a de la mémoire sur ce site perso, par forcément nostalgique, qui nous transporte vers des périodes heureuses, même au cours des années sida. Je veux rassembler tout ça aussi dans Minorités, car tout est forcément lié. Je veux montrer que lorsque nous étions très inquiets sur nos vies ou celles de ceux qui nous entouraient, beaucoup de photos montrent des amis souriants. Aujourd’hui, tout le monde se déteste parce qu’on a survécu, mais à l’époque, c’est étrange, tout le monde souriait.
Je n’ai pas beaucoup posté de trucs sur ce blog pendant le mois d'avril car je travaillais sur ce site qui sera ouvert un peu plus tard, ce jour même. Et puis il y a l’expo de Magazine, le livre des chroniques de Libé, il y a le jardin aussi, et ma famille et mon mari et les amis qui viennent le week-end donc j’étais occupé. Je suis content de ce site, on verra comment ça fonctionnera. Ce dernier ne prétend pas être parfait, je le voulais rudimentaire, dans le genre sucré, avec du miel orange foncé dessus. Tout est gros, même la case de recherche. Les photos du site ne sont qu’une partie des nombreux négatifs qui restent à scanner et commenter. Je ne cherche même pas à faire des scans parfaits, ce qui m’intéresse, c’est la photo, le souvenir, ce que ça veut dire.
Certaines photos illustrent des pages spécifiques publiées dans « Kinsey 6 » ou « Act Up, une histoire », comme les Gay Pride, les bals du 13 juillet sur les quais de Tournelle à Paris. Le but de ce site est de partager ses images, des souvenirs musicaux ou politiques qui ont marqué ces trente dernières années.
Pour certains d’entre nous, déjà seniors, même si on est effrayés par l’étendue de ce mot, il est temps de ranger ces souvenirs pour que les plus jeunes, s’ils le veulent, on ne les oblige pas, aient un aperçu de ce qui les a précédé. Il existe une fascination pour ces décennies parce que ce sont elles, en effet, qui ont vu l’essor des minorités à laquelle j’appartiens.
Je suis un nouveau d’Internet. Je me suis battu pendant longtemps contre l’idée d’écrire un blog et je ne fais pas partie des gens qui lisent beaucoup de blogs. Il y a toujours une partie de moi qui considère que l’ordi est un outil de travail et qu’il doit me laisser le temps de sortir dans le jardin quand je veux. Je trouve effrayant, par exemple, les gens qui regardent la télé avec leur ordi. Et ceux qui se branlent devant, c’est encore pire lol. Bref, Internet ne doit pas me détourner du plaisir que j’ai à travailler dehors car je me sens responsable de ce qui m’entoure et l’ordinateur ne doit pas être un obstacle. C’est pourquoi, parfois, je ne réponds pas aux mails, ou je réponds avec du retard. Je préfère réfléchir à ce que je vais dire et je déteste cette obligation de répondre dans l’immédiateté. Je sais que c’est ça, la modernité, le fait de répondre tout de suite, mais je suis contre.
Pourtant, j’ai eu énormément de plaisir à m’engager, avec du retard, sur Internet. Je n’ai pas ressenti un tel plaisir créatif depuis, quoi, l’écriture de mon dernier bouquin. C’est grâce à Facebook et à Internet, après tout, que j’arrive à travailler, à publier un livre et organiser une expo sans avoir de téléphone portable. C’est ça le fond conceptuel de l’affaire : « Voyons si c’est possible de travailler avec des gens sans téléphone portable ». Et ça l’est.
Au fur et à mesure des années, il y a des machines que je n’utilise plus. Le répondeur, par exemple. Pas la peine de me laisser un message, je ne vais pas l’écouter. Vous avez quelque chose à me dire, il y a les mails. Les SMS ? No way. Pourquoi un tel décalage avec le monde moderne ? Je ne sais pas, c’est comme si à 52 ans, j’avais eu assez de conversations téléphoniques. Alors que les mails, j’aime toujours ça. Je trouve que le Facebook du début, en 2007, avait une ambiance vraiment chaleureuse. Cette impression subsiste toujours, FB reste un média sympa, mais à l’époque c’était encore un petit club. On pouvait encore ranger ses amis par ordre de beauté de leurs photos de profil.
Internet me donne envie d’écrire. Je trouve que ce que les gens disent est stimulant. J’aime comment ils s’expriment. Pourtant, je suis contre le chat, je n’ai pas de profil de drague sur les sites de cul et je ne suis pas un dingue de Twitter, sans doute parce que je n’ai pas encore d’iPhone, malgré mes promesses non tenues de l’été dernier. Twitter est génial pour les infos, mais il faut y être tout le temps dessus, et ce n’est pas, encore une fois, ma manière de vivre.
See, je suis convaincu, comme beaucoup de monde, surtout en France d’ailleurs, que l’iPhone introduit des automatismes qui sont à la base de ce qui sera développé plus tard et donc autant s’y mettre tout de suite sinon le retard sera un handicap insurmontable. Mais j’ai envie de pousser l’expérience de la vie sans téléphone jusqu’à la publication de ce livre et la sortie de cette expo, pour voir.
J’aime mon site perso parce que je m’y sens bien. On fait toujours la même chose dans sa vie. On décide à 20 ans qu’on aime les lettres bold et extrabold et on aime ça toute sa vie, sans y réfléchir, en multipliant les variantes. Magazine, Act Up, Têtu, KABP, des typos bold partout. Et le noir sur ce site, autant répondre tout de suite parce que tout le monde me pose la question : c’est parce que je ne veux pas laisser une aussi belle couleur à ceux qui voudraient en faire un symbole de la noirceur.
Je me mets en travers entre cette association entre le noir et le malheur. Après tout, le contenu de ce site, c’est du bonheur. Avec l’âge, on regarde tout ce qui a été douloureux dans le passé avec un regard plus gentil, plus positif. Les garçons sourient sur les photos. Peut-être que le jour de la photo, j’étais triste ou pas bien. Le garçon aussi. Mais le sourire de la photo est ce qui reste, bien longtemps après et on oublie ce qui nous rendait malheureux quand on était jeune.
Je n’ai pas beaucoup posté de trucs sur ce blog pendant le mois d'avril car je travaillais sur ce site qui sera ouvert un peu plus tard, ce jour même. Et puis il y a l’expo de Magazine, le livre des chroniques de Libé, il y a le jardin aussi, et ma famille et mon mari et les amis qui viennent le week-end donc j’étais occupé. Je suis content de ce site, on verra comment ça fonctionnera. Ce dernier ne prétend pas être parfait, je le voulais rudimentaire, dans le genre sucré, avec du miel orange foncé dessus. Tout est gros, même la case de recherche. Les photos du site ne sont qu’une partie des nombreux négatifs qui restent à scanner et commenter. Je ne cherche même pas à faire des scans parfaits, ce qui m’intéresse, c’est la photo, le souvenir, ce que ça veut dire.
Certaines photos illustrent des pages spécifiques publiées dans « Kinsey 6 » ou « Act Up, une histoire », comme les Gay Pride, les bals du 13 juillet sur les quais de Tournelle à Paris. Le but de ce site est de partager ses images, des souvenirs musicaux ou politiques qui ont marqué ces trente dernières années.
Pour certains d’entre nous, déjà seniors, même si on est effrayés par l’étendue de ce mot, il est temps de ranger ces souvenirs pour que les plus jeunes, s’ils le veulent, on ne les oblige pas, aient un aperçu de ce qui les a précédé. Il existe une fascination pour ces décennies parce que ce sont elles, en effet, qui ont vu l’essor des minorités à laquelle j’appartiens.
Je suis un nouveau d’Internet. Je me suis battu pendant longtemps contre l’idée d’écrire un blog et je ne fais pas partie des gens qui lisent beaucoup de blogs. Il y a toujours une partie de moi qui considère que l’ordi est un outil de travail et qu’il doit me laisser le temps de sortir dans le jardin quand je veux. Je trouve effrayant, par exemple, les gens qui regardent la télé avec leur ordi. Et ceux qui se branlent devant, c’est encore pire lol. Bref, Internet ne doit pas me détourner du plaisir que j’ai à travailler dehors car je me sens responsable de ce qui m’entoure et l’ordinateur ne doit pas être un obstacle. C’est pourquoi, parfois, je ne réponds pas aux mails, ou je réponds avec du retard. Je préfère réfléchir à ce que je vais dire et je déteste cette obligation de répondre dans l’immédiateté. Je sais que c’est ça, la modernité, le fait de répondre tout de suite, mais je suis contre.
Pourtant, j’ai eu énormément de plaisir à m’engager, avec du retard, sur Internet. Je n’ai pas ressenti un tel plaisir créatif depuis, quoi, l’écriture de mon dernier bouquin. C’est grâce à Facebook et à Internet, après tout, que j’arrive à travailler, à publier un livre et organiser une expo sans avoir de téléphone portable. C’est ça le fond conceptuel de l’affaire : « Voyons si c’est possible de travailler avec des gens sans téléphone portable ». Et ça l’est.
Au fur et à mesure des années, il y a des machines que je n’utilise plus. Le répondeur, par exemple. Pas la peine de me laisser un message, je ne vais pas l’écouter. Vous avez quelque chose à me dire, il y a les mails. Les SMS ? No way. Pourquoi un tel décalage avec le monde moderne ? Je ne sais pas, c’est comme si à 52 ans, j’avais eu assez de conversations téléphoniques. Alors que les mails, j’aime toujours ça. Je trouve que le Facebook du début, en 2007, avait une ambiance vraiment chaleureuse. Cette impression subsiste toujours, FB reste un média sympa, mais à l’époque c’était encore un petit club. On pouvait encore ranger ses amis par ordre de beauté de leurs photos de profil.
Internet me donne envie d’écrire. Je trouve que ce que les gens disent est stimulant. J’aime comment ils s’expriment. Pourtant, je suis contre le chat, je n’ai pas de profil de drague sur les sites de cul et je ne suis pas un dingue de Twitter, sans doute parce que je n’ai pas encore d’iPhone, malgré mes promesses non tenues de l’été dernier. Twitter est génial pour les infos, mais il faut y être tout le temps dessus, et ce n’est pas, encore une fois, ma manière de vivre.
See, je suis convaincu, comme beaucoup de monde, surtout en France d’ailleurs, que l’iPhone introduit des automatismes qui sont à la base de ce qui sera développé plus tard et donc autant s’y mettre tout de suite sinon le retard sera un handicap insurmontable. Mais j’ai envie de pousser l’expérience de la vie sans téléphone jusqu’à la publication de ce livre et la sortie de cette expo, pour voir.
J’aime mon site perso parce que je m’y sens bien. On fait toujours la même chose dans sa vie. On décide à 20 ans qu’on aime les lettres bold et extrabold et on aime ça toute sa vie, sans y réfléchir, en multipliant les variantes. Magazine, Act Up, Têtu, KABP, des typos bold partout. Et le noir sur ce site, autant répondre tout de suite parce que tout le monde me pose la question : c’est parce que je ne veux pas laisser une aussi belle couleur à ceux qui voudraient en faire un symbole de la noirceur.
Je me mets en travers entre cette association entre le noir et le malheur. Après tout, le contenu de ce site, c’est du bonheur. Avec l’âge, on regarde tout ce qui a été douloureux dans le passé avec un regard plus gentil, plus positif. Les garçons sourient sur les photos. Peut-être que le jour de la photo, j’étais triste ou pas bien. Le garçon aussi. Mais le sourire de la photo est ce qui reste, bien longtemps après et on oublie ce qui nous rendait malheureux quand on était jeune.
On regarde ce qu’on a écrit ou ce qu’on a fait, il y a 30 ans comme une kitscherie. Il y a des photos de boyfriends quand je les rencontrais, au moment où j’étais très amoureux d’eux. En fait, so far, la vie a été dure pour moi, mais elle a été heureuse. Je n’ai pas perdu une jambe ou deux, je n’ai pas de maladie super slash super slash super grave. Je ne suis pas mort, pour dire les choses vite. Ce site porte le noir car il est associé à des moments rayonnants. C’est donc à partir de ce noir, sur Internet, que je présente le début de ces archives et j’espère rejoindre ceux qui ont déjà commencé ce travail.
« Write for Impact » disait l’ancien boss du Boston Globe à ses journalistes. Le bold a toujours plus d’impact, c’est presque sous-entendu dans son nom. Être bold, c’est être frontal, ne pas avoir peur de dire ce que l’on pense, c’est être courageux. C’est pas loin de « blunt ». Pour moi, ce site, qui n’est pas complètement terminé, répond à mon idéal de simplicité, mais sans exagérer, après tout je ne suis pas un puriste.
Pour revenir à Alice Rawsthorn, il y a des articles où elle met le doigt sur ce que j’ai toujours pensé. Dans « Mistakes in Typography Grate the Purists », elle décrit une des raisons qui m’a fait quitter Paris. La laideur des enseignes, de toutes ces typos qui s’affrontent sur les deux côtés d’axes maudits comme le boulevard Magenta (great name, awful place). Cette ville est remplie de « gaffes typographiques ». C’est comme quand vous regardez « Mad Men » avec son esthétique sixties parfaite. Ben, la typo du générique de la série a été créée en 1992, c’est-à-dire 40 ans plus tard la narration de l'intrigue. Fail !
On ne demande pas à Paris une uniformisation des typos, comme cela se fait à Amsterdam (bien que je trouve ça génial), juste un self-control visuel. Vous imaginez Delanoë en train de dire à ses commerçants : « Alors voilà, on a défini une dizaine de typos pour vos enseignes et ça serait bien que vous choisissiez parmi elles celles qui vous convient ». Il n’est même pas foutu de mettre des guirlandes de Noël qui veulent dire quelque chose, alors créer une charte graphique pour la ville, faut pas rêver. .
C’est pourtant ce qu’il faudrait faire, j’en suis convaincu.
« Write for Impact » disait l’ancien boss du Boston Globe à ses journalistes. Le bold a toujours plus d’impact, c’est presque sous-entendu dans son nom. Être bold, c’est être frontal, ne pas avoir peur de dire ce que l’on pense, c’est être courageux. C’est pas loin de « blunt ». Pour moi, ce site, qui n’est pas complètement terminé, répond à mon idéal de simplicité, mais sans exagérer, après tout je ne suis pas un puriste.
Pour revenir à Alice Rawsthorn, il y a des articles où elle met le doigt sur ce que j’ai toujours pensé. Dans « Mistakes in Typography Grate the Purists », elle décrit une des raisons qui m’a fait quitter Paris. La laideur des enseignes, de toutes ces typos qui s’affrontent sur les deux côtés d’axes maudits comme le boulevard Magenta (great name, awful place). Cette ville est remplie de « gaffes typographiques ». C’est comme quand vous regardez « Mad Men » avec son esthétique sixties parfaite. Ben, la typo du générique de la série a été créée en 1992, c’est-à-dire 40 ans plus tard la narration de l'intrigue. Fail !
On ne demande pas à Paris une uniformisation des typos, comme cela se fait à Amsterdam (bien que je trouve ça génial), juste un self-control visuel. Vous imaginez Delanoë en train de dire à ses commerçants : « Alors voilà, on a défini une dizaine de typos pour vos enseignes et ça serait bien que vous choisissiez parmi elles celles qui vous convient ». Il n’est même pas foutu de mettre des guirlandes de Noël qui veulent dire quelque chose, alors créer une charte graphique pour la ville, faut pas rêver. .
C’est pourtant ce qu’il faudrait faire, j’en suis convaincu.