dimanche 19 décembre 2010
L'inceste qui fait pshitt
Cette histoire d’inceste présumé dans la famille de Villiers est hallucinante. Quand on lit l’article publié dans Libération du 17 décembre, il y a vraiment de quoi se demander pourquoi cette affaire n’est pas la news politique N°1 du moment. Ce n’est pas que Libération nous apprenne beaucoup de choses, cette histoire est tellement abracadabrante que de nombreux détails ont filtré depuis quelques années et à chaque fois nos yeux se sont écarquillés, la tête a été prise de vertiges, on a tous subi une hypoglycémie soudaine et inexpliquée. Une famille hyper catholique qui se déchire pour des rumeurs de viols répétés, tout ça sous le regard de l’entourage et de la classe politique, normalement ça devrait sonner la fin d’une carrière, la fin du nom et surtout la fin de la marque de Villiers.
Dans n’importe quel pays, les médias et la classe politique auraient soulevé les contradictions entre la parole religieuse et une histoire abjecte (ce que certains ne cessent de dénoncer dans l’Islam, mais je ne sais pas si Caroline Fourrest ou Finkielkraut ont dit quoi que ce soit sur cette affaire de Villiers, étrange). Il y a ici matière à scandale énooorme. Bien sûr, la justice accouche d’un non-lieu. Soit. Mais est-ce que l’annonce de ce non-lieu ne mérite pas davantage en exposition que le simple fait de passer la news dans la file télex des chaines câblées ? Est-ce que cette histoire ne reflète pas ce qui est le pire en France ? Et surtout, quand on voit le retentissement des scandales de pédophilie dans le clergé, dans tous les pays (sauf la France, comme si les curés français ne s’étaient pas amusés avec des petits garçons et des petites filles depuis les années 60), n’y a-t-il pas un seul journaliste pour mener l’enquête à son terme ? Normalement, quand des affaires de ce genre explosent à l’étranger (et c’est courant), les télés montrent toujours la même chose: l’homme politique, père de la famille, s‘excuse devant le portail de la maison, sa femme à ses côtés (furieuse mais silencieuse) et ses enfants (mortifiés). Dans cette affaire, la justice a prononcé un non-lieu, mais cela ne veut pas dire que rien ne s’est passé.
Je me demande: où sont donc passés tous les joyeux laïcards rassemblés par Borloo il y a une semaine qui, normalement devraient dévorer cette affaire, la monter en sauce ? Si on découvrait qu’un homme politique musulman intégriste - ou pas (oui je sais, ça n’existe pas en France) vivait une telle situation dans sa famille, il ne résisterait pas une semaine à la vindicte populaire. La classe politique se détournerait de lui en 24 heures, cet homme se retrouverait isolé, acculé par ses adversaires et par ses alliés qui lui reprocheraient d’attirer la honte sur son camp politique et surtout sur ses convictions religieuses. Or, cela fait plus que 4 ans que cette affaire est rendue publique et tout porte à croire qu’elle va être enterrée. Aimons-nous à ce point de Villiers pour le protéger ainsi ? Que ce soit à droite ou à gauche, n’a-t-il pas assez d’ennemis pour que certains expriment leur dégoût pour cette affaire ? Que faut-il donc faire pour soulever le cœur de la classe politique ? Que pense Ségolène Royal, la voisine de De Villiers ?
Et là je vais aborder le point central. Que les médias et la classe politique ne fassent pas leur travail, on commence à être habitué. Le pays entier est effaré par cette affaire. Mais ces histoires de pédophilie et d’inceste sont toujours mises sur notre dos, à nous, les homosexuels, alors que dans ce cas spécifique, il n’y a pas de gay à des lieues à la ronde. Pendant des siècles et encore aujourd’hui, les homosexuels ont été associés à ces crimes, c’est notre réputation, et nous nous battons sans cesse contre cette association d’idées, cet amalgame comme on dit de nos jours. Dans cette affaire, je le répète, il n’y a pas un seul homosexuel à l’horizon. On est même au cœur d’une famille hétérosexuelle parfaite, féconde, claironnant sans cesse ses valeurs traditionnalistes. Et pas un média gay, pas une seule association LGBT qui ne fasse le lien entre ce scandale étouffé par on ne sait qui et la régularité avec laquelle les groupes cathos traditionnels de droite accusent les homosexuels de pervertir la société, sur ces thèmes précisément. Je suis fier de le dire: dans cette affaire, nous n’avons rien fait. Nous n’avons pas perverti cette famille. De fait, je suis à peu près certain que l’idée homosexuelle a été bannie à des kilomètres du foyer des de Villiers. C’est donc dans la famille la plus « juste » de France, la plus « légitime », par sa « noblesse » même, que le drame a divisé un clan, les parents et les enfants et pire: les enfants entre eux. Se rebeller contre ses parents, c’est finalement normal. Se battre entre frères et sœurs, c’est catastrophique.
Donc, mon conseil. La prochaine fois que vous entendez des hétérosexuels parler de pédophilie, d'inceste, d’impossibilité d’adoption chez les gays ou d’histoires étranges chez les lesbiennes, n’oubliez pas de rappeler ce cas d’école vendéen. Il y a eu non-lieu ? Soit. Mais tout le monde s’est fait sa propre idée. Et elle n’est pas belle du tout. La désaffection politique dont tout le monde parle sans cesse, cette perte de confiance et de respect envers ceux qui ont le pouvoir, elles sont aussi là, très visibles. Et qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on dit ? Rien.
mercredi 15 décembre 2010
La testostérone du jardinage
Une nouvelle machine est en train d’envahir les campagnes. Non, ce n’est pas un des ces tracteurs bulldozer américains de 5 mètres de haut, bourrés de chips et de senseurs électroniques qui labourent et évaluent tout ce qu’il faut savoir sur les demandes de la terre en eau et en engrais, en passant par le satellite s’il vous plait. Ce n’est pas, non plus, la machine miracle qui permettra aux agriculteurs d'arrêter de jeter leur lisier au bord des rivières, juste à côté de la route, comme ça se fait encore partout, rien que pour montrer qu’ils font ce qu’ils veulent et qu’ils vous emmerdent et qu’on n’a pas intérêt de leur dire quoi que ce soit. Cette machine est beaucoup plus humble et elle est déjà au point: c’est l’aspirateur /souffleur de feuilles mortes. Et ça fait un boucan pas possible ce bordel.
Avant, à la campagne, les feuilles n’étaient pas un problème. Les gens ne s’embêtaient pas trop avec ça car il y a des arbres partout et le vent se moque totalement du périmètre de votre jardin (si vous avez un périmètre d’ailleurs). Soit vous laissez les feuilles sur place et elles protègent ce qu’elles recouvrent par temps de gel (et procurent un abri à des milliards de petites bêtes comme les coccinelles donc pas besoin d’acheter ces abris ridicules qu’on essaye de nous fourguer pour faire gentil, moi je veux bien mais 15 euros pour des coccinelles quand on a des tas de bois dehors c’est irréel). Soit vous prenez votre courage à deux mains et vous achetez un des ces râteaux Fiskars magiques qui ont révolutionné la corvée des feuilles mortes : plus larges, plus légers, plus rapides.
Mais les modes citadines sont si puissantes qu’elles envahissent les petits villages et les campagnes. Tous les magasins de bricolage vendent ces machines qui soufflent et aspirent les feuilles mortes en un temps record, certains les transforment même instantanément en mulch. Avec tous les insectes qui sont passés à la broyeuse, on n’arrête pas le progrès. Le problème, c’est que tout le monde s’y met, croyant accompagner ce progrès, et dans certains endroits, le samedi, c’est un concert de tondeuses et de souffleurs.
Je n’ai pas à me plaindre de ça, à la campagne, ça reste encore minoritaire. Après tout, on est à la campagne et chacun fait plus ou moins ce qu’il veut. Mais je commence à entendre ce bruit. Et le son qui accompagnait cette belle période de l’année, le bruit du râteau sur le gravier, le silence des aller – retour de la brouette vers le compost pour y déverser les feuilles mortes, tout ça est désormais sur le point de disparaître. Comme l’automne dure longtemps et que les feuilles des arbres ne cessent de tomber à des moments divers (les chênes étant les derniers à perdre leurs feuilles), ce sont des semaines et des semaines de souffleur qui sont nécessaires pour que le jardin ne supporte plus la moindre petite feuille morte. Une catastrophe écologique, encore provoquée par le commerce.
Un article génial du New Yorker du 25 octobre dernier expose les proportions absolument débiles que prend ce phénomène aux Etats-Unis (et probablement en Angleterre aussi). Le jardinage est une occupation merveilleuse qui nous permet de nous entendre penser. On est là, dans le silence de la nature, à écouter les petits bruits du jardin et la rumeur de l’agriculture au loin. But not anymore. Tous les week-ends désormais, c’est la symphonie des souffleurs de feuilles et des tondeuses qui se répondent de jardins en jardins. Ce bruit est le dernier joujou symbolique de la puissance du jardinier viril. Plus ça fait du bruit et plus il est macho. Les hommes ont leurs jouets et celui-ci fait encore plus de bruit que les autres. C’est un bazooka à feuilles. Le jardinage n‘est plus le moment du silence, c’est celui du jeu. Il y a le coin barbecue pour jouer à la dinette du riche. Une terrasse pour faire le bobo qui agrandit sa maison. Il y a la piscine pour jouer au riche tout court.
Le problème, c’est que ce jouet a des règles et les hommes trichent au jeu. Normalement, l’aspirateur de feuilles vous permet de les amener plus rapidement à la déchèterie ou à votre propre compost (c’est mieux). Mais si vous vous êtes flemmard, vous vous amusez surtout à pousser les feuilles de votre jardin chez le voisin, qui vous renvoie à nouveau vos feuilles avec les siennes et tout ça finit en conflit de voisinage. Ah, ces hommes.
L’article de Tad Friend m’a surtout passionné pour 3 choses. D’abord, je commençais à me demander si je devenais con de penser que cet outil avait été créé par le diable. Je vois que je ne suis pas le seul, thank god. Ensuite, je me posais la question: OK, c’est pas écologique (ça marche à l’essence ces trucs), mais ça serait pas dangereux aussi ? Bingo. En fait, avec les feuilles, ces engins remuent des trillions de particules de tout, de pourriture, de germes, de microbes, d’endotoxines, de composés organiques et des crottes de chien – ou pire. On est en plein Little Britain : « Dust, anyone, dust ? ». Aux USA, ils ont réglé le problème en employant les Latinos pour faire le boulot, comme ça ce sont eux qui avalent toute la merde, et des fois on ne leur donne même pas le masque, le casque antibruit et les lunettes de protection. C’est pas cher payé en plus.
Mais ! Toute cette poussière ne tombe pas seulement sur les Latinos: elle va partout. Elle pénètre dans la maison, elle se dépose sur le potager, bref, le jardin pollue à partir de ses éléments naturels, ce qui est un comble. On remue la poussière et on étend le risque non seulement à son jardin mais aussi à celui des autres, super ! Vous avez de l’asthme, je vais vous aider ! Vous me voyez en train de dire à mon voisin par dessus la haie : « Heu, vous savez que vous êtes en train de m’envoyer des particules de caca de votre chat dont je me passerais bien parce que c’est pas parce que je suis un séropo avec une charge virale indétectable et un système immunitaire vraiment top que j’ai pas envie de me choper une toxoplasmose ou pire encore ». La tête qu’il ferait.
Aux Etats-Unis, il y a déjà des viles qui interdisent l’usage des souffleurs / aspirateurs. 24 dans l’état de Californie. Mais voilà, là-bas, l’état de la pelouse est un signe social très important, c’est quelque chose qui doit être nickel pour appartenir au tissu communautaire. Une pelouse mal entretenue devant la maison et c’est tout le quartier qui vous montre du doigt au supermarché comme si vous aviez pris en otage toute une maternelle avec deux sabres ! Cela me rappelle un article que j’avais lu et découpé (bon je le trouve pas aujourd’hui tant pis et je ne vois pas sur Google) sur les municipalités américaines qui interdisent formellement aux propriétaires de jardins de les laisser un peu sans entretien. Même si les proprios veulent rendre leur jardin plus écolo, laisser quelques mauvaises herbes pour abriter une certaine faune, c’est interdit. Dans le cas des souffleurs / aspirateurs, il sera difficile de créer une culpabilité sur le bruit. La machine de référence, le StihlBR-500, qui ne fait pas beaucoup de bruit, coûte 469$. Mais l’engin juste à côté, qui n’a pas de réduction sonore, est deux fois plus bruyant et il coûte pratiquement pareil (juste 40$ de moins) et il est 33% plus puissant. Les jules jardiniers veulent de la puissance entre les mains. C’est un peu comme si c’était un remplacement phallique, vous voyez ? Le problème du bruit, on verra plus tard. L’article du New Yorker le rappelle très bien : après tout, le bruit est une arme. On a utilisé des chansons de Britney Spears pour faire craquer les prisonniers de Guantànamo.
mardi 14 décembre 2010
Bisounours et Musique de bear
J'ai un ami, Yves, qui est un fan de house et qui est un bear, un homme qui aime les hommes nounours. Comme c'est le phénomène gay le plus important des dix dernières années et que ça débouche aujourd'hui sur les hipsters et surtout tous ceux qui sont ni bear no hipsters mais qui ont envie d'être gay d'une manière indépendante, on a souvent discuté, entre nous, du pourquoi et du comment de la daube musicale qui passe dans les clubs gays, et surtout les clubs de bears.
On aurait pu penser qu'un nouveau look, une nouvelle philosophie (on est des bears et on n'a pas besoin de bouffer des stéroïdes au petit déjeuner et si on a du ventre ben c'est comme ça, casse toi si t'es pas heureux) ou un état d'esprit plus drôle amènerait vers une ouverture musicale dans les clubs de bears. Ben non. J'en suis à mon millième message de copains qui sont bears et qui vont dans ces clubs pour se trouver face à une musique robotique même pas moderne, une ambiance triste et des mecs qui se regardent danser encore plus que les gym queens. Paradoxal, non? Et le pire, c'est que si on a le malheur de dire quoi que ce soit sur ça, les organisateurs de soirées vous envoient des fatwas pas drôles du tout.
Voici donc le témoignage de Yves.
Depuis 2003, on a vu le mouvement "OURS" arriver en France. Des boites, des bars ont organisé des soirées "OURS". Le mouvement s’est étendu dans toute l’Europe.
Et comme le milieu "OURS" fonctionne, et que la barbe est à la mode, on a vu les gays "s'oursiser".
Depuis 3 ans le phénomène s’amplifie : des fêtes "OURS" apparaissent partout, enfin pour rester branché, il faut dire des fêtes "BEAR".
Ces fêtes sont fréquentées par des ours, de moins en moins représentés (il n’y a pas assez d’ours en France pour remplir tous les bars et les fêtes "BEAR"), et par une majorité de candys et de candys poilues (des gays "average" qui se sont laissés pousser la barbe).. Ces candys étaient JPG, ou techno il y a quelques temps, aujourd’hui elles se précipitent sur le mot BEAR (Mouss Bear, Bear mix, Beardrop, Bear factory, BearKamp, etc etc) sans pour autant être assimilable à la culture ours.
Mode d’emploi
Dans une soirée BEAR, on peut se livrer à 3 activités (comme dans toutes les soirées gays) :
1. Discuter avec ses potes.
2. Draguer les gars présents
3. Danser
Quand je suis célibataire je pratique les 3, quand je suis marié je me restreins à la 1 et la 3.
Dans tous les cas, la 3 est super importante, car danser est un plaisir, et puis si la 1 et la 2 sont moins bonnes, on peut toujours se rabattre sur la 3.
La 1 et la 2, on peut les faire ailleurs que dans une soirée. La 3 c’est ici et nulle part ailleurs. Je danse d’une manière assez particulière, comme un plantigrade, ce qui fait que les candys m’imitent souvent pour se moquer de moi. L’OURS que je suis méprise alors les candys.
Une coterie de quelques DJ's commence à truster toutes ces fêtes. Ils sont bons dans leur genre, c’est sûr. Mais leur genre, c’est UN seul type de musique.
Ces DJ's ont tous des CV interchangeables, ils proclament une culture pop-rock à faire pleurer Philippe Maneuvre (ça coûte rien de l’affirmer, ils n’en passent jamais), puis ils mentionnent un passage par une fête ou bar techno dont personne n’a entendu parler (ça fait branché) et qui les a éclairés sur la route du son pointu. Ensuite, ils nous assurent tous qu’ils délivrent des sets qualifiés par les mots « puissant », « envoutant », « festif » (même pas honte). A vous de choisir. Certains garantissent même d’enflammer le dancefloor. Ces DJ's se retrouvent dans toute la France car certaines de ces fêtes exportent leur franchise (la BEARDROP par exemple).
Pour ces DJ's, il y a un mot qui est une insulte, c’est : RADIO.
Ca veut dire quoi, radio ? Des morceaux dansants qui passent aussi sur NRJ, FUN, SKYROCK, NOVA, LEMOUV etc. Vue l’étendue des genres musicaux de ces radios, on comprend déjà l’ineptie du raisonnement. Pour eux, radio c’est caca, il faut passer des morceaux électroniques, vendus à 500 exemplaires en vinyle. J’ai même vu sur le soundcloud d’un de ces DJ's un autre confrère mettre en commentaire : « prise de risque ? » parce que le gars commençait par un remix de « Ta douleur » de Camille. Comme quoi, quand ça chante, qu’il y a une MELODIE, que plus 5% du public peut connaitre le morceau, c’est risqué. Pour qui c’est risqué ?
Il me semble qu’une position intermédiaire est possible.
Depuis 3 ans, je m’ennuie dans les soirées (mais pas dans les boites). Et depuis deux ans, j’ai un mari, qui s’y ennuie autant que moi. Car la musique qu’on entend dans ces soirées est invariablement la même, de la « housetekelectrodeepprogressive », je les colle tous ensemble car le résultat est un son triste, sans vocaux ou presque sans, garni uniquement d’effets électroniques, parfois péchu, sur deux rythmiques : tribal ou tek.
Ce son (pour parler comme eux, ils sont au moins lucides, ils ne font pas de la musique) distille un ennui profond. Il n’est absolument pas festif, pas euphonique. Un indicateur évident est quand même le nombre de danseurs.
Pour eux, un DJ c’est un passeur de morceaux, un fabricant de son, le fait qu’il y ait un public à faire danser ne les concerne apparemment pas. Ils prétendent le contraire mais pour les avoir vu à l’œuvre, ils regardent rarement leur public. A contrario, j’ai un pote DJ (pas pointu) qui s’acharne à faire danser même ceux qui restent au bar dans sa boite, et quand il perd des danseurs, ça le mine, même s’ils sont juste allés pisser.
En tant que client qui paye ses consos et qui vient pour s’amuser, je me dis que j’ai droit AUSSI à ce que DJ prenne soin de moi.
Pour citer quelques exemples :
• à Marseille j’ai vécu une soirée "OURS" (où passait entre autres le DJ qui « enflamme le dancefloor »), dans une boite assez pleine où seulement DEUX candys et le barman dansaient.
• à Nimes j’ai été plusieurs fois à la même soirée où à peine 10% des gens présents dansent.
• à Toulouse, dans un bar bondé, j’ai vu un seul gars danser sur ce son et deux candys taper du pied, jusqu'à 2H du matin (j’ai supporté que jusque là), alors que j’ai passé dans ce même bar tout aussi bondé des soirées entières à m’éclater.
A chaque fois mes potes gueulent le lendemain : « On s’est bien amusés entre nous mais musique à chier ». Car mes potes ont de la mémoire :
• on s’est super amusé à l’Esclave (Avignon) avec l’invasion des ours de Toulouse, où des moments d’anthologie ont été vécus sur du R&B mais on n’a jamais eu envie de faire les connes à la Beardrop (Marseille, Toulouse, Paris).
• On s’est fait méga-chier à la Mékanik (Nîmes) le 31/12/2009 de 0H30 à 3H00, où le DJ qui fait des sets « puissants » était à l’œuvre. C’était tragique, le réveillon où tout le monde était remonté comme des pendules, où tout le monde était à donf, c'était triste. A 0H30, venus d’un réveillon super chaleureux entre amis, on s’est retrouvés dans une ambiance glauque et plombée. Les années d’avant, on a souvent fini à la boite gay locale où on s’est toujours amusés.
Ce qui est en cause, ce n’est pas la nature de leur zique (enfin pas tout à fait), tous les goûts sont … etc. Ce qui est en cause, c’est le fait qu’ils imposent UN seul genre de musique durant des heures. J’aime aussi le R&B, mais des soirées entières de R&B me gaveraient, c’est pareil pour la house, le ragga, l’electro, le reggae, le rap.
Dernièrement, je suis retourné dans la boite gay de ma ville, à la programmation variée, une chose m’a frappé : tout le monde souriait en dansant - et j’ai rarement vu les gars sourire dans ces fêtes. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder les photos sur leur site ou sur Facebook, les photos des pistes de danse sont très éclairantes. En plus, ils ont la fâcheuse habitude de se prendre en photo entre eux (car ces DJ s’aiment), dans beaucoup d’albums on voit plus les organisateurs que les participants...
Alors j’ai fait le kamikaze, en écrivant ce texte et en mettant les liens vers les sites. Pas pour me payer ces gens, mais juste pour leur dire, "pointu" est-ce synonyme de chiant ? C'est obligé ? Dans la même génération de DJ's, il en a qui ne sont pas "radios" mais qui produisent pourtant un son festif et euphonique (Emello, Maxime Dangles). Alors pourquoi ne pas vous en inspirer et essayer, par exemple, d’arrêter de penser qu’un set doit forcément commencer par « BOUM BOUM ».
A la Madbear 2010, j'ai rencontré le boss du bar à ours de Toulouse où se sont produites les Beardrop (before & after) et la Summerbars et la Bearfactory et ça m’a permis d’apprendre que ces DJ's sont apparus de rien et qu’ils viennent d’une scène très centrée sur leur musique. Bref, ils sont pris pour animer des bars sans savoir que la clientèle d’un bar n’est pas monolithique. J’ai même entendu la phrase « ‘Y’ est bon quand il mixe avec un autre ». Quand on sait que ‘Y’ est l’organisateur des évènements cités….
Donc même les organisateurs se rendent compte de l’inadaptation de ces DJ's sur les scènes où ils débarquent. Ca va peut être changer. (On me dit aussi que le DJ marseillais « au son tribal envoutant » a passé Dalida lors de la dernière soirée « candys poilues » marseillaise….)
Si ça ne change pas, je continuerai à sortir dans les vrais endroits OURS, et plus dans ces fêtes, ce que font déjà une partie de mes potes OURS. Je rentrerai dans ma caverne et j’irai m’amuser dans les pays étrangers, parce ces DJ's trustent les fêtes locales mais pas plus….
mardi 7 décembre 2010
Fuckyoufuckyeah Halperin
So Ms Whoever is coming to Paris to promote her new book on how-to-spend-a-lifetime–and-make-some-dosh-rambling-on-about-Foucault.
And the talk about town is that most of the contents of « Que Veulent Les Gays » is taken from works already published by Didier Eribon, David Halperin’s comrade in arms.
Jeeeeeez. Foucault is so boring. The vultures around Foucault are many on these shores and we have a long history of trying to dismiss this kind of neo-philosophical shit. We’ve been doing it for more than 2 decades now. And we see all those queens playing with the remaining corpse of a man gone a long time ago. Foucault died, out as a queen but with AIDS still in his closet. But hell, that’s no problem for those who want to use his ideas to describe an AIDS epidemic he never, (unlike we, the poor HIV survivors) got to experience. So they play with the stuff Foucault never said about the virus which can be best described as : (…). One day they take a bone and play with it, the next they choose some finger nail in the coffin.
Foucault was at the origins of AIDES – the biggest Aids group in France – which had more in common with GMHC than any social work by the great man, but it still looks good, on paper at least, that his partner in life, Daniel Defert, started the group way back in 1983.
For the first 20 years of AIDS in France, Foulcault hovered like a dark angel over AIDS activism, even if Act Up managed to zap that heritage with a single demo. Foucault suddenly became the refuge of old closet cases. Act Up was where it was at for the new breed of out-as-hell youngsters.
My view of his painful legacy is that you can live and strive and create and be BETTER without reading this shit. Foucault is for suckers.
We have had to prove that gay life, gay culture per se, could escape this freaky old man, a man who didn’t have the guts to tell the world he had HIV, even when everybody knew he was spending his nights in bathtubs of piss in the sex-clubs of the world. He was open about the piss but in denial about the virus – something was clearly wrong there as far as I was concerned.
And this original denial was, I think, the origin of a lot of compromised thinking at AIDES. It was all based on the PC concept of not being judgemental. You know, dowhatchalike, but don’t talk about it. It never sounded philosophically valid to me, and not very queer-studies either.
So we have had to live with this bollocks for more than 20 years, and the feedback from abroad has been huge. Some prat even wrote a book about making Foucault a hero because it’s just so clever to call somebody a saint when really he’s a traitor. But this, of course, is the way that money is made.
You see, some guy becomes famous from selling a dumb idea and there’s nothing you can do about it. Otherwise we would have put Milli Vanilli in The Simpsons after their first song instead of wasting all this time on them only to find out that they were a sham.
For 20 years, Foucault was the basis of Stupid AIDS as I call it, but for the last 10 years, he has been the backbone of Relapse (wave 1), Bareback (wave 2) and What The Fuck Happened To Gays ? (wave 3). And Halperin, who has been waiting out Waves 1 & 2 like a silent troll, is coming back at us now to spearhead Wave 3. His latest book is just another message telling us to chill, telling us that risky sex is just part of our nature, that we have to grow with it and enjoy it because there’s no way we can change our poor selves.
I’m not here to discuss the pros and cons of David Halperin's ideas. I think they’re all bollocks. Even the references he chooses in this book are pathetic. Digging up a beautiful / seminal but totally outdated text by Michael Warner from… 1995 to explain what’s happening in today’s gay sexuality is just so very very lazy. Everybody already knows this paper, we’ve been discussing this for such a long time. And so many other books have already gone so much further in explaining what’s going on in our dirty little minds when we fail to use a condom. People like Halperin write books about AIDS and risk-taking but they don’t know shit about the data, trials, and epidemiology – the real stuff that’s happening right now. Halperin rises high and pretends to look down on us all, but the only thing he grasps is thin air. DON’T talk to me about bareback when you don’t even know your numbers.
And don’t fuck with Genet either, because Genet has nothing to do with AIDS. And don’t play the cheap card of summoning up the legacy of some goddess from Mesopotamia who had nothing to do with AIDS either.
If you want to explain mitochondrial stuff using Alexander the Great, be my guest. If you wanna enlighten us on HVC with Jouhandeau, we’ll have a giggle with you. If you think CCR5 rhymes well with Sartre, well you’re just being a silly old git. But don’t you dare start preaching your sloppy ideas on AIDS, a field you don’t master.
What you are really trying to do is convince people who got HIV in the last 10 years that’s it all OK. You’re trying to gather around you all the gays who got HIV when they should have known better. They need your support, they need people like you who will tell them that it’s no sweat, that they were just being gay and real. You’re trying to tell them that they should not feel ashamed when shame is such a terrible thing for we gays.
Well, shame defined my – and David Halperin’s – generation. We grew up with serious hang-ups about being gay. And most of us managed to shake it all off and start Gay Lib movements and then AIDS movements and show just how much you can do that is great when you’re OK with your sexuality. But shame is back in this new century. The new shame is the one that gay people feel when they acknowledge that they wouldn’t be newly-HIV positive if they hadn’t fucked up their lives, their health – and sometimes, and that’s the worst part – somebody else’s life and health.
So this is all logical. Foucault was ashamed of AIDS. We managed to scrub that, without your help. Now a second wave of shame is upon us and books like David Halperin’s are trying to convince gays that it’s all OK, that risk taking is part of the gay way of life, that we simply have a self-destructive nature.
TasP, PreP, and microbicides won’t alter that shame. Barebackers are making the pharmaceutical industry fatter. It’s not AIDS making Gilead or Glaxo richer, it’s the barebackers. We, as gay men in rich countries, fuel the AIDS epidemic and enable the industry to have a party. This is the shame that’s upon us right now and it’s gonna grow, even if the treatments are easier to take (they are), even if they’re more efficient (they are), even if they are one pill a day (they are). David Halperin and all these guys who tell us that risk taking and forgetting condoms is part of our psyche feed the AIDS industry.
So there’ no philosophical bent here, no Genet, no Jouhandau, no what-ever-the-fuck French author you’ve decided to mess with today.
We don’t give a fuck about your crazed logic.
We love Genet enough that we won’t let you to stamp your dirty name on it. Your book is ultimately about nothing more than enabling gay people to feel good about being traitors to everything that we have achieved in AIDS over the last 30 years.
David Halperin did fuck-all to fight AIDS.
Queer studies did fuck-all to fight AIDS.
And not only did they do nothing to help people when the drugs were still nowhere to be seen, they didn’t even jump on the bandwagon when others did start the fight.
But now they’re ready to join in. Gilead, Glaxo, here they come! They love what you’re doing! Put them on board, PLEASE!
Thanks to Nick Alexander for better slang.
vendredi 26 novembre 2010
I Love My Tumblr!
Bon, c’est certain désormais, depuis la rentrée de septembre, on est plusieurs à se dire que Facebook Automne 2010 n’est pas le même que celui d’automne 2009 car les gens ne cessent d’évoluer dans leur manière de se comporter ou d’échanger.
Il y a trois ans et demi, peut-être 4, quand je suis arrivé sur FB, je n’avais jamais chatté ou dragué sur le net de ma vie et je n’étais pas du tout intéressé à le faire, à moins de suivre l’exemple d’Ed White et terminer ma vie chez Silverdaddies. J’ai aimé FB instantanément, comme un coup de foudre, parce que FB avait enfin décidé de tourner la page des sites de cul où personne ne se présente avec son vrai nom, sa vraie identité. Pour moi, c’était enfin la réponse à tout ce qui m’énervait sur Internet, ces cons qui ont des pseudos, qui n’ont pas le courage de dire ce qu’ils pensent sur les blogs et signent « Anonyme » par facilité (parfois à des fins politiques en plus, les gros lâches). Tout le monde a décrit ça en long et en large, je ne vais pas m’y mettre, mais je veux dire que pour moi, cette nouvelle franchise était fondamentale. J’ai envie de communiquer avec des vraies personnes, et je n’ai pas envie de draguer un alias ou même de répondre à un commentaire sur mon blog si je vois que c’est quelqu’un qui n’a pas pris la peine de s’identifier.
Au début, c’était magique. Il y avait encore cette impression de découverte d’un club bourgeonnant, rempli de surprises quotidiennes. C’était beaucoup plus international, on pouvait voir d’une manière très transparente les amis des gens que l’on rencontrait (l’affichage était plus simple, avec des icônes de photos plus grandes) et surtout cette rêverie de rencontre vous amenait loin, en Indonésie, en Afrique, aux Emirats Arabes, sur tous les continents quoi. Au niveau gay, je n’ai jamais vu FB sous l’angle de la drague, même si les gens se poquaient sans arrêt (un truc qui a disparu). Je voyais FB comme une vitrine du monde, avec des personnes d’une politesse tellement étonnante, nourrie par une communication universelle. C’était comme si les gens étaient plus polis parce qu’ils se rencontraient pour la première fois.
On le sait, ça a explosé depuis deux ans avec toute une nouvelle culture nourrie par 500 millions de personnes, no less, et ensuite à travers Twitter, et aujourd’hui Tumblr. Il y a eu aussi ce sentiment chaleureux au début sur Craigslist et puis c’est devenu, là aussi, la grande solderie de tout et des corps notamment. Aujourd’hui, à New York, vous pouvez baiser avec un hétéro de 25 ans pour 30 dollars, ce qui est en train de changer beaucoup de choses même dans les relations entre gays et hétéros mais on verra ça un autre jour. Facebook, aujourd’hui, c’est une histoire de promotion. Quand on a 4000 amis, on reçoit une quantité de propositions d’évènements si large que l’on peut la considérer, d’une manière socioculturelle, assez représentative de ce qui se passe, réellement, dans le domaine dans lequel on se trouve.
FB est donc un outil de promo, tout le monde le sait, c’est d’ailleurs pourquoi il y a beaucoup de personnes qui quittent FB aussi. Et chacun a sa raison de quitter FB. Il y a d’abord ceux qui ont fait la grosse connerie d’y être en 2007, les premiers quoi, et qui sont revenus fin 2008 quand ils ont enfin réalisé que non, on va pas pouvoir faire sans FB, quelle conne je suis des fois (suivez mon regard chez Yagg). Il y a celui qui est parti de FB pour revenir 6 mois plus tard avec de nouvelles règles. Il y a aussi celui qui a quitté FB mais qui a fait une dépression comme quand on arrête de fumer. Et il y a tous ceux qui débarquent encore aujourd’hui, ce qui fait que l’on retrouve des personnes perdues depuis 20 ans et que l’on croyait mortes.
Ce qui me fait dire que FB change, c’est quand je vois à quel point les périodes de vacances font office de break. Et à chaque fin des vacances, FB n’est plus le même. Je m’explique. Lors des vacances d’été 2010, j’ai senti que pas mal de gens avaient décroché, ce que font aussi les webzines d’ailleurs, c’est normal. L’été dernier, on était plusieurs à remarquer que les gens avaient tellement été sur FB pendant l’année scolaire (septembre 2009 à juin 2010) que leurs vacances servaient à se déconnecter un peu, passer du temps avec la famille, voyager, lire et même, peut-être, essayer d’être moins devant l’ordinateur.
Et quand ils sont revenus, à la rentrée de septembre, ils n’étaient plus les mêmes. Ils avaient pris des résolutions. Malgré l’instabilité sociale (les grèves, vous vous en rappelez ?) et les affaires (Woerth, anyone ?), FB répondait moins. Je regardais ce que disaient les gens sur leur mur et je voyais que beaucoup n’avaient plus envie d’intervenir. Et puis, au bout d’un an ou deux sur FB, certains s’étaient frittés avec des amis, ou ils voulaient prendre du recul ou ils se demandaient où FB allait. Le film allait bientôt sortir. On ne pouvait plus se mentir et persévérer à croire que l’on faisait partie d’un petit club. La machine nous avait avalés depuis longtemps.
J’aime toujours FB, je ne suis pas prêt d’en partir, c’est un outil de travail indispensable pour moi, surtout vivant à la campagne et n’aimant pas parler au téléphone. Mais je suis un peu tristounet de ne plus y trouver cette communication de 2007-2008, avant que les folles à problème débarquent et commencent à vous faire chier sur ce que vous dites alors que vous, vous n’allez jamais les insulter sur leur mur (là aussi, suivez mon regard).
Du Tumbr ou je meurs!
Tumblr, à côté, c’est comme si l’on redécouvrait la poésie politique de FB du début. Les gens se comportent avec la même politesse que lors du FB old school. Car Tumblr est toujours au stade préliminaire du big bang, quand les gens ont l’impression de faire partie d’un réseau à part, quand le reste du monde ne regarde pas encore ce que vous faites.
Tumblr est une merveille. Je suis né pour ce truc, je crois. Quand on est un admirer comme moi, un peu obsédé par les images depuis toujours, c’est un journal iconographique qui ne cesse de produire du sexe, de l’art, de l’inspiration. Je suis totalement émerveillé par ce que publient les gays sur Tumblr. Si je n’avais pas cette vision de ce qu’ils aiment, si je n’avais pas la preuve tangible de leurs passions, je serais vraiment dans la moquerie, mais là, ils m’impressionnent. Les gays n’ont jamais autant produit d’images qui les décrivent et les définissent. Jamais. Avant, il fallait passer par les artistes gays pour avoir une vision de ce que nous aimions chez nous. Aujourd’hui, c’est le gay lambda qui va faire la plus belle photo de toutes. La manière avec laquelle les gays se montrent sur Tumblr (hors du commerce du cul, ou comment ils se montrent sur les sites de drague) est absolument nouvelle. Bien sûr, il y a beaucoup de sexe et surtout ça, et on voit de tout, du mec bareback au plus gentil/nunuche et plein de films de cul. Mais il y a toute cette génération de kids de 20 ans qui ont élaboré un concept esthétique masculin avec un angle très précis de la beauté masculine.
Il y a des blogs de mémorabilia gay avec des milliers d’images d’archives d’hommes et de revues des années 50 et 60 et même avant. Plein d’images de Playgirl et de revues porno des années 70. Il y a bien sur Androphilia qui déroule sans cesse un tapis d’images qui ont toutes un but idéologique non dit : soit faire connaître des aspects de l’art peu connu, des objets et des sculptures orientales ou de design moderne, mélangé avec des images de porno insolite et des photos d’hommes simplement beaux. Et tout ça dans une perspective de gentillesse absolue, pas du tout comme ces folles américaines qui sont toujours obligées de nous écraser avec leur érudition.
Un de mes préférés est celui d’un kid de 21 ans, Dale Clover, gay et tout, qui poste sans arrêt des images que je veux reprendre. Lui s’est spécialisé dans le skate et tout ce qui tourne autour : les skaters en train de sauter au skate park, en train de parler, en train de fumer, enfin la vie de skater quoi. Avec de temps en temps des photos de cul vraiment bien choisies et des portraits d’hommes. Le tout avec un goût infaillible pour un kid de 21 ans, qui a une justesse constante, déterminée, sans être désagréable non plus.
Il y a Rome is Burning, un de mes Tumblr préférés sur les Blacks, avec une myriade de mecs à poil devant leur glace de salle de bains qui se prennent en photo avec leur iPhone et qui ont des bites tellement belles et des tatouages de dingues qui recouvrent tous leur pecs. Il y a aussi The Adventures of An Endangered Mind, un autre black qui lance des invectives drôles à tout le monde tout en présentant d’autres photos de Blacks superbes, pas dans le genre de la photographie léchée, plutôt des mecs real, ce qui est toujours plus excitant.
Bien sûr, il y a Sissydude, très hipster dans le choix sexuel, pour les gays de 30 ans et plus, drôles, funkys, barbus, avec un twist naturel ou mode.
Il y a Garden qui est un mix de photos entre les mecs naturels et le jardinage ou la vie à la campagne.
Il y a des Tumblr qui n’ont pas d’angle particulier comme Ilikesomuch, Massice Marco, Pollafilia qui sont juste des jumeaux de moi parce qu’on a l’air tout simplement d’aimer les mêmes mecs. Hard & Ruff, c'est pareil, en plus hard.
Dans le genre wild indépendant, il y a Szakall, qui met toujours des images que j’ame, une sorte de Lost And Found sur l’art, les barbes et les vélos (dans cet ordre)/.
Il y a Lovepeaceislam, le Tumbr d’un mec qui ne poste que les plus belles images de l’art musulman, comme pour montrer aux gens que le religion produit des chef d’œuvres et arrêter avec ce délire anti Islam.
Mon idée est de ne pas courir après les nouveaux Tumblr mais plutôt d’évoluer lentement, naturellement. Si je vois que certains ont reblogué une de mes images, je vais voir ce qu’ils font et si ça me plait, je les suis. Tumblr est le plus bel objet de l’image moderne. Il y a Flickr qui est beaucoup plus riche encore (et qui nourrit beaucoup Tumblr), mais les photos sont trop petites et ce n’est pas facile d’utilisation, c’est normal, autrement tout le monde détournerait cette immense banque d’images. Mais Tumblr est beaucoup plus poétique, on picore les images des autres et on prend ce que l’on aime vraiment. Ce déroulé d’image a un rythme et une fluidité, comme quand Androphilia met une série de vases orientaux avec des designs sublimes ou quand il poste une série sur les hommes pakistanais, wow, voilà un truc qui change de ce que l’on nous montre sur ce pays à la télé. Tumblr a aussi pour base le cut-up et l’association d’idées entre les images. On crée des références qui se suivent ou qui s’entrechoquent, c’est du collage dans le sens le plus artistique.
Tumblr est donc le symbole le plus frappant de la popularité de l’image à notre époque. C’est le Youtube de l’image et de la photographie. Avec leurs portables, les gens créent des images inimaginables il y a 20 ans. Par exemple, il y a un grand truc tendance en ce moment chez les gays, ce sont les photos de gays dans la nature. Avant, les portraits d’homosexuels étaient surtout urbains. Les mecs de 20 ou 30 ans sont en train d’imposer des photos qui sont toutes des variantes de promenades dans la nature. Genre, on est 4 ou 5 copains à se promener, et il y a toujours une image d’un visage dans une forêt, ou avec le soleil dans le fond, ou en train de fumer une cigarette sur un chemin de bord de mer. C’est absolument nouveau ! Et ce sont surtout des mecs cool, barbus, no sweat, tranquilles, gentils, sympas. Très loin de l’image habituel du gay qui fait la gueule pour avoir l’air plus sexy. Ces gays sont en train d’élargir au sens propre le décorum de l’image gay et les médias n’ont toujours pas pigé cette immense opportunité de révolution de l’iconographie gay. Ces photos sont gratuites et décrivent cent fois mieux l’évolution visuelle et psychologique de l’homosexualité moderne que ces conneries d’images de modèles de pouffiasses travaillés sur Photoshop qu’on tente de bous faire avaler, de force, comme des oies.
Depuis trop longtemps.
mardi 9 novembre 2010
Le cinéma castré
Encore une histoire toute simple. Comme d’habitude, je passe un week-end à Paris et je vais au cinéma avec mon mari. En général, quand on ne veut pas souffrir, quand on veut vraiment passer un bon moment, on va au MK2 de la Grande Bibliothèque. Mais quand n’a pas envie de se fader la ville, avaler quinze stations de métro, deux changements, la pluie ou le froid, on va à Gambetta.
Et à chaque fois, je me fais avoir. Je suis tellement conne. J’entre dans la salle, on se met dans un coin tranquille ou il n’y a personne qui mange du popcorn avec la bouche ouverte et je suis content d’être au cinéma. Commencent les pubs et on a même de la chance, en ce moment c’est beaucoup moins bête, il y a mêmes des pubs multiraciales pour Microsoft et le Blackberry. Et dès que l’on pénètre dans les bandes annonces des films à venir, il se passe quelque chose.
Le son vient de baisser de 20% au moins. Tout d’un coup. C’était déjà pas fort avant, mais la transition est si brutale qu’on a l’impression d’avoir perdu son audition à cause d’une maladie grave ou pire. Et le souvenir revient. Ah d’accord, c’est le cinéma où les gens ont bridé le son. Déjà ils ont un son numérique DTS, Dolby SR. (c’est marqué sur Internet) mais dans cette salle, il vient de l’écran, comme en 1960. Surtout, on dirait que quelqu’un vient de baisser les curseurs du volume, comme dans les studios d’enregistrement.
C’est le 7ème art, mais plutôt son murmure. Le film commence, c’est Fair Game et le générique s’apparente à un prout qui vient du ciel. Au fur et à mesure que le film avance, le suspense s’effiloche, il n’y a pas de momemtum, c’est comme si le réalisateur et toutes les personnes qui ont travaillé sur le son s’étaient fatigués pour rien. Au lieu de pénétrer dans l’intrigue qui est pourtant très bonne, on est là à sentir que le son est à son minimum, c’est comme une frustration qui vous empêche de vous laisser aller, d’apprécier le film qui vous envahit. On dirait que Naomi Watts parle très doucement en corps 8 s’il vous plait, et Sean Penn, qui passe son temps à gueuler, est aussi révolutionnaire que Tom Hanks.
Vers les deux tiers du film, j’ai déjà un orage noir sur la tête. Je connais l’histoire, j’ai presque envie de sortir. Je suis conscient du comique de la situation, mais je ne trouve pas ça drôle du tout. Je me demande pourquoi les jolis hétéros que j’ai vu dans la salle (et certains sont vraiment des vrais de vrais, pas des bobos du quartier) ne rigolent pas ou ne font pas des remarques quand le vieux qui se lève devant en plein milieu pour aller pisser fait plus de bruit que les explosions tournées pendant la reconstitution de l’invasion en Irak et god knows qu’il y a beaucoup de missiles qui tombent sur ces Arabes.
C’est le cinéma sudued. Moi qui comprends assez bien l’Anglais, il faut que je lise les sous-titres, parfois on perçoit à peine ce que disent les acteurs – et je ne suis pas sourd, je voudrais le mentionner quelque part. Et personne ne dit rien, il n’y a même pas un frémissement d’énervement, on se demande si on a été inclus à notre insu dans une étude scientifique qui consisterait à baisser progressivement le son de la salle pour trouver le point de rupture qui ferait que, enfin, peut-être, mais on peut toujours rêver, quelqu’un se lève et aille à la caisse du cinéma pour dire au patron : « Heu, il y a un problème là, tout le monde s’est endormi car on n’entend rien. Du. Tout. »
Mais personne ne se lève et je suis bloqué à l’intérieur d’une rangée et je n’ai pas envie de déranger trois personnes pour aller faire l’actupien qui s’immole devant le MK2 Gambetta pour que la collectivité bénéficie d’un vrai moment de cinéma. Cet endroit, c’est déjà là où j’avais vu le dernier Star Wars, il y a quelques années, dans une salle qui était plus petite que mon rez-de-chaussée à la campagne et où, tenez-vous bien à l’établi, la lueur du petit panneau rouge de SORTIE DE SECOURS me tapait dans l’œil, plus fort que ce qui venait de l’écran. Star Wars ! Ils sont où les fans de Star Wars pour faire un groupe de protestation sur FB contre la maltraitance du cinéma ?
Et puis c’est quoi cette passivité de cons dans ce pays ? On est en train de regarder un film sur les mensonges de Bush et où Sean Penn exhorte les gens à se soulever, pas seulement quand il y a un nid de poule sur la route, mais pour la justice et quand il sortent du cinéma, il n’y en a pas un pour aller dire gentiment au personnel de ce cinéma qu’il faut apporter un appareil auditif pour comprendre pourquoi l’Irak a été bombardé alors qu’il n’y avait pas d’outils de destruction massive ? Ah, vous préférez regarder la derrière merde d’Ozon ?
Alors, à la fin du film, je suis allé m’acheter du popcorn afin de parler à une des responsables, une femme belle et intelligente, ça se voit tout de suite, à qui j’ai tenu à peu près ce langage : « Heu, bonsoir, on ne vous a jamais dit que le son n’était vraiment pas assez fort ? Non parce que je n’ai pas du tout envie de vous énerver et de prendre le rôle de l’emmerdeur un samedi soir à 22h mais à chaque fois que je viens ici, le son est tellement bas que ça me fout les boules et ça se reproduit à chaque fois et c’est pas normal ». A ce stade, je ne dis même plus ça dans l’espoir que ça change un jour, je parle comme si j’étais dans Brazil. Je suis juste en train d’exprimer un besoin de justice. I need to vent.
Elle me regarde pour savoir si c’est du lard ou du cochon ou si j’ai pas une caméra du Petit Journal derrière moi. Mais elle voit très bien à mon attitude que je suis sérieux comme la mort même si je commence à grignoter mon popcorn pour faire le mec calme. Elle me dit : « C’est vrai, on nous l’a déjà dit, mais on nous a aussi dit que c’était trop fort ».
Oublie. C’est encore un coup des vieux qui aiment leur cinéma atténué. Je sors, il y a 2 bobos pédés qui se disent en se donnant des coups de coude « Ah tu as vu, il a fallu qu’elle aille gueuler encore une fois » et je vois le regard de mon mari qui dit « S’il te plait, ne les tue pas tous ce soir, on et samedi ».
Il y a 15 ans, J’allais à l’UGC Ciné Cité des Halles avec Loïc Prigent et des fois on s’amusait à aller voir un film de nul comme le dernier Chabrol dans une des très grandes salles, bien 300 personnes, pas un siège libre, et au bout de 5 minutes du film, on disait très fort : « QUOI, 5 MINUTES DANS LE FILM ET IL N’Y A PAS D’EXPLOSIONS ??? C’EST QUOI CE FILM FRANÇAIS ? » Et on faisait ça pour leur faire comprendre qu’un film sans explosion au bout de 5 minutes, c’est pas viable quoi. Des fois, je me demande s’il ne faudrait pas programmer Network de Sidney Lumet tous les dimanche soir sur TF1 . La passivité de notre époque. J’aimerais tellement voir des fenêtres s’ouvrir avec des gens qui crient « I'm mad as hell and I won’t take this anymore !!! »
mercredi 3 novembre 2010
Sur la route
Dans de nombreux films, on voit des gens traverser en voiture les étendues de l’Amérique ou d’ailleurs. J’en ai encore vu un hier, « The Private Life of Pippa Lee » dans lequel Rebecca Miller et Keanu Reeves traversent une simili savane du Far West avec un soleil rouge caractéristique. Et à chaque fois, à chaque film, je me demande quand on va enfin voir quelqu’un piler au milieu de la scène et sortir en courant parce qu’il a vu une belle plante sur le côté de la route. C’est le rêve de tous les jardiniers, de s’arrêter pratiquement n’importe où parce qu’une graminée que vous avez remarquée quelques instants auparavant vous intrigue et, tiens, en voilà une qui est juste là sur le côté et vous stoppez illico pour la voir de plus près. C’est une plante que vous n’avez jamais vue, normal, vous êtes loin de la maison et il n’y a personne sur cette route de désert et ce n’est pas comme si vous gêniez la circulation, vous êtes seul et personne n’est dans la voiture à râler parce que c’est la dixième fois que vous faites le coup en une heure.
Vous arrêtez le moteur et vous sortez de la voiture, le regard dirigé vers l’endroit où vous avez vu cette pante et vous descendez dans le fossé pour pénétrer dans le désert. La plante est là, en parfaite santé, c’est une de ces milliers d’espèces qui poussent partout. Elle a attiré votre regard et vous êtes désormais à 50 cm, la tête penchée, pour la voir de plus près. Un gros soupir d’émerveillement. Vous vous agenouillez dans la poussière et les brins d’herbe pour obserser ce qui l’entoure et toucher la base de la terre pour sentir comment sont les racines. S’il y a des fleurs, vous les sentez à tout hasard, s’il y a de jolies feuilles, vous les touchez, doucement. Non, vous ne prenez pas tout de suite votre iPhone pour faire une photo et non, vous twittez encore moins « J’ai trouvé un Chionochloa rubra dans son élément naturel en Nouvelle-Zélande et il y en a plein sur la colline » (140 signes). Vous jubilez plutôt car il fait encore jour et vous avez le temps. En fait, vous êtes venu dans ce coin du monde pour ça.
Car derrière la plante, il y a tout le reste, cette étendue de nature qui se déploie et que vous regardez ensuite à 360°, il n’y a pas de bruit, le vent léger sur les feuilles, à peine, enfin l’air n’est pas statique quoi, et vous êtes le seul à vous arrêter sur cette route. C’est la version jardinage du « Stop the world, I want to get off ! » : je veux descendre de la voiture tout de suite pour voir cette plante ! En plus, il y a des graines partout et comme vous êtes un passionné nerd de dingue, vous avez préparé des petits sacs pour en prendre autant que vous voulez.
Ce genre de descente de voiture peut durer des heures car il y a toujours à 20 mètres une nouvelle plante ou une sous-espèce ou même une autre que vous avez déjà vue mais qui est vraiment en bonne santé, toute belle et solide. Ce sont des plantes complètement sauvages, la plupart vous sont totalement étrangères et vous regardez la terre pour savoir en quoi elle consiste, s’il y a beaucoup de sable ou des cailloux. Bientôt la voiture est très loin et il faut l’arrivée d’un phénomène naturel comme la pluie ou la nuit pour vous faire faire demi-tour, à contre cœur, mais content. Bonne chasse.
Avec tous ces films qui nous ont montré l’intérieur des Etats-Unis et les immenses paysages traversés par les acteurs en voiture ou à cheval, il n’y en a pas un seul ou un personnage se serait arrêté pour cueillir des fleurs. J’ai entendu dire qu’il y a des lois pour interdire aux voitures de s’arrêter sur le bas côté et mon ami Robert m’a raconté que lorsqu’il a traversé un parc célèbre, cet été, la police américaine était très présente et ils ne rigolait pas avec l’idée de pénétrer et donc d’abîmer potentiellement les espaces sauvages. J’espère que ce n’est pas le cas partout. Dans ces road movies, on se demande forcément ce qui se serait passé si Thelma et Louise avaient freiné au bout du premier kilomètre dans une étendue de fleurs comme on en trouve dans le Namaqualand à un moment précis du printemps. Le plus proche, c’est bien sûr « Into the Wild » où Emilie Hirsch sort vraiment de la route pour pénétrer dans l’inconnu, mais toute personne qui s’y connaît savait déjà qu’il finirait très vite sur une plante toxique (elles sont nombreuses) donc on a pas trop adoré cette partie du film. Après tout, c’est une plante qui tue le personnage principal.
Ces road movies ne montrent pas les acteurs pénétrer dans la prairie, la savane ou le désert parce que l’impression moderne, pour tous ceux qui sont nés à la ville et non pas à la ferme, c’est que la nature est dangereuse – et elle l’est. Mais pas au point de redouter de s’arrêter trois heures dans la Garrigue pour regarder de près les plantes merveilleuses et biscornues qui vivent des Corbières à Marseille, par exemple. Dès que ces films montrent des gens qui s’arrêtent quelque part, ça tourne au film d’horreur comme « La Colline a des Yeux » (j’aime le film, ça n’empêche pas). L’idée sous-jacente, c’est qu’il faut conduire d’une traite à travers ces étendue inhabitées et surtout ne pas s’arrêter dans la nature. Si vous sortez de la voiture, vous êtes déjà mort.
Il a souvent été dit que les acteurs du « Projet Blair Witch » n’ont aucune idée de la nature, ce ne sont vraiment pas des castors juniors. Même si l’endroit est hanté, tout le monde devrait savoir que si l’on trouve une rivière, comme c’est le cas dans le film, il suffit de suivre le cours d’eau car il mène toujours quelque part, même si ça prend des jours. Ces kids ne savent pas où sont les étoiles, ils ont tous grandi dans un environnement périurbain et ça donne désormais des amis qui viennent des fois chez moi et qui ne sont pas allés depuis 20 ans dans la forêt (véridique!) et qui, par conséquent, se promènent en caressant négligemment de la main la tête des orties Des orties ! S’il y a bien une plante que tout le monde devrait connaître par cœur, se sont les orties.
Quand je vais quelque part en voyage, j’ai réellement besoin de quitter l’hôtel ou l’endroit où je me trouve pour aller voir les plantes qui poussent au bord de la route ou dans les terrains vagues qui ne sont pas loin. Je fais déjà ça sur la plage en regardant les cailloux. C’est pour ça que j’ai ce problème de plus en plus avec les villes, c’est qu’il n’y a rien à voir de ce côté. Mon rêve serait de passer 15 jours dans une cabane d’un grand ranch où il faut plusieurs heures pour y aller en cheval ou en voiture et rester là, au bord d’une petite rivière, à quadriller tout l’espace autour de la cabane en regardant ce qui pousse.
J’ai un ami qui m’a dit un jour que ce serait une bonne idée de faire la route entre Dallas et Marfa au Texas, tout ça afin de s’arrêter dans toutes les stations d’essence sur le chemin pour regarder les gens et surtout les hommes. Pour finir chez Donal Judd et James Dean. Je trouvais cette idée géniale surtout parce que je savais que j’aurais l’occasion de m’arrêter plusieurs fois sur le bord de la route. Il y a des milliers d’endroits comme ça à travers le monde et même en France et je sais que je ne les ferai pas, ou plus beaucoup, parce que le temps passe vite et il y a des rêves plus urgents à réaliser avant que ce ne soit trop tard. Ce sont des choses qu’il faut faire seul ou avec quelqu’un qui est vraiment passionné par la nature, et il y en a de moins en moins. OK, il y a de plus en plus de monde qui jardine, et c’est formidable. Mais la modernité de la vie a changé l’identité même de la nature. Des événements comme la Course du Rhum sont des hérésies pour moi, une sorte de machination de l’industrie de la mer, qui a toujours un délire de domination économique des océans. Je sais pas pourquoi je dis ça ici, je déteste ce truc de Bretons.
Désormais, des millions de personnes à travers le monde font des randonnées à pied ou à cheval et toute cette immense philosophie acquise n’est représentée par personne, à part, OK, la photographie. Je ne sais pas s’il existe l’équivalent d’un John Muir, mais il doit y en avoir. En tout cas, la prochaine fois que vous prenez la voiture, essayez au moins de regarder ce qui pousse sur le bord de la route (pas d’accident quand même). C’est hallucinant ce qu’on y trouve. On pourrait faire un jardin entier uniquement avec ces plantes. C’est la base botanique de tout.
mercredi 27 octobre 2010
Les 3 principes
C’est à partir de maintenant que l’on commence à remarquer les feuillages persistants panachés que l’on n’a pas regardés le reste de l’année parce que c’est comme ça, pendant l’été, il y a tellement de fleurs et de plantes beaucoup plus belles. A la rigueur, au soleil, on se demande même pourquoi on a choisi des feuillages panachés, comme si ces fusains et ces houx paraissent ternes et ennuyeux. On ne les apprécie plus, on se demande pourquoi on les a plantés.
Mon ex Jean-Luc me disait que tous les jardiniers savent que ces feuillages éclairent le jardin. Moi j’avais mes préjugés d’idiote et j’avais décidé que les panachés avaient un côté préfabriqué qui m’énervait dans le jardin. J’en avais tellement marre des éléagnus que j’élargissais cet énervement à tous les feuillages persistants panachés. J’ai compris dès l’année suivante que j’avais tort.
C’est Jean-Luc qui m’a imposé la majeure partie des persistants panachés de mon jardin et je vois chaque année à quel point il a eu raison de me forcer la main. J’ai un bout de haie de houx panachés dans laquelle on trouve un ou deux pieds de la version aux feuilles ourlées et piquantes, un truc fascinant qui demande que l’on s’approche pour voir ces feuilles toutes différentes, avec des dizaines de variantes sur un même pied. J’ai des fusains panachés qui sont les seuls arbustes qui poussent bien à la base d’une grande haie mitoyenne de charmes, avec des racines qui pompent toute l’eau en été. J’ai des fusains miniatures qui sont vendus trois fois rien dans les catalogues comme Briant et que l’on ne voit pas du tout le reste de l’année et qui deviennent un point focal en hiver. Et bien sûr un érable "Flamingo" que Jean-Luc m’a offert qui est au fond d’une mini-clairière dans ce qui reste du petit bosquet entourant la maison avant les travaux, il y a 9 ans. Chaque année, certains papillons blancs (surtout des piérides du chou) se cachent tout l’été sur ses feuilles, en plein mimétisme. Dès qu’on s’approche de l’arbre, 10 papillons se mettent à voler.
Ces buis panachés, ces pittosporums, ces fougères persistantes, ces heuchères, ces euphorbes sont aussi des plantes qui sont faites pour briller la nuit. Il y a de plus en plus de jardiniers qui arrangent leurs espaces pour être beaux le soir, quand il rentrent du travail. Ils peuvent alors apprécier le jardin ou la terrasse dont certaines fleurs s’épanouissent la nuit, avec des parfums particuliers qui attirent les insectes nocturnes, ou de grands pétales de fleurs qui accrochent la moindre lueur nocturne. Quand le clair de lune est important, et pour moi il n’est jamais aussi puissant qu’en hiver, quand l’air est froid, alors ces plantes persistantes panachées prennent toute leur importance. Pareil pour les topiaires, c’est en hiver que leur graphisme ressort.
Un article du Wall Street Journal parlait de cette nouvelle tendance du jardinage : choisir les feuilles, les fleurs ou les herbes qui sont belles le jour, bien sûr, mais qui le sont aussi la nuit. Il y a un livre sur ça, "The evening garden : Flowers and Fragrance from Dusk till Dawn". Une des recettes principales consiste à choisir des fleurs blanches (évident) qui seront visibles la nuit, même sans éclairage, alors que les fleurs foncées ne se verront pas. Il n’est pas question de planter un jardin tout blanc, ça c’est déjà fait et c’est joli mais bon, l’idée ici est plutôt de placer ces plantes à des endroits stratégiques comme à côté de la porte d’entrée de la maison, à l’entrée du jardin, à côté de la voiture, au fond d’une allée, à côté d‘un endroit casse gueule, bref tous les coins qui servent de repère car il faut s’imaginer dans le noir en arrivant chez soi. Ou en se promenant la nuit dans le jardin sans lampe. Cela permet d’évaluer de loin où on est, de faire attention là où on marche (comme un panneau signalétique) ou alors tout simplement d’attirer le regard pour donner envie de s’approcher. Un gros hortensia Annabelle, je vous assure, ça se voit la nuit de très loin.
En hiver, quand il fait froid, ces feuillages sont ce qui est le plus beau dans le jardin, avec les écorces et les graminées. Un autre article qui m’a appris beaucoup de choses que je tentais de faire, au pif, depuis deux ans. La news principale de The Garden (septembre 2010) nous rappelle que les deux derniers hivers ont été si rudes que les Anglais évaluent tout ce qui a grillé dans les parcs et les jardins privés. Désormais, je ne renouvelle plus les plantes qui n’ont pas résisté à ces deux hivers. Quand j’ai vu les lavandes et les romarins geler, ainsi qu’un pittosporum ramené du Cap Ferret en… 1995, je me suis dit qu’il n’y avait rien à faire car ces hivers montrent les limites des plantes méditerranéennes que l’ont met trop souvent dans les jardins d’aujourd’hui. Les agapanthes qui meurent, certains thyms rampants, à la rigueur cela ne sert à rien de les protéger du gel quand le sol est constamment à -10° pendant plus de 15 jours. Bien que, à 1 kilomètre de chez moi, les agaves de mon ami Ray ont grillé, mais sont reparties en flèche de la base, même sans protection.
Nous sommes trop tentés par des plantes qui ne sont pas du coin du tout et forcément, un hiver dur arrive un jour et brule un sujet qui a grandi, que l’on aime, auquel on s'est attaché. Il y a des gens qui emmitouflent leurs plantes, je n’ai pas de problème avec ça, mais je préfère avoir des plantes qui survivent au froid. Certains aiment ça, c’est connu, les pommiers ont besoin de ce froid comme certains rosiers. Je trouve qu’un jardin doit être mis à la rude parce que c’est un moyen de tester sa résistance (un mot, comme « hardy » en anglais, qui a plein de sens différents). Je m’imagine toujours avec une jambe (ou deux) cassée : que se passerait-il dans le jardin ? Les plantes seraient-elles capables de vivre sans soin ?
Ce que j’essaye de faire chez moi, surtout depuis que j’ai eu ce petit problème cardiaque il y a 2 ans, c’est de laisser le jardin pendant un an ou deux pour voir ce qui survit et qui apprécie même le manque de soins. Il y a des plantes qui n’ont pas du tout envie qu’on les dérange comme les miscanthus et parmi eux je sélectionne ceux qui sont les plus résistants à tout, comme à la sécheresse. J’arrose beaucoup moins qu’il y a 6 ou 7 ans, d’abord parce que mon jardin s’est installé, mais surtout parce que j’ai complètement mis de côté l’idée d’arroser tous les soirs en été. Je ne choisis que des plantes qui répondent à l’idée du « xeriscaping », cette autre manière de faire du jardinage pour limiter l’usage de l’eau. J’ai trouvé ce terme pourtant pas nouveau dans un papier du Wall Street Journal (encore). Fini donc le rêve d’avoir un bosquet de gunneras comme j’avais vu chez les Lalanne il y a 30 ans. Même mes osmondes royales, je vais les sortir de terre et les mettre dans des pots pour qu’elles aient leur propre réserve d’eau. Les hortensias ? Il n’y a qu’un endroit chez moi pour en mettre. Même les paniculatas, il faut les surveiller tellement c’est sec ici. L’article du WST raconte que certaines municipalités encouragent le gens à devenir « xériques (du mot latin qui dit sec) et donnent de l’argent aux jardiniers qui remplacent leurs pelouses. A Austin, au Texas, la ville donne 20 à 30$ par 100 mètres carrés convertis. La ville de Peoria dans l’Arizona a lancé un programme en 2009, offrant jusqu’à 715$ pour se débarrasser des pelouses afin d'y mettre des plantes plus adaptées à la sécheresse ou même des variétés de gazon qui résistent mieux à la chaleur
Aux Etats-Unis, les gens sont tellement obsédés par leurs pelouses que cela engloutit des milliers de dollars dans le budget d’une maison, rien que pour l’eau et les produits qu’ils mettent pour que ça soit bien vert. Selon un point de vue de Kevin McCoud publié dans The Garden, les Anglais déversent 7300 tonnes de pesticides, fongicides et herbicides dans les jardins. 45% des anglais qui possèdent un bout de terre utilisent des produits pour leurs pelouses. J’ai lu récemment combien les Américains et les Anglais dépensent pour leurs pelouses et je ne retrouve pas cet article, ça m’énerve, il y a plein de magazines par terre dans ma chambre - il doit être sous mon nez. Bref, je ne sais pas combien les Français dépensent non plus, moi je laisse ma pelouse griller. Je n‘arrose jamais jamais jamais ma pelouse. Moins je tonds et plus je suis content. Mais le conformisme urbain fait que tout le monde copie le voisin et la pelouse est le signe par excellence du succès social. Il faut que ça soit vert, bien tondu, enrichi, scarifié, désherbé, ressemé aux endroits abîmés, des tâches affreuses et totalement boring à faire dans un jardin.
Alors, les Américains transforment leurs pelouses en potager ou en aire libre, avec des arbustes et des vivaces, des plantes qui enrichissent la flore et la faune, mais c'est une toute petite minorité car les voisins sont en colère ! L’article du WST raconte qu'ils protestent car cela fait tâche dans l’uniformité sociale de leur quartier (il faudrait qu’ils parlent de ça dans Desperate Housewifes, ça serait drôle) et il y a beaucoup de municipalités qui interdisent carrément à leur habitants de concevoir des jardins qui donnent l’impression d’être abandonnés. Ils ne le sont pas, bien sûr, ils sont juste touffus et libres, avec des plantes qui s’abritent les unes les autres et donc résistent mieux au soleil, au vent et à la sécheresse.
Donc pour moi, les trois principes du jardinage sont : résistance à la sécheresse, beauté la nuit et surtout en hiver. Ce qui m’intéresse le plus, c’est quand je m’imagine dans mon jardin. Pas en été mais en hiver, en plein froid pendant une nuit calme de clair de lune, avec un bonnet et une couverture polaire et, allez, tiens, une cigarette, juste une. Même sans givre, sans neige, tel quel, le jardin doit être le plus beau pour les mois les plus tristes de l’hiver. Après tout, c’est facile d’avoir un joli jardin au printemps et en été, même en automne. Mais en hiver ? Pour moi, c’est la saison la plus importante. Par exemple, je suis fou amoureux des anemanthèles lessoniana, elles ont été magnifiques pendant deux ans, j’étais sur le point d’en mettre partout car en plus ça se ressème beaucoup ces choses, et deux hivers rudes sont passés par là. Pratiquement toutes sont mortes, normal, elles viennent de Nouvelle-Zélande je crois. Depuis, je n’ose plus en planter. C’est comme une sorte de passion coupée en plein vol. Bong. Par terre. Il faut être fidèle à ses principes.
vendredi 22 octobre 2010
Yann Arthus Bertrand m'écrit
Vous savez, c’est comme le spam qui fait rigoler nerveusement tout le monde. Après la femme africaine qui vous assure que c’est tout à fait Kasher de virer 18.000 euros sur le compte en banque de quelqu’un que vous n’avez jamais vu, et après le spam au ton faussement intime du fourgueur de Viagra (Bonjour, J'ai commencé a prendre des bonnes décisions il y a quelques mois et même si j'avais des doutes, je suis content du résultat car je peux le dire : Ca MARCHE. Ca m'aide a chaque fois a être prêt quand il le faut et jamais plus je ne rate une occasion et vu que je sors comme un fou, c'est extra. C'est 100% discret. Bonne semaine. Alain). Voici un spam écolo de Yann Arthus Bertrand que j’ai reçu il y a plus de 10 jours pour m’inviter à rejoindre une manif écolo sur le Parvis de l’Hôtel de Ville à Paris. Ce mec est toujours en train d’essayer de nous vendre quelque chose.
D’abord, je ne lui ai rien demandé à celui-là. Quand on est au stade d’avoir sa propre marionnette aux Guignols de l’info, aux côtés de Nicolas Hulot, cela veut dire qu’on est parvenu à provoquer un niveau d’énervement national qui mérite d’être un objet de dérision. A chaque fois, on voit Yann Arthus Bertrand échanger des clichés à vendre au plus haut prix avec son copain d’Ushuaia et on voit bien que l’argent est au centre de la moquerie. C’est devenu un leitmotiv des Guignols, ce qui veut dire qu’on en a marre de le voir, qu’il devrait se casser ou faire les choses différemment. Une partie du public français exprime sa colère à travers les Guignols. Si on n’avait pas cet exutoire, on deviendrait tous fous.
Tout le monde a déjà écrit sur cette manière si particulière qu’a Yann Arthus Bertrand pour pénétrer (d’en haut) dans notre vie sans qu’on lui ait demandé quoi que ce soit. Quand je vais au Luxembourg, j’espère autre chose que ces immenses photos débiles sur les grilles, comme si la beauté de ce parc ne suffisait plus, quelle honte. Sa surexposition à la télé en a fait une personne que tout le monde connaît, un visage tout de suite identifiable. Derrière cet « engagement » écolo, il y a une carrière et du fric. A la rigueur, s’il s’amuse à faire de l’argent sur l’écologie, c’est pas nouveau, mais avons-nous besoin d'être à ce point témoins de la magouille ?
Ce qui m’énerve encore une fois, c’est ce besoin d’avoir toujours plus d’argent quand on est riche. Je n’ai rien contre les Arthus Bertrand, j’ai été ami avec son frère Pascal Arthus Bertrand qui a toujours été étonnamment gentil et poli avec moi pendant toutes ces années au Palace, et puis on a rencontré le même homme dans les années 90. Pour moi, le nom de la famille était associé à ce magasin anachronique dans les années 70 à Saint Germain des Près, quand j’habitais pratiquement à 40 mètres, cette boutique très vieille, tout en bois, où personne n’entrait jamais, avec des vieilles médailles dans la vitrine. Une marque à la dérive. C’était joli, poétique, même si on connaissait la signification profonde de ce joaillier des armées et des rois.
Depuis la marque est ressuscitée et le clan Arthus Bertrand est plus prestigieux que jamais. Mais est-il possible de dire stop, quand on reçoit un mail de Yann Arthus Bertrand qui tente de vendre une manif à la maison, chez soi ? C’est quoi ce besoin de profit et de célébrité quand on est déjà riche et trop exposé ? De l’avidité pure et simple ? On s’en fout d’un nouveau rassemblement à la noix devant la mairie de Delanoë, ce parvis est déjà le mouroir culturel et politique de la ville. Toutes les mauvaises initiatives citoyennes viennent s’étaler directement sous les yeux du maire comme s’il était en train de s’exciter derrière les rideaux. Mais je trouve hallucinant qu’un grand bourgeois se permette de se comporter comme une femme africaine qui vous demande de l’argent ou un vendeur de Viagra à la limite de la mafia. Ca me rappelle, dans le jardinage, ce Prince Jardinier qui vend des sécateurs bordés de cuir à plus de 100 euros pièce.
Ces princes et ces grand bourgeois nous vendent des choses chères dont on n’a pas besoin. Et leur marketing est si agressif qu’ils donnent leurs noms à des sous traitants qui nous envoient des mails et demandent notre attention, notre temps, donc notre argent. C’est absolument dingue, dans la période dans laquelle nous vivons, avec tout ce monde dans la rue. Ce mail, aussi anodin soit-il, c’est comme l’affaire Banier, ces gens qui ont tout et qui vous font chier parce qu’ils en veulent toujours plus. Et cette greed, (je trouve que le mot français cupidité n'est pas assez fort) n’est même pas celle des adultes plus jeunes, ceux qui ont moins de 40 ans, qui engrangent pour leur vieux jours. Non, ça vient toujours de personnes de 60 ans qui devraient être déjà à la retraite. Je trouve énervant qu’une partie du pays se demande comment va se passer sa retraite et voir ces vieux riches nous imposer encore leur présence. Ce pays a besoin de nouveaux visages et surtout pas les superbourges avec des noms de nobles, thank you. Ce pays est en crise, il y a plein de personnes comme moi qui sont en train de réaliser qu’elles ne trouveront peut-être plus de travail, ever, et il faut que ce soit la classe A des super riches qui nous nargue avec ses problèmes de fric ? On en a tellement marre des super riches, avec leurs procès, leurs scandales, leurs ventes aux enchères dégoûtantes, leurs magouilles pour gagner toujours plus.
Ou alors tout ce fric, c’est pour nourrir leur entourage qui leur suce le sang, c’est ça ?
jeudi 14 octobre 2010
Le syndrome Safire
What a pen can do. J’écrivais quelque chose et ces mots me sont venus à l’esprit car mon nouveau Paper Mate (quel nom génial) glissait si bien sur le papier que je savais que c’était grâce à lui si j’avais du plaisir à écrire. Et comme d’habitude, les mots qui me viennent à l’esprit sont des slogans anglais. Je sais très bien qu’il y a beaucoup de personnes qui sont très irritées lorsqu’on mélange l’anglais et le français et je me les aliène les uns après les autres dès que j’utilise une bêtise américaine, mais c’est comme ça, je fais ça depuis toujours, je m’en excuse même si vous voulez, mais il y a cette franchise dialectique bien connue qui permet de faire des phrases courtes qui vont à l’essentiel du mot. Par exemple, ces phrases avec des mots à une syllabe. « Otra Otra : I like it so much I say it twice ». « Be as man as you can be ». « Porn is Good ».
Dans le New York Times, il y a cette chronique sur le langage qui est, les trois quart du temps, merveilleuse et drôle à la fois. Ils n’arrêtent pas de décortiquer pourquoi on dit ça et pas ça, pourquoi certains nouveaux mots sont des hérésies merveilleuses. Par exemple, j’ai été personnellement étonné de remarquer depuis 4 ans la résurrection du mot « charmant » par les jeunes. Avant, on ne disait pas « charmant » pour désigner quelqu’un qui est sexy, on utilisait plutôt « bandant ». « Charmant » a toujours été un mot désuet, que l’on n’utilisait même pas à mon époque, à par mon frère Lala qui a jeté son dévolu sur « exquis » depuis toujours et avec qui j’ai eu des discussions sans fin (et amusantes) pour argumenter si c’était un adjectif légèrement trop exagéré dans son expression, un peu comme les gens qui font roucouler le vin dans leur bouche, quelle horreur.
Quand mon ami Fred à qui je fais confiance pour tout ce qui est cutting edge a commencé à utiliser « charmant » pour décrire les beaux mecs qu’il regardait, et que j’ai entendu mes neveux le dire dans un autre contexte (genre « Tu es sexy, mais je vais le dire d’une manière moins soutenue car on est des ados et on n’a pas envie de prendre un mot trop daté des années 90), je me suis dit que les jeunes avaient un drôle de goût pour sauver certains mots de l’oubli. Ca serait intéressant de savoir qui a lancé le mot « charmant » dans les années 2000, puisque ces mots proviennent toujours d’une source précise. Je sais pas non plus s’il existe des chroniques linguistiques de ce type en France, écrites je veux dire, mais pour moi une chronique sur le langage me semble logique dans un grand quotidien anglo-saxon.
Parfois, ces chroniques sont tellement recouvertes de mon Stabilo que je les découpe et je les range dans une boite. J’adore les mots en portemanteaux (don’t we all ?). A force de tout lire en anglais, j’ai fini par comprendre que les mots anglais ont plus d’impact pour moi. Cela ne veut pas dire que je n’aime pas le français, j’adore écrire, surtout à la main. Et j’adore la manière avec laquelle les gens formulent les choses, puisque l’on sait que les jeunes, s’ils n’écrivent plus de lettres, n’ont jamais autant écrit. Je ne parle pas des SMS parce que je ne vais pas pénétrer là-dedans, c’est trop gross. Je parle de la manière d’écrire par email et sur FB et sur Twitter. Il y a plein de livres qui sortent sur ces sujets aux USA, qui expliquent pourquoi et comment, par exemple, on juge nécessaire de n’utiliser que des minuscules. Sur FB, parfois, je fais des blagues en lettres minuscules ou des messages de dude parce que ça a un côté subdued, avec un sous-statement. Dans le genre « hey » ou « beaucoup de chouettes qui hululent autour de la maison cette nuit ». Le fait de mettre un point ou pas souligne encore plus le côté flottant de la phrase, dans de genre « je suis un peu cassé » ou « je m’endors devant mon ordi ».
Le 5 août dernier, Ben Zimmer se demandait comment on disait « on va à la plage » en anglais. En espagnol, on le sait grâce à la chanson, mais en anglais, c’est selon la proximité avec la mer, bien sûr. Dans le New Jersey on dit « down to the shore » parce que l’océan est juste là, et à Baltimore on dit « down the shore", parce que, heu, l’océan et juste là aussi. Le 1er octobre, Ben Zimmer a incorporé l’étrange mot « trifecta » dans une chronique amusante sur les gens célèbres qui disent « nous ». Comme la reine d’Angleterre qui dit « We are not amused » ou comme Thoreau qui avait déclaré (mais ce n’est pas prouvé) : « Le Nous est utilisé par les rois, les éditeurs, les femmes enceintes et les gens qui ont des asticots dans la bouche » (morts, quoi). Donc, nous, l’éditeur de Minorités, avons le droit de parler à la première personne du pluriel. Quelle horreur. « Trifecta », pour revenir au New York Times, veut dire un pari comme un tiercé où il faut prévoir les trois premières places d’une course, dans l’ordre. C’est un terme anglais qui peut être utilisé avec amusement dans une chronique de cuisine, mais encore plus dans la proctologie : « Je lui ai enlevé une trifecta d’hémorroïdes ».
Guido Minisky, avait inventé il y a quelques années, dans ses flyers de clubs, le mot génial « friendlyment », pour finir ses annonces. C’est « gentiment », ou « affectueusement », en franglais. C’est une marque linguistique géniale. Si Facebook déçoit de plus en plus sur les sujets politique, le réseau social reste toujours le creuset de l’humour de Now. Il y a des mecs comme (eeeeek! je ne me rappelle plus qui, il va falloir que je checke mes 4000 amis!) qui se font une spécialité de dire des trucs drôles tout le temps comme « Ma mère dit que ses cuisses deviennent si grosses quelles ressemblent à celles de Beyoncé ». C’est de l’humour deadpan, comme ça, un jet d’écriture sans écriture, du genre je suis drôle même quand je ne fais pas d'effort.
Le 19 mars, Ben Zimmer faisait une démonstration très délicate des utilisations politiques derrière les mots les plus simples du langage : le oui et le non. Le 12 octobre 2009, dans sa première chronique, Zimmer rendait hommage à son prédécesseur, William Safire, bien sûr, disparu un mois plus tôt, qui avait débuté cette chronique le 18 février 1978 avec ces mots extrêmement simples dans un style presque robotique à la Kubrick : « How do you do. This is a new column about language ». Car bien sûr, le grand manitou de ce genre d’obsession linguistique, c’est Safire lui-même. Il y avait bien des connaisseurs qui intervenaient régulièrement dans ses chronique comme Jan Freeman qui, le 31 janvier 2007, se posait cette question fondamentale : « Comment met-on au pluriel la voiture Prius ? » tout en produisant une suite de blagues sur les raisons qui conduisent à marmonner « Mm-humm » quand on a la flemme de répondre à une question. As in, dans l’avion : « Vous voulez un verre d’eau, Monsieur ? » - « Mm-hmm », du genre, j’ai même pas envie de m’emmerder à répondre « Non merci ». Quelle horreur.
Le leader (certains l'appelaient le "dictateur") était bien William Safire (dèjà, quel joli nom !) qui s’est fait une spécialité de décortiquer l’accélération du shortspeak (le 25 mai 2008) de ces dix dernières années, exagéré par le portable et l’ordinateur. Tout en dirigeant le lecteur vers des essais essentiels comme « Linguistic ruin ! LOL ! Instant Messaging and Teen Language » de Sali Tagliamonte et Derek Denis ou des livres comme « Always on : Language in an online World » de Naomi S.Baron.
Le 16 mars 2008, pendant la course aux élections, il décrit comment les prétendants à la Maison Blanche s’adressent à leur public et note que John McCain, le 14 janvier de la même année, avait battu un record en disant 31 fois « Mes amis » pendant un speech. C’est un peu comme compter les 256 voitures qui sont pulvérisées dans « GI Joe », le film.
Le 1er juillet 2009, il s’amuse à décrire ce qui peut être qualifié comme un « moment Aha ! », quand vous avez la preuve d’une conviction bien ancrée, comme, je sais pas moi, quand Delanoë fait un deal avec Chirac pour que certaines poursuites légales disparaissent contre quelques millions.
Le 5 octobre 2008, il fait tout un laïus sur le mot « toxique », qui est devenu si populaire avec la crise financière, quand tout est devenu toxique, des placements en bourse au karma de Madoff. Mon petit avis là-dessus, c’est que Britney Spears avait anticipé (pour une fois) cette mode du tout toxique avec son album de.. 2004.
Une de mes chroniques préférées : le 6 janvier 2009, Safire nous apprend que la ponctuation vocale « Y’know » a culminé chez les jeunes dans les années 80 (c’est vrai, tous mes amis anglais disaient ça non-stop), puis ça a été remplacé par « I mean » (j’ai commis 4 meurtres à cause de ça), puis c’est devenu « Like » (que j’utilise toujours) pour devenir juste « uh ». Comme : « Y’know, j’ai pensé à un truc que tu m’as dit l’autre jour, I mean, c’est pas que j’ai envie d’en parler forcément, like comme si ça t’intéressait, uh ». Bref, chez les jeunes, les mots deviennent de plus en plus courts, bientôt on va avoir un mot qui va dire juste : « d ».
Le 21 novembre 2009, Safire s’emmêle les pinceaux (so to speak) en hésitant entre plein de mots qui pourraient symboliser l’année écoulée. Comme c’est la crise, il finit par admettre son attrait pour « frugalista », une « personne qui vit d’une manière frugale mais reste à la mode et en bonne santé en gardant ses vêtement ou en les échangeant, en achetant des objets d’occasion et en faisant pousser ses propres produits ». C’est le nom de guerre (en français dans le texte) du « guerrier de la récession ». Hey, c’est moi ça ! Safire dit que « frugalista » est plus juste que « recessionista » qui est trop évident.
Enfin, le 19 décembre 2008, Safire se demandait pour quoi le mot « dear » était en train de disparaître des emails et des SMS, alors que ce fut le premier mot de toutes les correspondances amicales ou amoureuses pendant si longtemps. En plus, « dear », « mon cher », « ma chère » est tellement camp ! Et il s’amuse à parler de « séminal », un mot bien connu qui veut dire « créatif ». Ah oui, il se demande aussi si nous sommes en train de développer une génération de « pancake people », des personnes qui ont des connaissances très étendues dans leur domaine, mais manquant de profondeur ? Plein de sujets de réflexion !
J’ai un ami dont la spécialité est d’enfiler des expressions toutes faites, ce qui a le pouvoir de me faire rouler sur le sol. Un autre considère que le mot le plus laid de la langue française, c’est « régal » ou « se régaler ». Comme il est du Sud-Ouest, où on dit ça tout le temps sur la nourriture (enfin, la boulimie plutôt), dès qu’il entend quelqu’un dire « On va se régaler » ou « On s’est bien régalés ! », ce toulousain se tord de convulsions. Chez les gays, on est en plein dans le mot « discriminatoire » comme à la télé, on utilise encore le mot « opus » en croyant que ça fait branché (sur France 24 notamment) alors qu’il FAUT VRAIMENT ARRETER tout de suite de l’utiliser, on s’en moquait déjà en 2002. Quelle horreur.
Cette notion du langage a toujours des connotations sociales. J’ai vu que dès que j’utilise le mot « ronces », il y a des gens autour de moi qui se mettent à crier. Un exemple : si vous dites que vous allez arracher des ronces ou mettre de l’anti-débroussailleur parce que c’est vraiment le seul moyen de tuer le liseron, ils sont capables de faire tout un cinéma de parisien bobo sur le fait que les ronces abritent une diversité d’insectes remarquable et nourrissent les oiseaux et que le liseron fait de très jolies fleurs. Mais on le sait ça ! on est pas débiles ! Nous avons juste décidé (remarquez la 1ère personne du pluriel here) qu’on aurait un jardin sans ronces car nous prenons du Kardegic parce que nous sommes un homosexuel qui a des problèmes cardiaques liées aux traitements VIH et que les ronces ça fait saigner les jambes et que oui, le liseron fait de jolies fleurs, mais il y a au moins 30.000 fleurs qui seraient plus jolies à cet endroit précis, gracias de nada. C’est quoi ces idiotes de Paris qui nous disent que les orties sont géniales ! On le sait ! Mais il y en a partout, c’est pas comme si on attaquait un végétal rare ! Ce sont des plantes coriaces, il y en a plein, c’est comme les barebackers, il y en a assez partout pour qu’on se mette à les défendre ! Quelle horreur!!!