jeudi 14 octobre 2010
Le syndrome Safire
What a pen can do. J’écrivais quelque chose et ces mots me sont venus à l’esprit car mon nouveau Paper Mate (quel nom génial) glissait si bien sur le papier que je savais que c’était grâce à lui si j’avais du plaisir à écrire. Et comme d’habitude, les mots qui me viennent à l’esprit sont des slogans anglais. Je sais très bien qu’il y a beaucoup de personnes qui sont très irritées lorsqu’on mélange l’anglais et le français et je me les aliène les uns après les autres dès que j’utilise une bêtise américaine, mais c’est comme ça, je fais ça depuis toujours, je m’en excuse même si vous voulez, mais il y a cette franchise dialectique bien connue qui permet de faire des phrases courtes qui vont à l’essentiel du mot. Par exemple, ces phrases avec des mots à une syllabe. « Otra Otra : I like it so much I say it twice ». « Be as man as you can be ». « Porn is Good ».
Dans le New York Times, il y a cette chronique sur le langage qui est, les trois quart du temps, merveilleuse et drôle à la fois. Ils n’arrêtent pas de décortiquer pourquoi on dit ça et pas ça, pourquoi certains nouveaux mots sont des hérésies merveilleuses. Par exemple, j’ai été personnellement étonné de remarquer depuis 4 ans la résurrection du mot « charmant » par les jeunes. Avant, on ne disait pas « charmant » pour désigner quelqu’un qui est sexy, on utilisait plutôt « bandant ». « Charmant » a toujours été un mot désuet, que l’on n’utilisait même pas à mon époque, à par mon frère Lala qui a jeté son dévolu sur « exquis » depuis toujours et avec qui j’ai eu des discussions sans fin (et amusantes) pour argumenter si c’était un adjectif légèrement trop exagéré dans son expression, un peu comme les gens qui font roucouler le vin dans leur bouche, quelle horreur.
Quand mon ami Fred à qui je fais confiance pour tout ce qui est cutting edge a commencé à utiliser « charmant » pour décrire les beaux mecs qu’il regardait, et que j’ai entendu mes neveux le dire dans un autre contexte (genre « Tu es sexy, mais je vais le dire d’une manière moins soutenue car on est des ados et on n’a pas envie de prendre un mot trop daté des années 90), je me suis dit que les jeunes avaient un drôle de goût pour sauver certains mots de l’oubli. Ca serait intéressant de savoir qui a lancé le mot « charmant » dans les années 2000, puisque ces mots proviennent toujours d’une source précise. Je sais pas non plus s’il existe des chroniques linguistiques de ce type en France, écrites je veux dire, mais pour moi une chronique sur le langage me semble logique dans un grand quotidien anglo-saxon.
Parfois, ces chroniques sont tellement recouvertes de mon Stabilo que je les découpe et je les range dans une boite. J’adore les mots en portemanteaux (don’t we all ?). A force de tout lire en anglais, j’ai fini par comprendre que les mots anglais ont plus d’impact pour moi. Cela ne veut pas dire que je n’aime pas le français, j’adore écrire, surtout à la main. Et j’adore la manière avec laquelle les gens formulent les choses, puisque l’on sait que les jeunes, s’ils n’écrivent plus de lettres, n’ont jamais autant écrit. Je ne parle pas des SMS parce que je ne vais pas pénétrer là-dedans, c’est trop gross. Je parle de la manière d’écrire par email et sur FB et sur Twitter. Il y a plein de livres qui sortent sur ces sujets aux USA, qui expliquent pourquoi et comment, par exemple, on juge nécessaire de n’utiliser que des minuscules. Sur FB, parfois, je fais des blagues en lettres minuscules ou des messages de dude parce que ça a un côté subdued, avec un sous-statement. Dans le genre « hey » ou « beaucoup de chouettes qui hululent autour de la maison cette nuit ». Le fait de mettre un point ou pas souligne encore plus le côté flottant de la phrase, dans de genre « je suis un peu cassé » ou « je m’endors devant mon ordi ».
Le 5 août dernier, Ben Zimmer se demandait comment on disait « on va à la plage » en anglais. En espagnol, on le sait grâce à la chanson, mais en anglais, c’est selon la proximité avec la mer, bien sûr. Dans le New Jersey on dit « down to the shore » parce que l’océan est juste là, et à Baltimore on dit « down the shore", parce que, heu, l’océan et juste là aussi. Le 1er octobre, Ben Zimmer a incorporé l’étrange mot « trifecta » dans une chronique amusante sur les gens célèbres qui disent « nous ». Comme la reine d’Angleterre qui dit « We are not amused » ou comme Thoreau qui avait déclaré (mais ce n’est pas prouvé) : « Le Nous est utilisé par les rois, les éditeurs, les femmes enceintes et les gens qui ont des asticots dans la bouche » (morts, quoi). Donc, nous, l’éditeur de Minorités, avons le droit de parler à la première personne du pluriel. Quelle horreur. « Trifecta », pour revenir au New York Times, veut dire un pari comme un tiercé où il faut prévoir les trois premières places d’une course, dans l’ordre. C’est un terme anglais qui peut être utilisé avec amusement dans une chronique de cuisine, mais encore plus dans la proctologie : « Je lui ai enlevé une trifecta d’hémorroïdes ».
Guido Minisky, avait inventé il y a quelques années, dans ses flyers de clubs, le mot génial « friendlyment », pour finir ses annonces. C’est « gentiment », ou « affectueusement », en franglais. C’est une marque linguistique géniale. Si Facebook déçoit de plus en plus sur les sujets politique, le réseau social reste toujours le creuset de l’humour de Now. Il y a des mecs comme (eeeeek! je ne me rappelle plus qui, il va falloir que je checke mes 4000 amis!) qui se font une spécialité de dire des trucs drôles tout le temps comme « Ma mère dit que ses cuisses deviennent si grosses quelles ressemblent à celles de Beyoncé ». C’est de l’humour deadpan, comme ça, un jet d’écriture sans écriture, du genre je suis drôle même quand je ne fais pas d'effort.
Le 19 mars, Ben Zimmer faisait une démonstration très délicate des utilisations politiques derrière les mots les plus simples du langage : le oui et le non. Le 12 octobre 2009, dans sa première chronique, Zimmer rendait hommage à son prédécesseur, William Safire, bien sûr, disparu un mois plus tôt, qui avait débuté cette chronique le 18 février 1978 avec ces mots extrêmement simples dans un style presque robotique à la Kubrick : « How do you do. This is a new column about language ». Car bien sûr, le grand manitou de ce genre d’obsession linguistique, c’est Safire lui-même. Il y avait bien des connaisseurs qui intervenaient régulièrement dans ses chronique comme Jan Freeman qui, le 31 janvier 2007, se posait cette question fondamentale : « Comment met-on au pluriel la voiture Prius ? » tout en produisant une suite de blagues sur les raisons qui conduisent à marmonner « Mm-humm » quand on a la flemme de répondre à une question. As in, dans l’avion : « Vous voulez un verre d’eau, Monsieur ? » - « Mm-hmm », du genre, j’ai même pas envie de m’emmerder à répondre « Non merci ». Quelle horreur.
Le leader (certains l'appelaient le "dictateur") était bien William Safire (dèjà, quel joli nom !) qui s’est fait une spécialité de décortiquer l’accélération du shortspeak (le 25 mai 2008) de ces dix dernières années, exagéré par le portable et l’ordinateur. Tout en dirigeant le lecteur vers des essais essentiels comme « Linguistic ruin ! LOL ! Instant Messaging and Teen Language » de Sali Tagliamonte et Derek Denis ou des livres comme « Always on : Language in an online World » de Naomi S.Baron.
Le 16 mars 2008, pendant la course aux élections, il décrit comment les prétendants à la Maison Blanche s’adressent à leur public et note que John McCain, le 14 janvier de la même année, avait battu un record en disant 31 fois « Mes amis » pendant un speech. C’est un peu comme compter les 256 voitures qui sont pulvérisées dans « GI Joe », le film.
Le 1er juillet 2009, il s’amuse à décrire ce qui peut être qualifié comme un « moment Aha ! », quand vous avez la preuve d’une conviction bien ancrée, comme, je sais pas moi, quand Delanoë fait un deal avec Chirac pour que certaines poursuites légales disparaissent contre quelques millions.
Le 5 octobre 2008, il fait tout un laïus sur le mot « toxique », qui est devenu si populaire avec la crise financière, quand tout est devenu toxique, des placements en bourse au karma de Madoff. Mon petit avis là-dessus, c’est que Britney Spears avait anticipé (pour une fois) cette mode du tout toxique avec son album de.. 2004.
Une de mes chroniques préférées : le 6 janvier 2009, Safire nous apprend que la ponctuation vocale « Y’know » a culminé chez les jeunes dans les années 80 (c’est vrai, tous mes amis anglais disaient ça non-stop), puis ça a été remplacé par « I mean » (j’ai commis 4 meurtres à cause de ça), puis c’est devenu « Like » (que j’utilise toujours) pour devenir juste « uh ». Comme : « Y’know, j’ai pensé à un truc que tu m’as dit l’autre jour, I mean, c’est pas que j’ai envie d’en parler forcément, like comme si ça t’intéressait, uh ». Bref, chez les jeunes, les mots deviennent de plus en plus courts, bientôt on va avoir un mot qui va dire juste : « d ».
Le 21 novembre 2009, Safire s’emmêle les pinceaux (so to speak) en hésitant entre plein de mots qui pourraient symboliser l’année écoulée. Comme c’est la crise, il finit par admettre son attrait pour « frugalista », une « personne qui vit d’une manière frugale mais reste à la mode et en bonne santé en gardant ses vêtement ou en les échangeant, en achetant des objets d’occasion et en faisant pousser ses propres produits ». C’est le nom de guerre (en français dans le texte) du « guerrier de la récession ». Hey, c’est moi ça ! Safire dit que « frugalista » est plus juste que « recessionista » qui est trop évident.
Enfin, le 19 décembre 2008, Safire se demandait pour quoi le mot « dear » était en train de disparaître des emails et des SMS, alors que ce fut le premier mot de toutes les correspondances amicales ou amoureuses pendant si longtemps. En plus, « dear », « mon cher », « ma chère » est tellement camp ! Et il s’amuse à parler de « séminal », un mot bien connu qui veut dire « créatif ». Ah oui, il se demande aussi si nous sommes en train de développer une génération de « pancake people », des personnes qui ont des connaissances très étendues dans leur domaine, mais manquant de profondeur ? Plein de sujets de réflexion !
J’ai un ami dont la spécialité est d’enfiler des expressions toutes faites, ce qui a le pouvoir de me faire rouler sur le sol. Un autre considère que le mot le plus laid de la langue française, c’est « régal » ou « se régaler ». Comme il est du Sud-Ouest, où on dit ça tout le temps sur la nourriture (enfin, la boulimie plutôt), dès qu’il entend quelqu’un dire « On va se régaler » ou « On s’est bien régalés ! », ce toulousain se tord de convulsions. Chez les gays, on est en plein dans le mot « discriminatoire » comme à la télé, on utilise encore le mot « opus » en croyant que ça fait branché (sur France 24 notamment) alors qu’il FAUT VRAIMENT ARRETER tout de suite de l’utiliser, on s’en moquait déjà en 2002. Quelle horreur.
Cette notion du langage a toujours des connotations sociales. J’ai vu que dès que j’utilise le mot « ronces », il y a des gens autour de moi qui se mettent à crier. Un exemple : si vous dites que vous allez arracher des ronces ou mettre de l’anti-débroussailleur parce que c’est vraiment le seul moyen de tuer le liseron, ils sont capables de faire tout un cinéma de parisien bobo sur le fait que les ronces abritent une diversité d’insectes remarquable et nourrissent les oiseaux et que le liseron fait de très jolies fleurs. Mais on le sait ça ! on est pas débiles ! Nous avons juste décidé (remarquez la 1ère personne du pluriel here) qu’on aurait un jardin sans ronces car nous prenons du Kardegic parce que nous sommes un homosexuel qui a des problèmes cardiaques liées aux traitements VIH et que les ronces ça fait saigner les jambes et que oui, le liseron fait de jolies fleurs, mais il y a au moins 30.000 fleurs qui seraient plus jolies à cet endroit précis, gracias de nada. C’est quoi ces idiotes de Paris qui nous disent que les orties sont géniales ! On le sait ! Mais il y en a partout, c’est pas comme si on attaquait un végétal rare ! Ce sont des plantes coriaces, il y en a plein, c’est comme les barebackers, il y en a assez partout pour qu’on se mette à les défendre ! Quelle horreur!!!
Longtemps déjà, les ronces envahissent les chemins de la forêt dormante. Rompre le charme Belle est le prince. Ses lèvres délivrent les mots Nous serons heureux.
RépondreSupprimersalut m'sieu didier , ben je vois que l'on s'autorise une big détente avec se post ! heureusement qu'un blog s'adresse d'abord a soi ( se miroir qui nous permettra " un jour " , de voir au fond de soi , ou " au fond des bois " si on vie a la cambrouZe ...ou dans une ville paumé ,comme moi - sourie ).
RépondreSupprimerj'avoue pourtant avoir tout essayé , mais votre bonne humeur se matin n'y a rien changer ...je m'en suis battu les couilles de se sujet ! . et j'avais envie de le dire , pas juste pour faire chier , comme sa " gratos " mais parceque je me suis dit qu'il y allais bien avoir un connard qui me traite de Facho ! et j'avoue sa ma amuser . bon c'est vrai je suis de mauvaise humeur ( sa me rend cynique ).
oh bien sur , pas autant que le rappeur ! mais suffisamment pour trouver ça drôle ( surtout quand sa bande mou ,dans l'air ).non , c'est vrais quoi ! y'a pas comme un air d'embourgeoisement là , qui filtre a l'horizon ? . mais je suis pas très objectif puisque comme je l'ai dit , je suis de mauvaise humeur . épuis sa ne m'empêche pas de vous aimer beaucoup , se moyen détourné le prouve non ? . mais puisque suite a se commentaire je suis sur que je vais me faire décendre
( j'ai pourri l'ambiance ) , je me dit que j'ai raison de m'autoriser un dernier petit cassage de couilles . a par sa m'sieu Didier ! comment aller vous ? apparemment bien ! est c'est tant mieux , parce que pour tout vous dire , c'est se qui m'intéresse le plus " savoir que vous aller bien ! " .
après le reste ,on remplie comme on peu ...faut bien s'occuper , faire genre ( " un genre humain " comme dit cette cher bobo de Brigitte Fontaine - que j'adore quand même ). mais ou allons nous mon cher frère Didier ? ...peu être dans se mur qui nous tant les bras ( avec son beau sourire capitaliste , celui du vainqueur , qui nous a tous baisé ! ). et pour finir ne croyez pourtant pas que je crache dans la soupe , car je ne commettrai pas l'affront d'oublier que vous êtes le seul pédé français que l'on n'entend encore un peu , avant que le silence radio ne soi parvenu a laissé croire qu'être pédé aujourd'hui , c'est faire partie de la bourgeoisie dégénéré de droite comme de gauche . Salutations ( douzi28.05.70 -
Si "charmant" remplace "bandant" c'est qu'il y a comme de l'hypocrisie dans l'air.
RépondreSupprimerhypocrite mais plus joli, c'est peut être dans l'écart entre les deux mots qu'est née la civilisation
RépondreSupprimerDans un blog de Laurent Chambon, sur l'ancien kreukreuscopie de novembre 2008,
RépondreSupprimeril y a une belle photo de vous écrivant en "low-technologie" !
La qualité d'un style...
http://www.laurentchambon.net/2008_11_01_archive.html
RépondreSupprimercharmant est devenu le "sexy" "bandant" populaire aujourd'hui ... c'est vrai, ça m'a toujours fait sourire
RépondreSupprimerby the way, très bonne analyse, chez Didier :)