mercredi 27 octobre 2010

Les 3 principes




C’est à partir de maintenant que l’on commence à remarquer les feuillages persistants panachés que l’on n’a pas regardés le reste de l’année parce que c’est comme ça, pendant l’été, il y a tellement de fleurs et de plantes beaucoup plus belles. A la rigueur, au soleil, on se demande même pourquoi on a choisi des feuillages panachés, comme si ces fusains et ces houx paraissent ternes et ennuyeux. On ne les apprécie plus, on se demande pourquoi on les a plantés.

Mon ex Jean-Luc me disait que tous les jardiniers savent que ces feuillages éclairent le jardin. Moi j’avais mes préjugés d’idiote et j’avais décidé que les panachés avaient un côté préfabriqué qui m’énervait dans le jardin. J’en avais tellement marre des éléagnus que j’élargissais cet énervement à tous les feuillages persistants panachés. J’ai compris dès l’année suivante que j’avais tort.
C’est Jean-Luc qui m’a imposé la majeure partie des persistants panachés de mon jardin et je vois chaque année à quel point il a eu raison de me forcer la main. J’ai un bout de haie de houx panachés dans laquelle on trouve un ou deux pieds de la version aux feuilles ourlées et piquantes, un truc fascinant qui demande que l’on s’approche pour voir ces feuilles toutes différentes, avec des dizaines de variantes sur un même pied. J’ai des fusains panachés qui sont les seuls arbustes qui poussent bien à la base d’une grande haie mitoyenne de charmes, avec des racines qui pompent toute l’eau en été. J’ai des fusains miniatures qui sont vendus trois fois rien dans les catalogues comme Briant et que l’on ne voit pas du tout le reste de l’année et qui deviennent un point focal en hiver. Et bien sûr un érable "Flamingo" que Jean-Luc m’a offert qui est au fond d’une mini-clairière dans ce qui reste du petit bosquet entourant la maison avant les travaux, il y a 9 ans. Chaque année, certains papillons blancs (surtout des piérides du chou) se cachent tout l’été sur ses feuilles, en plein mimétisme. Dès qu’on s’approche de l’arbre, 10 papillons se mettent à voler.

Ces buis panachés, ces pittosporums, ces fougères persistantes, ces heuchères, ces euphorbes sont aussi des plantes qui sont faites pour briller la nuit. Il y a de plus en plus de jardiniers qui arrangent leurs espaces pour être beaux le soir, quand il rentrent du travail. Ils peuvent alors apprécier le jardin ou la terrasse dont certaines fleurs s’épanouissent la nuit, avec des parfums particuliers qui attirent les insectes nocturnes, ou de grands pétales de fleurs qui accrochent la moindre lueur nocturne. Quand le clair de lune est important, et pour moi il n’est jamais aussi puissant qu’en hiver, quand l’air est froid, alors ces plantes persistantes panachées prennent toute leur importance. Pareil pour les topiaires, c’est en hiver que leur graphisme ressort.
Un article du Wall Street Journal parlait de cette nouvelle tendance du jardinage : choisir les feuilles, les fleurs ou les herbes qui sont belles le jour, bien sûr, mais qui le sont aussi la nuit. Il y a un livre sur ça, "The evening garden : Flowers and Fragrance from Dusk till Dawn". Une des recettes principales consiste à choisir des fleurs blanches (évident) qui seront visibles la nuit, même sans éclairage, alors que les fleurs foncées ne se verront pas. Il n’est pas question de planter un jardin tout blanc, ça c’est déjà fait et c’est joli mais bon, l’idée ici est plutôt de placer ces plantes à des endroits stratégiques comme à côté de la porte d’entrée de la maison, à l’entrée du jardin, à côté de la voiture, au fond d’une allée, à côté d‘un endroit casse gueule, bref tous les coins qui servent de repère car il faut s’imaginer dans le noir en arrivant chez soi. Ou en se promenant la nuit dans le jardin sans lampe. Cela permet d’évaluer de loin où on est, de faire attention là où on marche (comme un panneau signalétique) ou alors tout simplement d’attirer le regard pour donner envie de s’approcher. Un gros hortensia Annabelle, je vous assure, ça se voit la nuit de très loin.

En hiver, quand il fait froid, ces feuillages sont ce qui est le plus beau dans le jardin, avec les écorces et les graminées. Un autre article qui m’a appris beaucoup de choses que je tentais de faire, au pif, depuis deux ans. La news principale de The Garden (septembre 2010) nous rappelle que les deux derniers hivers ont été si rudes que les Anglais évaluent tout ce qui a grillé dans les parcs et les jardins privés. Désormais, je ne renouvelle plus les plantes qui n’ont pas résisté à ces deux hivers. Quand j’ai vu les lavandes et les romarins geler, ainsi qu’un pittosporum ramené du Cap Ferret en… 1995, je me suis dit qu’il n’y avait rien à faire car ces hivers montrent les limites des plantes méditerranéennes que l’ont met trop souvent dans les jardins d’aujourd’hui. Les agapanthes qui meurent, certains thyms rampants, à la rigueur cela ne sert à rien de les protéger du gel quand le sol est constamment à -10° pendant plus de 15 jours. Bien que, à 1 kilomètre de chez moi, les agaves de mon ami Ray ont grillé, mais sont reparties en flèche de la base, même sans protection.

Nous sommes trop tentés par des plantes qui ne sont pas du coin du tout et forcément, un hiver dur arrive un jour et brule un sujet qui a grandi, que l’on aime, auquel on s'est attaché. Il y a des gens qui emmitouflent leurs plantes, je n’ai pas de problème avec ça, mais je préfère avoir des plantes qui survivent au froid. Certains aiment ça, c’est connu, les pommiers ont besoin de ce froid comme certains rosiers. Je trouve qu’un jardin doit être mis à la rude parce que c’est un moyen de tester sa résistance (un mot, comme « hardy » en anglais, qui a plein de sens différents). Je m’imagine toujours avec une jambe (ou deux) cassée : que se passerait-il dans le jardin ? Les plantes seraient-elles capables de vivre sans soin ?

Ce que j’essaye de faire chez moi, surtout depuis que j’ai eu ce petit problème cardiaque il y a 2 ans, c’est de laisser le jardin pendant un an ou deux pour voir ce qui survit et qui apprécie même le manque de soins. Il y a des plantes qui n’ont pas du tout envie qu’on les dérange comme les miscanthus et parmi eux je sélectionne ceux qui sont les plus résistants à tout, comme à la sécheresse. J’arrose beaucoup moins qu’il y a 6 ou 7 ans, d’abord parce que mon jardin s’est installé, mais surtout parce que j’ai complètement mis de côté l’idée d’arroser tous les soirs en été. Je ne choisis que des plantes qui répondent à l’idée du « xeriscaping », cette autre manière de faire du jardinage pour limiter l’usage de l’eau. J’ai trouvé ce terme pourtant pas nouveau dans un papier du Wall Street Journal (encore). Fini donc le rêve d’avoir un bosquet de gunneras comme j’avais vu chez les Lalanne il y a 30 ans. Même mes osmondes royales, je vais les sortir de terre et les mettre dans des pots pour qu’elles aient leur propre réserve d’eau. Les hortensias ? Il n’y a qu’un endroit chez moi pour en mettre. Même les paniculatas, il faut les surveiller tellement c’est sec ici. L’article du WST raconte que certaines municipalités encouragent le gens à devenir « xériques (du mot latin qui dit sec) et donnent de l’argent aux jardiniers qui remplacent leurs pelouses. A Austin, au Texas, la ville donne 20 à 30$ par 100 mètres carrés convertis. La ville de Peoria dans l’Arizona a lancé un programme en 2009, offrant jusqu’à 715$ pour se débarrasser des pelouses afin d'y mettre des plantes plus adaptées à la sécheresse ou même des variétés de gazon qui résistent mieux à la chaleur

Aux Etats-Unis, les gens sont tellement obsédés par leurs pelouses que cela engloutit des milliers de dollars dans le budget d’une maison, rien que pour l’eau et les produits qu’ils mettent pour que ça soit bien vert. Selon un point de vue de Kevin McCoud publié dans The Garden, les Anglais déversent 7300 tonnes de pesticides, fongicides et herbicides dans les jardins. 45% des anglais qui possèdent un bout de terre utilisent des produits pour leurs pelouses. J’ai lu récemment combien les Américains et les Anglais dépensent pour leurs pelouses et je ne retrouve pas cet article, ça m’énerve, il y a plein de magazines par terre dans ma chambre - il doit être sous mon nez. Bref, je ne sais pas combien les Français dépensent non plus, moi je laisse ma pelouse griller. Je n‘arrose jamais jamais jamais ma pelouse. Moins je tonds et plus je suis content. Mais le conformisme urbain fait que tout le monde copie le voisin et la pelouse est le signe par excellence du succès social. Il faut que ça soit vert, bien tondu, enrichi, scarifié, désherbé, ressemé aux endroits abîmés, des tâches affreuses et totalement boring à faire dans un jardin.
Alors, les Américains transforment leurs pelouses en potager ou en aire libre, avec des arbustes et des vivaces, des plantes qui enrichissent la flore et la faune, mais c'est une toute petite minorité car les voisins sont en colère ! L’article du WST raconte qu'ils protestent car cela fait tâche dans l’uniformité sociale de leur quartier (il faudrait qu’ils parlent de ça dans Desperate Housewifes, ça serait drôle) et il y a beaucoup de municipalités qui interdisent carrément à leur habitants de concevoir des jardins qui donnent l’impression d’être abandonnés. Ils ne le sont pas, bien sûr, ils sont juste touffus et libres, avec des plantes qui s’abritent les unes les autres et donc résistent mieux au soleil, au vent et à la sécheresse.

Donc pour moi, les trois principes du jardinage sont : résistance à la sécheresse, beauté la nuit et surtout en hiver. Ce qui m’intéresse le plus, c’est quand je m’imagine dans mon jardin. Pas en été mais en hiver, en plein froid pendant une nuit calme de clair de lune, avec un bonnet et une couverture polaire et, allez, tiens, une cigarette, juste une. Même sans givre, sans neige, tel quel, le jardin doit être le plus beau pour les mois les plus tristes de l’hiver. Après tout, c’est facile d’avoir un joli jardin au printemps et en été, même en automne. Mais en hiver ? Pour moi, c’est la saison la plus importante. Par exemple, je suis fou amoureux des anemanthèles lessoniana, elles ont été magnifiques pendant deux ans, j’étais sur le point d’en mettre partout car en plus ça se ressème beaucoup ces choses, et deux hivers rudes sont passés par là. Pratiquement toutes sont mortes, normal, elles viennent de Nouvelle-Zélande je crois. Depuis, je n’ose plus en planter. C’est comme une sorte de passion coupée en plein vol. Bong. Par terre. Il faut être fidèle à ses principes.

4 commentaires:

  1. Il y a 200 mètres de queue à la station service a coté de chez moi et un beau bordel tout autour et lui parle de son jardin ! Quelque part c'est rassurant :o)

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  2. il a trois longueurs d'avance, quand dans quelques années il n'y aura plus une goutte de pétrole il faudra bien revenir aux fondamentaux autant s'y préparer aujourd'hui

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  3. tu rends le jardinage aussi passionnant que la house!

    everlasting respect

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  4. Hey merci. Jérôme, y'a un autre post sur la nature, juste au moment où tu écris ça.

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