mercredi 27 janvier 2010
The Avatar kid
Depuis plus d’un mois, le monde entier commente « Avatar » sous toutes ses coutures et le film étant le blockbuster que l’on sait, chacun a un angle fétiche qui fait que James Cameron est déjà au centre de toutes les polémiques.
En tant que gay, je n’ai pas de problème à soulever sur ce film qui, malgré ses moments « Le Roi Lion » est un truc assez énorme, dans le genre divertissement, pour qu’on soit plutôt conciliant. Je trouve que le casting est parfait, je suis gaga de Giovanni Ribisi depuis « Friends », le suis gaga de Sigourney Weaver depuis toujours. Tous les gays sont en train de devenir dingues de Sam Worthington et je ne suis pas très original, ce mec est incroyable.
La seule chose que je trouve notable, et là c’est un point de vue très pouffiasse gay, mais c’est mon identité aussi, c’est que sur les images du tournage, on voit qu’il n’a pas fait de gym pour son rôle, ce qui est vraiment rare dans le Hollywood d’aujourd’hui. Quand on voit comment Matt Damon est retourné à la gym pour son rôle d’entraîneur poupon d’équipe de rugby dans « Invictus », ou la masse musculaire de Jake Gyllenhall dans le « Prince of Persia » à venir, devenir un bodybuilder est le truc le plus prévisible que peut faire un mec pour monter plus haut dans le box-office. Et on aime ça. Jason Worthington porte des tatouages tribaux sur les bras qui ne sont même pas jolis, une sorte de souvenir de jeunesse probablement, le truc qu’il ne fallait pas faire quand on est bourré à Brisbane, comme ce que l’on voit dans plein de films pornos où l’on se dit que, finalement, le mec serait mieux au naturel. Mais ces tatouages ringards montrent Jason sous un angle encore plus normal, c’est vraiment le mec next door australien. Et on aime ça.
S’il n’a pas fait de gym pour ce film, c’est quand même un sujet de discussion. Cela veut dire que Jason ne pensait pas que son rôle nécessitait des muscles supplémentaires, alors qu’il joue un marine très physique, capable de se battre. Surtout, c’est Cameron qui a dû prendre cette décision, puisque c’est un control freak total, ce qui veut dire que le réalisateur ne voulait pas jouer la carte du mec bodybuildé au point de ne pas pouvoir entrer pas son caisson de transfert avatarien. Les bras de Jason ne sont pas épais et pourtant je m’y connais assez pour savoir que c’est le genre de mec qui prend naturellement du muscle même quand il fait la vaisselle ou qu’il vous sert du poivre fraîchement moulu. Pendant tout le film, il y a des gros plans de son visage et de son corps et j’ai enlevé 35 fois mes lunettes 3D pour le voir mieux, c’est vraiment un acteur qui va nous entrer par tous les pores de la peau.
Maintenant, avançons un peu dans le descriptif. A la fin du premier tiers du film, Jason se laisse pousser ce qu’on appelle une « barbe sincère » et c’est là que l’on comprend l’incroyable angle du casting. Il n’a pas fait de gym pour, sûrement, mettre en valeur cette pilosité si unique chez lui. Sous son t-shirt, les poils de son torse sont tellement à l’aise qu’ils envahissent une partie du cou pour rejoindre le bas de sa barbe. C’est complètement rare dans le cinéma, cette pilosité non contrôlée, et surtout dans un film de cette ampleur où chaque détail est discuté par une équipe de spin doctors. C’est l’équivalent de ce qu’on a commencé à voir dans les années 70, avec des acteurs comme James Caan qui, non seulement étaient poilus sur le torse, mais avaient des épaules et un dos poilus (on voit ça dans « Le Parrain »). Cela ne s’était jamais fait avant pour un leading role. Avant, les seuls acteurs qui avaient du poil sur les épaules étaient, eeeeek !, les bourreaux masqués super gros dans les péplums italiens, toujours sur des échafauds ou à côté d’un bûcher où une princesse était méchamment la proie des flammes.
Le casting de Jason rejoint très clairement le look masculin qui a fait le succès de Jean-Marc Barr dans « Le Grand Bleu », des mecs d’une beauté universelle avec un visage sans défaut, tout rond, avec beaucoup d’émotion, au stade de devenir des symboles d’une époque. D’ailleurs, la très grande majorité des photos de Jason pour « Avatar » le montre comme s’il était dans un timbre poste, un visage fermé dans un cadre très serré, avec plein de bleu autour. C’est le vrai sens du mot icône. Après tout, le producteur du film, Jon Landau a bien résumé ce que je pense : « Ultimately, movies are about a close-up ».
Comme c’est son premier grand grand rôle, personne ne sait comment la carrière de Jason va se dérouler. Mais il a déjà endorsé la dernière pub de Coke Zero dans laquelle il exploite encore son côté boy next door à faire le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle sur la pointe des pieds juste dans l’espoir de passer une nuit avec lui. Les gros plans de ce film ! On dirait vraiment qu’il a un duvet de poils qui remonte de son torse vers le côté droit de son cou et c’est si étonnant qu’on se pince pour savoir si c’est vrai, si on n’est pas en train de projeter sur l’écran ce qu’on a envie de voir (après tout, c’est un film en 3D).
Mais non, le mec a vraiment ces poils et sur sa page FB, avec près de 400 photos (que je ne peux vous montrer sur ce blog puisque depuis hier soir je suis déconnecté de FB, allez savoir pourquoi), on voit bien le détail de son anatomie à chaque fois qu’il pose avec sa chemise blanche ouverte. Pour un film aussi plastoc, Jason représente le degré total du mec naturel. Il ne se lave pas assez (Sigourney Weaver le lui reproche), il ne se rase pas (au début), il commence à être obsédé par cette merveilleuse jungle de Pandora avec toutes ces fleurs et ces frondes non déroulées de fougères de deux mètres de diamètre, sans oublier ces graines en forme de méduses aériennes qui lui font carrément l’amour. Et sur quelle partie du corps ? Sur le torse, là où sont les poils.
Le seul problème des gays avec « Avatar », c’est qu’on aurait préféré que Jason reste sans son avatar, juste pour qu’on puisse le voir davantage au naturel. Il y aurait forcément eu une scène de douche (c’est obligé lol), mais comme le succès de ces films est basé sur la frustration, il faudra attendre un sequel hypothétique pour nous dévoiler plus de détail.
L’analyse gay du film est donc, encore une fois, différente de l’analyse LGBT. Les mecs que nous sommes voient dans « Avatar » une grosse machine à faire du fric, tandis que tout le reste des minorités y voit une représentation de la suprématie masculine blanche américaine. OK, le mec est handicapé puisqu’il a perdu l’usage de ses jambes. Mais c’est pour mieux vous manger mon enfant ! Sur Melanine.org, l’article génial d’Analee Newitz « Quand les Blancs arrêteront-ils de faire des films comme Avatar ? » montre bien que tout le film est basé sur le sujet de la race, ce mot qu’on déteste si farouchement en France. Dans "Should a film show the real world or a better one?" de A.O.Scott du NYT du 23 janvier dernier, on apprend qu’une des grandes critiques vient des groupes anti-tabac qui sont furieux parce que la première apparition de Sigouney Weaver dans le film, c’est de gueuler pour avoir une cigarette. « Where’s my damn cigarette ? » Tout le monde trouve quelque chose à dire sur le film, d’abord parce qu’il a coûté une fortune, ensuite parce que ses bénéfices sont déjà colossaux, et donc le moindre détail prend valeur de symbole.
Quand je suis allé voir « Avatar », je me suis trouvé dans le cliché de la grande salle de Montparnasse, avec 25 kids de banlieue qui venaient voir le film avec leur prof. Ils étaient excités avant même d’entrer dans la grande salle, faisant beaucoup de bruit, des jeunes de 16 ans, blacks à 80%, deux tiers de filles, 1 pédé teenager efféminé obèse. Tous rigolaient beaucoup d’une manière inoffensive, ça se voyait qu’ils étaient contents, c’était une sortie très réussie.
La salle était immense, les kids se sont mis dans le fond, j’étais tranquille assez loin d’eux. Je savais qu’ils allaient faire les cons. Considérant que j’avais déjà trois semaines de retard après le lancement du film en France, je n’avais pas à surévaluer le moment, comme on dit. Après tout, je prenais mon train à Montparnasse quatre heures plus tard pour rentrer chez moi. All is good when you’re leaving Paris.
Vers les deux tiers du film, les méchants sont en train de détruire le grand arbre des Na’Vi et ce que je redoutais est arrivé. Les Na’Vi se sont mis à pleurer, exactement comme dans les images de ce qu’on a vu pour Haïti depuis quinze jours. Et toute la bande des filles antillaises s’est mise à exploser de rire. Plus c’était drama, et plus elles riaient. Elles n’avaient pas compris que la fable du film les concernait, dans un sens. Ou, peut-être, elles le comprenaient trop bien.
Je sais très bien que c’est ce qui se passe dans tous les films où l’on montre une minorité en train de se faire taper dessus. C’est arrivé pendant « Brokeback Mountain », quand les rires nerveux fusaient pendant les moments les plus tristes du film. Le public rigole nerveusement parce que des sentiments de souffrance sont exprimés, et même si c’est un film de divertissement comme « Avatar », cette moquerie concernait le moment central de l’allégorie écologique. Mais ce qui faisait rire ces filles, c’était les cris de la She-goddess, la femme noire qui a des pouvoirs de vision. La shawoman, si on peut l’appeler comme ça. Il doit y avoir un terme pour décrire ce fonctionnement de l’ironie devant l’anéantissement des peuples. Les Na’Vi, on le sait, c’est un mashup de toutes les peuplades qui ont été décimées par les blancs.
J’adore la sci-fi. J’aime tellement ça que je pourrais regarder des films de sci-fi tout le temps. Devant un cinéma, si je peux choisir entre un film de sci-fi et un autre genre, je vais naturellement voir le film de sci-fi (ou de gladiateurs ahahah). Je trouve que c’est un genre tourné vers le futur et je sais ce qui m’attire. Bien sûr, je suis un mec donc j’adore les effets spéciaux. Plus ça arrache et mieux c’est. Mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est voir comment l’homme est décrit dans le futur, à quoi il ressemble, comment il se comporte et, finalement, s’il est meilleur. Je ne suis pas particulièrement dingue de James Cameron à cause de « Titanic » que je trouve dodgy. Mais je le respecte énormément pour « Abyss ». Et même si « Avatar » est l’exemple type du film où le héros blanc est un Messie blanc blah blah blah, ce qui est vrai, il y a des messages politiques dans les films précédents de Cameron sur la guerre nucléaire, les armées, l’écologie, la force de la nature et les riches qui sont tous des pourris, et c’est quand même plus large que les films à la con de François Ozon.
Il existe désormais une tendance de meute sur Internet qui fait que, quoi qu’on fasse, il va y avoir un groupe qui va s’offusquer . J’en reviens toujours à « Brüno » où les gays se sont trouvés offensés et le pire, c’est « Hancock », quand des groupes américains se sont mis à crier parce que Will Smith avait des remarques soit-disant homophobes sur le look des héros Marvel. Come on, Will Smith homophobe ?
Peut-être suis-je sensible à ces critiques parce que ça m’est tombé dessus à cause de trois phrases dans « Cheikh » sur les transgenres, mais fondamentalement, je suis effaré de voir comment Internet devient cet élément de meute sur des sujets où même une pointe d’humour n’est plus de l’humour, ne peut plus être de l’humour, ne sera plus de l’humour, comme le décrit dans son livre "You Are Not a Gadget" de Jaron Lanier, qu’il faut absolument que je lise.
Je veux dire, les médias gays sont les premiers à nous diriger comme le proverbial troupeau de moutons de Panurge vers le précipice de la bêtise, avec des questions assez connes qui soutiennent la promo d’un film (« est-ce que Sherlock Holmes est gay ? »). Ou mieux : « est-ce que Kylie Minogue est attirée par les femmes ?». Enfin, Kylie. Tout le monde a interviewé Kylie à un moment ou un autre et tout le monde sait qu’elle n’est pas lesbienne, ni bisexuelle.
J’ai rêvé tarzan, les lianes glissent
RépondreSupprimerS’enroulent
Se perdent dans la forêt tropicale
Faune
Prisonnier, les tatouages sont blessures
En corps
Un monde balance
Fauves
Effraie les oiseaux multicolores
Apesanteur
Coulent les rivières, l’homme revient sur terre
Salut Didier Lestrade,
RépondreSupprimerTout ceci n'aura rien n'a voir avec Avatar. Je t'envoie ça ( en retard de trois mois) par rapport à ton article " de l'homophobie dans le rap " publié, je crois, sur le site " minorité ". Bref, Call me Rantanplan, mais bon, j'avais trouvé cet article très pertinent et je voudrais ajouter un peu d'eau à ton moulin parce que ça m'amuse.
Alors voilà, l'autre jour, une copine m'a demandé de lui expliquer le " no homo" récurent des chansons de Lil'wayne et je lui ai dit ça ( xcuse l'orthographe) :
Lil' Wayne est un bon rappeur américain, typique, il chante les flingues, l'argent, les meufs, les voitures, le sirop pour la toux, la consomation abrutie, les joints, la révolte, la misère, le désepoir, l'amour, etc., comme ont pu le faire nombre de ses prédécesseurs ( de big bill bronzy " you must have this thing they call money" en passant par john lee hoker " shake that thing" ou plus récément schoolly D " mr big dick" , "livin' in the jungle", etc, etc.).
Le "no homo" est devenu une sorte de gimmick très ambigu pratiqué à répétition par Lil'wayne. C'est à dire qu'a chaque fois qu'il dit un truc qui pourrait, selon lui, être interprété comme une allusion homosexuelle, il précise tout de suite pour rassurer son auditoire : "no homo".
Et, d'une manière que je trouve vraiment très comique, il passe son temps à dire "no homo", réussissant à la fois à nous montrer combien il est un homme, un vrai et à la fois combien il est complétement hanté/habité par l'idée de l' homosexualité.
Le gimmick " no homo" marche donc pieds par-dessus tête :
l'homophobie de façade, de convenance, est explosé en mille morceaux par l'utilisation massive et répétitive du gimmick, et se transforme en un genre de ressort comique quasiment gay-friendly.
Bref, avec son "no homo", lil'wayne réussit (consciemment ou inconsciemment, va savoir) le tour de force incroyable de faire des blagues de pédés à son public traditionellement homoéffrayé et aussi à bien faire marrer les pd.
Yo, voilà tout.
a+
Hi Gwyneth
RépondreSupprimerUn peu en retard pour répondre. Quand j'ai vu ton post, l'autre jour, j'ai même pas voulu répondre tout de suite; je me suis dit : "c'est ça". Et je crois qu'on peut même sentir ce feeling chez Lil Wayne sans compter le nombre de fois où il dit "no homo". Le mec a de l'humour et je suis content que cette discussion "no homo" soit récurente dans ses morceaux. J'y suis beaucoup plus sensible, par exemple, que la promo progay de Lady Gaga. D'un côté Lil Wayne prend des risques sur le sujet, tandis que Gaga est très... safe lol.
Anyway, merci, un super bon point.
xxx
Trois semaines plus tard :
RépondreSupprimerBah, de rien, mon plaisir. Je lis de plus en plus Minorités et je tenais aussi à vous dire bravo pour ce boulot ( je suis fan de la chronique de Peggy Pierrot).
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