Le moins qu'on
puisse dire, c'est que depuis plus de 4 mois j'ai fait la promo de
"120BPM". Pendant les débats, je me présente des fois comme l'homme à
tout faire du plan média, le PR non-officiel, la fille facile qui répond
toujours aux interviews. J'y ai beaucoup réfléchi, surtout au début, après Cannes,
quand j'ai vu ce buzz arriver et que la première réaction a été de tout refuser
par réflexe de protection. Et puis, il y a quelque chose avec le cinéma, c'est
une industrie effrayante qui s'infiltre par tous les petits trous et quand on
est sur FB, Twitter, Tumblr et le reste, ce sont finalement des gouffres aussi
grands que celui de Padirac (souvenir d'enfance). Alors j'y suis allé parce que
j'aimais trop le film et que les producteurs étaient sympas, ce qui n'est pas
toujours le cas, surtout en France. Je
considère que c'est mon boulot d'expliquer au public le contexte de ce
film. J'ai pris mon petit sac et j'ai passé pas mal de temps dans le train,
allant là où on me demandait, imaginant que je rencontrerais au passage un
homme pour une nuit ou plus. Rassurez-vous, il ne s'est rien passé, c'est
toujours pareil.
D'abord il y a eu
Saint-Étienne parce que Robin Campillo était là avec Arnaud Valois que je
rencontrais pour la première fois. Réservé, pas distant mais pas
assez proche non plus, ce que je comprends tout à fait, j'étais content de le
voir et il y avait Franck de Mémento que j'apprenais à connaître - un homme
drôle et attentionné, toujours une bonne combinaison. J'étais dans une ville
que j'aime, dormant pour la première fois dans le nouvel appartement de
Rodolphe et son mari Stéphane, encombré de boîtes à rythme, d'instruments de
musique et tout un bordel de dudes. Et deux chats.
La salle était
remplie, il y a eu deux projections simultanées je crois et j'ai revu
"120BPM" pour la seconde fois après Cannes, assis au premier rang
(vraiment trop près de l'écran) avec Rodolphe à qui j'ai tenu la main pendant
tout le film. Pas pour le réconforter, il est assez costaud pour ça mais juste
parce j'en avais envie et ça me rappelait quand on était ensemble. Le débat
avec Campillo et Arnaud fut bien, j'ai compris qu'avec Robin on faisait un bon
tandem, lui abordant les aspects techniques et politiques du film et moi
faisant le clown comme d'habitude. A un moment, Robin a dit un truc qui m'a
désarçonné, ma voix lui rappelait celle de Jean-Luc Godard et j'ai compris ce
qu'il voulait dire, cette diction parfois traînante, cet accent dont on ne sait
pas d'où il vient, une manière de parler sans bullshit. Godard du sida, ça
sonne bien.
Après le film,
personne ne voulait vraiment partir. On est restés une vingtaine au bar du
cinéma, un endroit sympa avec un barman gentil et un assemblage d'amis de
Rodolphe et de jeunes queers du coin tous intéressants, très dans une approche
politique et précaire des sujets gays. La journaliste du Nouvel
Obs qui m'accompagnait regardait ça avec gourmandise, une discussion
entre les jeunes et l'ancien.
Ensuite on est
rentrés à l'appartement de Stéphane et Rodolphe, ce dernier mettant de bons
disques mais un poil trop fort et une nouvelle discussion avec Dominique Thévenot, un daddy que
j'adore qui a tout fait et tout connu, quelqu'un que je mets proche de Nikos Karolas
d'Athènes, ces gays juste un peu plus âgés qui ont toujours des histoires
magnifiques à raconter.
Je n'ai pas fait
les grandes avant-premières à Paris à part celle du cinéma des Lilas car je me
trouvais déjà dans une impression de débordement. Comme je disais plus haut, la
puissance de la promotion du cinéma n'a rien à voir avec ce que je connais, et
god knows que j'ai contribué à des buzz importants dans le passé. J'ai refusé
trop vite les premières invitations de Bordeaux et d'autres villes, pourtant
avec qui j'avais des liens associatifs sincères. Pareil pour le festival de
Douarnenez et le grand festival de formation d'Alternatiba :
j'ai raté de belles occasions de me trouver entouré de jolis hétéros
écolos qui sont au cœur d'un de mes plus grands fantasmes sexuels. Et puis mon
déménagement n'était pas terminé, il y avait des choses dans la maison à jeter
ou à vendre, bref j'avais le sentiment de ne pas pouvoir tout faire.
Présenter un film
et mener un débat ensuite est relativement facile. Le film est en vedette,
c'est lui que le public vient voir donc on a une position de retrait. Mais
quand le film est si émotif, on ne présente pas seulement le cadre d'une œuvre,
on l'accompagne. "120BPM" se termine par un long générique silencieux
qui aggrave la claque reçue pendant la dernière demi-heure et il faut savoir
retourner ce choc en blaguant avec le public. "Ça va, vous avez pas trop
morflé?" est une manière simple et attentive de dire " OK, je vais
essayer de vous aider" et les questions se libèrent plus facilement.
Chaque ville et chaque cinéma sont différents et pour moi, habitué depuis des
années à des débats associatifs où j'attire un maximum de 50 personnes, être
confronté à des salles pleines est une manière excitante de faire un show. Je
commence toujours par des notes amusantes pour finir avec le bazooka. Je
considère que si le public reste jusqu'à la fin du débat, même s'il a raté un
dîner à cause du film qui dure 2h20, il est mûr pour un message fort. C'est à
la base des appels à la révolte ou, au moins, à la riposte.
Dès les premières
projections, j'ai réalisé ce que j'ai dénoncé sur FB, il y a relativement peu
de gays à ces projections. On a beau dire que les avant-premières de l'été ont
attiré beaucoup de gays et que dès la commercialisation du film, ils étaient
nombreux dans les salles. Mais je sais reconnaître quand les gays regardent
ailleurs, j'en ai fait une spécialité de ma carrière. Quand j'arrive dans une
grande ville avec une foule de mecs sur les apps de drague locales, je vois une
démographie d'homosexuels qui n'a pas du tout envie de participer à un débat
sur un film qui est en train de devenir un phénomène culturel. Même parmi ceux
que je connais, il y a encore plein de gays qui ne sont pas allés voir
"120BPM" par crainte d'être confronté à des traumatismes. Ou par pure
flemmardise. Il est donc intéressant de noter que lorsqu'un film réalisé par un
gay avec une équipe d'acteurs remplie de gays affirmés sur un sujet éminemment
gay devient un événement, une partie non négligeable des gays n'y va pas. Et je
suis le seul à pouvoir donner un tel avis car j'ai traversé la France en
plusieurs directions et le constat est le même partout. Le public est largement
formé de femmes de tous les âges, de jeunes, et une petite minorité de gays,
rarement dans la trentaine. Je peux les reconnaître, je regarde le public droit
dans les yeux.
Bayonne
C'est ma ville
préférée en France (je ne connais encore pas assez bien Marseille mais ça va
changer). Bayonne a le don de me remuer, à chaque fois c'est un voyage
spirituel. Txetx m'attend à la gare et comme d'habitude, tout est déjà prêt
quand j'arrive. Plusieurs interviews avec des médias Basques, un grand papier
dans Sud-Ouest où on fait notre coming-out
de "frères militants" et le plaisir de voir tous ces hommes
magnifiques dans le vieux Bayonne. Dès mon arrivée, direction le cinéma
Atalante où deux projections de "120BPM" sont programmées à la suite
dans une salle surchauffée. Il y a Jon Palais de Bizi et le président de l'association
LGBT basque Bascos qui m'accompagnent en introduction du film et pour le débat.
Pendant la projection, pas un moment de répit : signature de livres,
interviews, je commence à avoir la tête qui tourne et puis je revois des amis
pas vus depuis longtemps, Peio et Frédéric Forsans, ces hommes hétéros que
j'adore avec qui je me sens si proche. Au second débat, je suis moins bon, je
commence à fatiguer car le voyage en train du matin commence à se faire sentir.
Il y a un couscous délicieux qu'on mange à table sur le trottoir avec l'équipe
du cinéma à qui je raconte les potins du film à Cannes. Je dors dans
l'appartement de Txetx où un nouveau matelas m'attend dans la chambre d'amis.
Le lendemain,
interview à la librairie Elkar, signature de quelques livres, on m'offre un
livre sur Ramiro Arrue, mon peintre basque préféré. L'après-midi, réunion de
travail avec Bizi sur la stratégie de l'association. Je m'enfonce de plus en
plus dans l'ambiance basque.
Le lendemain,
direction Pau dans le van increvable de Txetx. Au volant, il me lit des
extraits du Guide du pèlerin de Saint Jacques de Compostelle (XIIème siècle) qui décrit le peuple basque comme le pire des obstacles
sur le chemin du pèlérinage. Les Basques sont vus comme le
plus barbare des peuples, sale, obscène, violent, sans culture, vivant comme
des animaux et ça nous fait rire. Je demande à Txetx de ne pas prendre
l'autoroute vers Pau mais plutôt la nationale pour voir la campagne car j'ai
aussi une affection pour le Béarn (on passe pas loin de Salies-de-Béarn où
j'avais passé quelques jours dans la maison de Jacques Renaud et sa femme avec
Robert dans les années 90).
A Pau je suis
accueilli au Méliès par l'équipe du cinéma et Matthieu Lamarque avec qui je
m'entends instantanément. Et puis il y a mon amie Solange, fille de Pau,
peut-être ma première fan féminine, une femme qui me suit depuis des années et
que j'aime énormément, qui a le même accent des Landes que Jean-Marc Arnaudé
qui ne me parle plus depuis dix ans. Cette fois-ci, je lui ai apporté un sac de
noix de mon jardin car la dernière fois, elle était venue avec des cadeaux.
Sachant que je ne voulais pas me trimbaler des objets encombrants, elle
m'apporte un joli petit aimant en métal,
c'est le genre de folk art que j'adore. Les gens m'offrent des cadeaux,
c'est nouveau, et ça me déstabilise. Je ne sais pas quoi dire. La salle du Méliès
est remplie, c'est un beau cinéma et le débat après la projection est
formidable. À deux reprises, je suis au bord des larmes en parlant des migrants
et en faisant le lien avec la crise du sida qu'on a connue. Sur le chemin du
retour, sur l'autoroute dans la nuit, on écoute de la musique et Txetx me
raconte ses histoires de baston indépendantiste quand il était jeune. De retour
chez lui, avec une bière, je lui fais découvrir le clip de "Rapper's
Delight" qu'il n'avait jamais vu alors que c'était un des 2 morceaux de
défouloir total sur lequel ses amis et lui dansaient comme des dingues après
les manifs d'affrontement massif.
Dans mon lit, tout
d'un coup, enfin seul, je sens les larmes qui coulent et je ne peux pas
m'empêcher de pleurer. Depuis la sortie commerciale du film, je reçois sans
cesse des messages sur Messenger des gens qui sortent du film et qui ont besoin
de dire à quel point ils ont été remués. Des gens que je connais mais surtout
des gens que je ne connais pas. Je suis obligé de faire un post sur FB pour
leur demander gentiment de m'envoyer moins de messages. Un mois après Cannes,
c'est le moment de la décompression, je prends conscience du raz de marée
émotionnel qui me tombe dessus. La beauté des hommes basques de Bilbao que je
vois sur Tinder fait le reste. Je suis sur un volcan émotionnel et je suis
seul.
Comme je suis fragile,
Malika m'amène l'après-midi à la plage de Bayonne. On s'aime
beaucoup depuis des années, on parle souvent de l'Algérie et de politique, elle
me montre une photo de son fils qui vit à Paris. Arrivé sur la plage, je vais
directement à l'eau, je ne suis pas allé à la mer de tout l'été et tout va tout
de suite mieux. La mer me recale, me rassure. Chaque voyage au Pays Basque a le
don de me transformer, tous les gens que je rencontre me font du bien, si je ne
vivais pas là où je suis c'est vraiment l'endroit où j'aimerais finir mes
jours. Je suis nourri par les discussions avec tout le monde, c'est un bain
culturel, politique et érotique. J'y trouve la camaraderie entre hétéros et
gays que j'aime tellement.
Ces derniers jours
se terminent avec un défi personnel : il faut vite remonter à Paris pour le 28
Minutes de Arte avec Philippe Mangeot. C'est la seule télé que j'accepte de
faire et je suis très tendu. Mais les retrouvailles avec Philippe que je n'ai
pas vu depuis Cannes sont joyeuses. Dans la loge, j'ai préparé les sujets que
je veux aborder mais je finis par comprendre que nous n'aurons que quelques
minutes à l'antenne. Je n'aurai pas le temps d'exposer mon point. Tant pis, je
me laisse faire et Philippe parle beaucoup, il rentre de vacances et il est
plein d'énergie. Je suis content d'être avec lui même si je n'ai pas pu dire ce
que je voulais.
Tout de suite après,
j'enchaîne et je retrouve ma bande d'amis au Louxor pour voir le film. L'idée
était d'aller à une séance normale, sans tralala ou avant première, juste pour
passer un quality moment ensemble. Il y a Alice et Thomas, Mustapha et son mari,
Jean Christophe, Jean-Luc, Isabelle Meda et Frédéric Gibout que je n'ai pas vus
depuis longtemps, il y a aussi Simon Collet et Stéphane Trieulet. A la fin du
film, deux femmes en pleurs restent dans la salle dont une vraiment bouleversée
que je réconforte d'un geste sur l'épaule. C'est la troisième fois que je vois
le film et il me fait toujours de l'effet. Maintenant je me focalise sur des tout
petits détails. Je commence à dire à tout le monde qu'il faut le voir deux fois
en fait. La première pour absorber le choc, la seconde pour la beauté de
l'ensemble. On passe une bonne soirée chez Alice.
Saint-Denis
Particulièrement heureux de faire une
projection dans cette ville que j'aime par sa mixité et son dynamisme. Lors de
la signature à la librairie Folies d'Encre, je fais un speech parfait, je suis
en forme, il y a beaucoup de monde, beaucoup de femmes. Au cinéma Le Grand
Ecran, je suis accompagné du président d'Aides Île-de-France et de
Madjid Messaoudene, conseiller municipal de la ville. Bon débat où le sujet
principal tourne autour de la tolérance entre les différentes communautés. Je
commence à découvrir des directeurs de salles de cinéma qui m'impressionnent
par leur gentillesse et leur générosité. Je voudrais que ça dure plus
longtemps.
Caen
Quelques jours
plus tard, retour à Caen et cette fois l'université a fait les choses en grand.
650 personnes, je n'ai jamais vu une telle queue pour voir le film. C'est à
partir de Caen que je remarque que le public évolue. Quelques notables, pas mal
de lesbiennes, beaucoup de jeunes, très peu de gays alors que le débat est
organisé avec le centre LGBT de la ville. En terme de foule, Caen est le sommet
de cette tournée, j'ai rarement eu l'occasion de parler à autant de personnes
d'un coup. Il y a quand même beaucoup de monde qui part à la fin du film, mais
c'est tout à fait normal. Tout se passe bien, je rentre chez moi le lendemain
content et inspiré.
Mâcon
Quand je prends le
train vers Lyon ou Mâcon, je suis toujours émerveillé par les paysages que le
TGV traverse à grande vitesse. C'est pratiquement l'endroit de la France que
j'aime le plus regarder, j'aime ses grandes vallées et ses immenses prairies
saupoudrées de vaches blanches, on dirait que la laideur de l'agriculture
moderne n'a pas envahi cette région. En arrivant à Mâcon, le relief se plie et
se contracte, les vignes sont superbes et je suis encore attendu par un autre
directeur de cinéma adorable. La salle n'est pas remplie mais ce n'est pas
grave, parler avec peu de personnes, c'est mon boulot de berger. Le soir, je
dors dans un hôtel un peu trop chic, du coup le matin je me trompe de gare mais
j'arrive à temps à Montpellier où je rencontre un autre directeur de salle de
cinéma formidable, c'est vraiment une série.
Montpellier
C'est une ville
que je connais bien, une partie de ma famille y habite mais mes tantes sont
trop âgées pour venir voir un film pareil, d'ailleurs je ne leur ai pas dit que
j'étais en ville. Au cinéma Utopia, je retrouve Patrick Cardon, toujours
pareil, drôle, grande dame, Hussein Bourgi, Jesse Hultberg et son mari. Il y a
deux projections simultanées car il y a trop de monde. Le débat est super dans
une salle où, pour la première fois, une partie du public ne part pas à la fin
du film. Montpellier signe le changement démographique du public : désormais,
comme à Caen, c'est une majorité de jeunes qui viennent. Ils ont compris, à
travers les médias et le bouche à oreille, que ce film est fait pour eux. À
chaque fois, le sujet de l'éducation sexuelle revient, toujours plus insistant.
Les jeunes sont furieux de voir que l'enseignement sexuel est si mal fait dans
les collèges et les facs et je les encourage à s'organiser localement, lycée
après lycée, sur Facebook et ailleurs, pour contrer l'influence de Sens Commun
qui s'oppose à l'éducation sexuelle. On sent cette génération
bourdonner, pleine d'envies et de frustration. Un haut niveau de communication
dans la salle.
Paris
Invité aux
rencontres Fnac à l'espace des Blancs Manteaux, je me retrouve à signer des
livres mais c'est surtout le débat avec Robin Campillo qui me fait plaisir.
Parler avec lui est une récompense, on raconte des histoires drôles sur Act Up
et sur le film, j'adore tout chez lui que je n'ai pas vu depuis Saint-Etienne
et désormais le film est un blockbuster. On a alors dépassé le cap du
demi-million d'entrées. Il y a aussi Franck de Mémento et à la fin on décide
d'aller prendre un verre au Cox où je n'ai pas mis les pieds depuis longtemps,
la dernière fois c'était avec Rodolphe mais j'en suis pas sûr, ça doit remonter
à plus longtemps encore. Rodrigue est super content de nous voir. J'en profite
pour poser des questions sur le film à Robin que je n'osais pas poser avant,
comme, c'est quoi l'histoire de ce garçon dans la scène du zap au lycée?
Pourquoi le voit-t-on si bien dès le début de la scène et jusqu'à la
fin? Et puis pourquoi Boston est mentionné au moment de la cassette
de musique? Il ne s'est pourtant rien passé dans le coin au niveau de la House
ou de la techno! Est-ce que je peux l'accompagner à Londres pour faire venir
Jimmy Somerville ou à New York pour essayer de faire traduire mon livre sur Act
Up? Le Cox est toujours pareil, on passe un bon moment, tout le monde est
gentil. Je rentre seul à l'hôtel, épuisé.
Fontenay sous Bois
Quelques jours
plus tard, Université populaire de Fontenay sous bois, invité avec Alice
Rivières du collectif
DingDingDong qui travaille sur la maladie d'Huntington pour parler de
l'impact des malades dans la recherche et les soins. Une cinquantaine de
personnes seulement mais un accueil adorable de la part de tout le monde.
Ludovic Bouchet est venu avec sa femme, c'est une joie de les revoir tous les
deux, je reste longtemps à discuter.
Le lendemain,
journée chargée avec déjeuner avec Ian Brossat, puis rendez-vous à la mairie de
Paris sur le projet des archives LGBT sida, puis signature pour les Mots à la
Bouche à la mairie du IVème arrondissement avec Christophe Girard. Plus de 200
personnes, Marc Endeweld sourit du fond de la salle, il connaît mon discours
par cœur, il y a des amis, des anciens d'Act Up et les nouveaux et il y a
tellement de livres à signer que j'en ai le tournis. Beaucoup de messages
d'affection de la part d'inconnus et puis ces lectrices fans qui me suivent sur
Facebook ou Twitter et que je rencontre pour la première fois. Ça ne m'était
pas arrivé avant, ça doit être le signe d'un tournant littéraire, je vois
désormais que mon cœur de lecteurs n'est plus dans le milieu gay mais dans le
lectorat féminin.
Nantes
A Montpelier, dans
la salle, il y avait aussi Pr Jacques Reynes que je connaissais à travers les
réunions de l'AC5 à l'ANRS. Pendant ces années de travail avec les chercheurs,
j'ai découvert cette génération de médecins qui ont fait bouger les soins et la
recherche en province. Je sais que c'est mon pragmatisme qui les séduit, ils se
plaignent de la lourdeur du système des COREVIH
que j'ai toujours considéré comme une usine à gaz mais mon point est : dans
l'immense unanimité médiatique sur "120BPM", pas un seul article à
abordé un angle médical. Le milieu associatif a bien sûr bénéficié de toutes
les louanges mais on a oublié de rappeler à quel point nos vies de séropositifs
ont été sauvées par un corps médical exemplaire. Que serais-je devenu sans certaines
infirmières à Rothschild, sans ma dentiste, sans mon ophtalmo, toutes ces
femmes qui ont été les premières à monter au créneau? Alice a été la première à
me le dire, je devrais faire un article sur le sujet.
 Nantes, j'arrive
devant une salle comble de 350 étudiants en médecine et le débat est mené avec
Pr Raffi du CHU de la ville, un hôpital qui a été leader dans le développement
des antiprotéases et du VIH en général. Raffi était aussi à l'AC5, on a
pratiquement le même âge, je l'aime beaucoup, et le débat est rapide, avec un
public qui, encore une fois, reste après le film pour discuter. Tout l'échange
sur le médical est intense, ce qui me change des rencontres précédentes. Il y a
plein de beaux mecs.
Apres on va
prendre un verre avec les étudiants qui ont organisé la rencontre. Il est 1h du
matin, il fait doux, les jeunes sont dans la rue à boire et draguer à côté de
l'hôpital, j'aime vraiment beaucoup cette ville. Pas un seul gay identifiable
au cinéma. Le matin, je dois me lever tôt pour prendre le train et j'oublie les
billets dans la chambre de l'hôtel, presque trop luxueuse encore une fois.
Angers
Sur le chemin, je
réalise que c'est mon dernier voyage autour du film. Finalement, je n'ai pas
fait tant de villes que ça mais ça m'a pris beaucoup de temps et beaucoup
d'énergie. Stéphane Corbin m'attend à la gare et il a tout organisé pour moi.
C'est un des rares militants LGBT en qui j'ai confiance, on est d'accord sur
tout. Si le mouvement LGBT était dirigé par des personnes comme lui, on aurait
déjà obtenu ce qu'on nous refuse depuis des années. La salle est remplie, ce
qui est un exploit alors que le film est sorti depuis plus d'un mois maintenant
mais les représentants de Aides ont visiblement oublié de venir, ce qui dit
tout vraiment. Désormais, à chaque rencontre, je martèle que Aides ne fait pas
son travail en direction des migrants alors que c'est normalement leur
prérogative : dépistage de personnes marginalisées, écoute, information,
remontée des infos du terrain. Je suppose qu'ils attendent des "budgets
fléchés" pour faire leur boulot. Malgré tout, la fatigue est réelle lors
du débat, je ne suis pas aussi bon que d'habitude, et puis je suis toujours
moins à l'aise quand je suis filmé.
Je suis bien sûr
conscient que les grandes villes n'ont pas été celles que j'ai visitées. Ces
grandes villes ont eu la présence de Campillo. Mon travail était d'accompagner
le film pour délester Robin qui, depuis deux mois, travaille surtout sur la
promotion du film à l'étranger. J'étais heureux de rencontrer tout ce monde,
écouter les gens, essayer de les motiver dans l'engagement à un moment où tout
le monde déserte le milieu associatif LGBT. "120BPM" et la réédition
de mon livre sur Act Up m'ont réparé après des années creuses et difficiles,
marquées par l'abandon de deux amis très proches qui ne me parlent plus,
quelque chose qui m'a fait plus de mal, finalement, que ma solitude affective.
Tout ce travail, je l'ai fait seul avec l'aide de Franck de Mémento et Cécile
Gateff de Denoël mais tous ces articles, ces tribunes, c'est moi tout seul,
sans agent, sans attachée de presse, sans plan media. Je construis un momentum
qui se dirige vers la projection de "The Doom
Troubadour", le premier docu qui me laisse parler et qui sera projeté
lors du festival Chéries-Chéris de novembre dont je suis membre du jury. Mon
rêve est que mon livre sur Act Up soit traduit en anglais. J'espérais aller à
New York pour la première afin d'essayer de rencontrer des éditeurs mais cela
ne s'est pas fait. Tchip. Je commence à en avoir vraiment marre de voir que mes
amis américains ou anglais n'ont finalement rien lu de ce que j'ai écrit toute
ma vie. Cela fait 17 ans que je vis avec cette injustice alors qu'une grande de
partie de mon écriture est en direction du monde anglo-saxon. Chacun de mes
livres a été écrit avec une ouverture vers l'étranger. C'est pour ça que je
n'aime pas le monde de l'édition, je le trouve incapable, il ne cherche
absolument pas à exporter ses idées. Et quand ces idées sont forcément
minoritaires, c'est un fonctionnement qui rejoint d'autres fonctionnements
d'isolement culturel et politique. Arriver à 60 ans et ne pas pouvoir
s'adresser à l'Amérique quand toute sa vie a été nourrie par ses hommes et sa
culture. C'est une manière de vous rabaisser pour ne jamais pouvoir
discuter d'égal à égal. Et ça, on sait ce que ça veut dire.
Ton lectorat féminin, en effet...
RépondreSupprimerCertaines dissensions n'otent rien à l'étrange indestructible affection.
Retirée moi aussi, voir de loin, jardiner, la mer...
Je crois qu'on ne peut qu'adorer se brouiller avec toi, pour mieux t'embrasser ensuite.
C'est mon cas.
Toujours.
Les fantômes dorment, les hommes et les femmes s'étreignent, eux.
C'est mon cas.
De loin.
You did it great Did.
Love,c;
Un nouveau livre please. In english then. Que du bon que ces lignes et ces derniers mois. Merci robin ��...
RépondreSupprimerJ'adore lire chacun de vos billets de blog, merci beaucoup de nous les offrir !
RépondreSupprimerLe grand amour par hasard...
RépondreSupprimermais dans 1 an vous parlerez de tendresse de vieux...ou des meilleurs gods pour cuculs plissés.
Le gars est con mais c'est juste un militant.
RépondreSupprimerT es gentil encore, il est carrement debile
RépondreSupprimer🤮
Pure merde ce lestrade
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