La meilleure histoire sur le 11 septembre 2001 m'a été racontée par deux amis. Ils étaient en vacances à New York et ils étaient en train de baiser quand ça s'est passé. Le sexe était hot, ce qui est toujours remarquable pour un couple gay ensemble depuis plusieurs années et les téléphones n'arrêtaient pas de sonner dans la chambre d'hôtel. Ils ont décidé de ne pas répondre avant d'avoir fini pour réaliser que tous leurs amis leur envoyaient des messages paniqués depuis la France. "Vous allez bien?"
Ils ne
racontaient pas ça par manque de respect pour la tragédie qui a changé le monde
ce jour-là. C'était surtout pour souligner le côté irréel de la situation. Faire
l'amour quand le monde bascule.
J'ai passé
le week-end de ce vendredi 13 catastrophique, à baiser, boire, fumer,
gober et faire l'amour. Cela peut paraître grossier mais c'était prévu à
l'avance et je ne suis pas la pire cochonne au monde, c'est connu. Au
contraire, ce genre de week-end est trop rare pour que j'en fasse un sujet de
vantardise.
Ça
m'arrive tous les mois à peu près. Je suppose que c'est ça qui me garde vivant.
Ce jeune sexfriend vient chez moi, on écoute de la musique jusqu'au matin, on
boit, on baise. Ça avait commencé le jeudi soir très doucement, en regardant Magic Mike XXL qu'il avait téléchargé pour moi. J'avais nettoyé la maison, fait les
courses, j'étais allé le chercher à la gare. Tout était prêt pour un week-end
de TLC 420, un truc que je sais faire, où je suis vraiment bon. Comme toujours,
on s'est endormis très tard par un cuddle et un spooning dans le lit. Pendant le
sommeil, je le tenais contre moi, son odeur contre mon visage, mon nez contre
son cou, mes mains sur son ventre. Je vis pour ça.
Le
lendemain, à midi, on était un peu nazes mais je lui ai fait deux œufs au plat
avec du bacon, des toasts et du jus d'orange, le truc basique, et il a travaillé
toute l'après midi car il avait des choses à finir. Le vendredi soir, on a recommencé. Le feu dans la
cheminée, la transpiration, un porno, du good times. Vers 22 heures, il regarde machinalement son
portable. Twitter est en feu. Oh fuck. Pendant une demie heure, on regarde ça,
hébétés. Une descente dans les règles. On est toujours high mais c'est comme
ces deux amis en 2001 : entre le plaisir qu'on vient d'avoir et les images du
carnage, l'Histoire vient de prendre un tour qu'on espérait ne jamais connaître.
Je dis "C'est fini. Après les attentats de janvier dernier, on est foutus,
le pays est foutu". On hésite à mettre la télé et les chaînes d'info. On négocie
en fait, je veux être certain qu'il peut voir ça. Je dis : "Juste un
peu". On est toujours à poil, dans le salon le mix de house est toujours un peu fort. À un moment, je me permets de suggérer d'arrêter la house africaine, c'est
un peu obscène d'écouter ça pendant qu'une telle catastrophe a lieu. Il est d'accord.
Après les
attentats de janvier, je sais déjà ce qui va se passer. On est tous les deux
sur le divan, il regarde son portable, je regarde le mien. A minuit, on regarde
Hollande annoncer l'état d'urgence. Ensuite on éteint les news. En quelques
heures, nous venons de basculer dans le tout sécuritaire. Les frontières fermées, bien pratique
pour limiter l'immigration syrienne qui, de toute manière, n'est toujours pas
arrivée en France. La presse sous contrôle, l'âge de l'autocensure. Je dis :
"En tant que journaliste, cela change tout ce que l'on peut écrire désormais".
L'élection 2017 déjà gagnée. Le dégoût et la terreur car le Bataclan est
toujours sous le feu. C'est décidé, cette fois je ne dirai rien sur Facebook,
je me limite à liker ceux qui disent être safe.
Mais un
truc se passe. On est ensemble jusqu'à dimanche. Et on a trop attendu, tous les
deux, pour ce week-end de câlins. On met un film idiot juste pour décompresser.
Ensuite on remet de la musique. Il me fait écouter les trucs récents qu'il a découverts
depuis qu'on ne s'est pas vus. Sur Spotify, je lui fais découvrir quelques
classiques qu'il ne connaît pas. Revival de Martine Girault, Let It Roll de Doug Lazy, Summertime de DJ Jazzy Jeff & The Fresh Prince, It Takes Two de Rob Base & DJ E-Z Rock. Je le caresse sur
le divan, je le tiens dans mes bras, like a daddy should. Je lui fais des pâtes
au thon, anchois et câpres, la recette de Lala qu'il me demande toujours. On
regarde Dope. Les heures passent, on s'endort dans ma chambre alors que le jour
se lève et que les premiers merles se mettent à chanter. La campagne est loin
de la terreur parisienne. Le silence est doux.
Samedi 14 heures, réveil avec le même petit déjeuner
que la veille. Je décide de ne pas allumer mon ordi, il va rester éteint tout
le week-end. Pour moi, ce pays que j'aime est fini, au moins pour les années à
venir. Je n'y crois plus. Quand on a connu les attentats de Saint Michel,
Pasqua, toussa, c'est la fin de tout ce que j'espérais dans la vie, la mixité,
la tolérance, le melting-pot. Tout le monde sort le drapeau national. Police
state.
I'm way too old for this.
I'm way too old for this.
So. More
music, more Vodka, more everything. Je mets un poulet au four avec des patates
et des pruneaux, une heure après on l'avale presque d'un coup. Ce kid est avec moi, dans mes
bras, tout le temps. Il prend ce drame
avec presque plus de philosophie que moi. Lui-même est un succès de l'immigration. Depuis la veille, on a décidé que le
week-end ne serait peut être pas aussi sexuel qu'on l'avait prévu, mais on est
contents de traverser ce moment si dur ensemble, loin de Paris et de la mort et des centaines de blessés.
Ce n'est pas de l'égoïsme ou du désintérêt, c'est plutôt le besoin d'être avec
quelqu'un qu'on aime quand tout va mal. Je lui dis que si j'avais été seul,
j'aurais passé le week-end à zapper toutes les chaînes d'infos avec Twitter
dans la main, car c'est toujours là que ça se passe finalement. Je le laisse regarder son portable car il a 24 ans, c'est normal, mais moi je me retiens. Je
reçois des messages mais je ne réponds pas. J'appelle ma mère, c'est tout, pour
l'écouter. Elle réagit bien mais tout le monde est effondré. On est en
province, en Normandie, loin de Paris, mais ce type d'événement traumatise
pendant des jours, des semaines, des mois.
Dehors, il
fait doux dans le jardin. Je ne sors que pour chercher du bois pour la cheminée.
J'apporte les plus belles bûches pour mon invité, sans lui dire que je les
avais réservées pour lui parce qu'elles ont une belle forme. Il n'a pas remarqué
les jolis bouquets du salon. La quantité de musique qu'on avale est phénoménale,
jusqu'à 6h du matin. Entre autres, on écoute Spiritual Tapes 1 de Buruntuma, DJ Shimza au Djoon, We Love DJ Shimza 10th mix, I Know What's On Your Mind de Black Coffee, The World To Me (Nikos Diamantopoulos Remix) et puis comme toujours Text Message de Jamie Foxx et plein, plein, plein d'autres trucs (check it out!). Que de la musique noire quoi. Une sorte de réponse à ce qui se passe.
Plus que quelques heures ensemble avant que la tristesse nous reprenne.
Encore un beau billet. Ton blog recèle des perles.
RépondreSupprimermerci.
RépondreSupprimerNe pas s'éclater sexe tous les jours pour les homo au bout de plusieurs années c'est comme pour les hétéro : ça s'appelle la routine.Pas spec. pour les gays.
RépondreSupprimerBillet a chier
RépondreSupprimer🤮
Pure merde, ARRETE d ecrire LESTRADE
RépondreSupprimerARRETE TOUT