Parfois,
on n'a pas envie de parler. Les gens ont envie d'oublier. Vous regardez d'un
œil extérieur ce qui se passe sur FB et vous comptez machinalement le nombre de
commentaires sur les pages des autres. Sur Twitter, beaucoup plus intéressant
si on s'intéresse encore à la politique ou aux news, le moteur principal est la
colère, mais une colère souvent vouée à l'échec, une impuissance devant les
injustices de notre époque.
Ma
petite théorie sur notre époque, c'est que la crise est là non seulement pour
nous fragiliser mais surtout pour nous faire abdiquer. Avec la pauvreté qui
grandit, c'est la purge intellectuelle et politique. Chaque mot devient un
risque, il est fortement déconseillé de se faire remarquer - ce qui est très
paradoxal à une époque moderne où, précisément, l'auto proclamation est la
nourriture du selfie et de la célébrité. Aujourd'hui, pas une tête ne doit
dépasser ou elle tombe, ce qui a un impact profond dans la culture, surtout
dans un moment d'uniformité nationale.
La
crise fonctionne comme une épuration, ceux qui sont bien placés survivent. Les
autres n'ont plus envie d'être témoins des choses affreuses qui se produisent,
on n'a plus envie de rire ou même de se moquer. L'avenir ne ressemble à rien de
bon, il nous rappelle des décennies perdues à espérer quelque chose qui
n'arrivera plus. Comme, en premier, moins de racisme. La récession est républicaine mais on la défend, on aime sa
police. Objectivement, tout est plus grave. Ce qui se dit à la télé, dans les
médias est si pervers que n'importe qui peut le voir désormais. C'est limpide.
Plusieurs
mois sans rien dire en attendant que mon neuvième livre sorte parce que je
tenais à ce que cela soit fait pour passer à autre chose. Et si ce premier
livre édité chez BoD a pris beaucoup de retard, ce n'est pas grave. Des fois,
ça ne sert à rien de précipiter les choses, surtout quand on se doute bien que
le livre restera mineur. J'ai passé l'année 2014 à me consacrer à une relation amoureuse,
en y donnant énormément de temps, d'espoir et d'attention. J'ai moins écrit
parce que j'ai beaucoup aimé. J'espérais sortir enfin de la solitude. Mais ça
n'a pas marché.
Comme
je l'explique dans l'introduction de mon premier iBook, ceci est mon dernier
livre sur le sida. J'ai presque tout dit à part quelques idées et expériences
récentes dont je parlerai plus tard ici. J'ai passé presque vingt années à
écrire ces 120 chroniques qui sont le fil invisible de mes livres. Si je les
publie aujourd'hui à compte d'auteur, c'est parce que je m'en débarrasse. Ce
sont mes mots mais ils sont tellement anciens que je les lis avec beaucoup de
distance. Je les mets à disposition pour montrer les principes qui ont été ceux
de beaucoup de personnes pendant les années tristes du sida. Mais deux
décennies plus tard, nous avons changé, la sexualité et les traitements ont
changé, le monde n'est plus du tout le même. Ca, en revanche, c'est bien.
Ce
qui m'a intéressé dans ce projet, c'est de le faire comme si le livre était secondaire
car c'est sa version Kindle que je mets en avant. Comme toujours chez moi, dans
mes boîtes de disques ou mon site, c'est du home made. Le look nunuche
du livre est assumé, j'aime les fleurs de mon jardin et Fred Javelaud a
toujours su les capter au meilleur moment. L'impression de BoD s'avère
décevante mais ce livre, posé sur la table, est un joli petit objet. Mais
j'insiste, c'est la version iBook qu'il faut acheter parce qu'elle est
supérieure. C'est fait exprès.
Tout
d'abord, j'ai choisi de baisser son prix à son maximum, à 4,99€, c'est le prix
d'un magazine donc on peut le voir comme un achat impulsif à moindre coût.
Ensuite la version Kindle offre forcement plus d'éclat et la profondeur des
photographies est préservée. Enfin, cette version compte des liens hypertexte
qui dirigent vers des archives d'articles, des morceaux de musique que
j'écoutais au moment où j'écrivais ces chroniques, année par année. Les textes
des chroniques sont laissés brut, sans commentaires ni mise en contexte.
J'aurais pu truffer ces textes de commentaires, je ne l'ai pas fait, je préfère
toujours l'option simple à l'option érudite. Je vous encourage donc fortement à
acheter la version à 4,99€ plutôt que la version à 19€ que je trouve de moins
bonne qualité. Et puis, qui a vingt euros pour un livre de nos jours, je me
demande...
Quand
je dis que c'est mon dernier livre sur le sida, j'en suis convaincu. Et puis je
suis entouré d'amis qui me conseillent depuis pas mal de temps déjà d'en
sortir. Le sujet a disparu de la sphère culturelle, je dois être un des
derniers à publier des news VIH sur Twitter alors que même les associations
oublient de le faire. C'est mon dernier livre parce qu'on est passé à une autre
époque. Pour ceux qui ont envie de comprendre (ou de se souvenir) de tous les
sentiments que nous avons ressenti pendant ces deux décennies de survie
communautaire, c'est un document source qui reflète l'expérience que la
majorité de personnes séropositives ont traversée, à un moment de leurs vies.
Ces sentiments ont valeur d'archive dans le sens où ces chroniques décrivent
toutes les étapes séquentielles depuis les premières bithérapies peu efficaces
contre le sida jusqu'au supermarché qu'est devenu le marché VIH
d'aujourd'hui. L'itinéraire de ce livre est donc transparent : un long tunnel
qui débouche sur une renaissance abîmée, déçue, solitaire.
Ces
Chroniques du Journal du Sida sont
mon premier livre sans éditeur, sans maquettiste, sans promo. Il est
parfaitement adapté à la lecture sur iPad. Vous pouvez en changer la typo, lire
les chroniques dans le désordre, commencer par la musique par exemple. Vous
pouvez en tirer des extraits, les publier sur FB ou ailleurs. Si vous avez une
carte de presse ou si vous êtes journaliste, vous pouvez en commander un
exemplaire chez BoD. Si vous êtes contre Amazon, vous pourrez le commander chez
d'autres libraires ici ou encore ici.
Comme souvent chez vous Didier, l'intelligence domine, le coeur vibre ; et je ne vais pas attendre pour le redire.
RépondreSupprimerLe choix de la photo est parfait, juste parfait... Elle dit "notre" génération où les photos étaient encore rares.
Par ailleurs, c'est à la version papier que je me référerai car je ne peux lire vraiment qu'un crayon à papier à la main !
Par ailleurs, vous témoignez aussi que c'est la condition humaine qui est difficile.... le confort matériel nous avait-il pas anesthésié ?
Solange
"c'est que la crise est là non seulement pour nous fragiliser mais surtout pour nous faire abdiquer."
RépondreSupprimer->"N’entre pas apaisé dans cette bonne nuit.
Mais rage, rage encor lorsque meurt la lumière"
Superbe début de billet ! Merci.
Merci Solange, c'est incroyable comment tu me suis depuis des années. Et merci Bob, tes convictions politiques me font plaisir. Love.
RépondreSupprimerCher Didier, si je vous suis avec autant de constance, c'est parce que mon programme d'existence résumé en deux mots est "vivre debout !" et qu'en ce domaine, vous êtes un modèle digne d'être suivi.
RépondreSupprimerBon, vous n'êtes pas le seul de mes modèles et je ne vous idolâtre pas au point d'oublier que vous êtes bien un être de chair et d'os, comme les autres....
Mais vous êtes mon "monsieur Wake up !".
Votre talent d'écriture vous permets de témoigner finement de ce qui fait votre humanité.
bien à vous,
Solange
Sans interet vos bouquins 🤢🤮
RépondreSupprimerQu il arrete, ca suffit !
RépondreSupprimer🤢🤮