mercredi 15 juin 2011
Corps et âme
Oui je suis allé à Paris uniquement pour Body & Soul, mais en sortant du train je me suis dirigé vers un tatoueur que j’avais vu par hasard et je comptais prendre RDV pour un motif qu’ils ont et bien sûr il était fermé samedi et je me suis dit « Mmmm, des tatoueurs hétéros hardos qui prennent leur week-end de Pentecôte, j’aurais pas pensé ». Heureusement, on est allé voir « The Tree of Life » samedi soir et c’était merveilleux.
Dimanche, ça a donc commencé tôt, vers 13h chez Jean-Luc Morel et la bande de Robert + d’autres amis dans cet appartement rempli de belles photos et de dessins d’hommes avec des barbes et des moustaches du début du siècle dernier, toujours une belle manière de se préparer à écouter de la house. Noisette avait fait les choses parfaitement avec des déliciosités libanaises et des gaufres chaudes avec beaucoup de Chantilly et j’étais heureux de retrouver tout le monde. Ensuite on est allés à la Gaité Lyrique, certains en scooter et d’autres en métro et nous sommes arrivés assez tôt, vers 15h30, quand la salle était encore peu remplie. Le kid à la caisse était sweet, tout était beau comme je l’imaginais après avoir vu des reportages à la télé, j’ai rigolé en découvrant le foyer où une folle a du travailler pendant 9 mois sur la patine des murs comme s’il s’agissait de la chapelle Sixtine (« J’ai pas encore fini chef, je recommence tout car je voudrais mieux travailler sur le geste ») et Robert a râlé sur les fenêtres du foyer qui étaient fermées alors qu’on aurait pu aller sur le balcon pour fumer une cigarette mais bon, je ne dis rien, je ne fume plus de cigarettes.
Dans le cube, c’était comme les gens disaient, un très bon son équilibré dans n’importe quel coin, bonnes basses mais pas du tout d’agression sonore, exactement ce qu’il faut bien qu’on aurait pu mettre 5 à 10% plus de volume, mais c’est peut-être moi qui deviens sourde. Les lumières étaient simples mais directes, des néons au fond très K.A.B.P. du pauvre, un peu de fumigènes pour donner du relief à la salle et sur deux côtés des murs de ballons multicolores (bon ça c’était naff, quand on met des ballons, il faut juste une couleur ou deux maximum, pas du multicolore car c’est plouc mais c’était gentil quand même allez y’a de l’effort) et les mecs de la table de son étaient gentils, cool.
J’explique à mon mari qui sont les DJ’s (alors le vieux avec pas beaucoup de cheveux c’est Danny Krivit, il est disco et très gentil, le black avec le bonnet et les dreads c’est Joe Clausell qui est très fort sur les rythmes latinos et africains, il peut être parfois barbant quand il bloque trop sur ça mais c’est pas grave car c’est son truc, et le mec à droite c’est François K alors lui il est hallucinant parce qu’il peut mixer 4 disques en même temps tu vois). Bien sûr, quand on arrive, il y a déjà Elisabeth Lebovici et sa jolie amie et comme toute notre bande est arrivée, les cinquantenaires vont sur la piste de danse au centre, à 10 mètres des DJ’s et commencent à danser alors que très peu de gens dansent (une vingtaine) et ils sont incroyables, ils font toujours ça quand ils vont dans un club comme K.A.B.P., Otra Otra ou Culte, ils sont là dès le début à encourager par leur présence les DJ’s, dans le genre « On est là, this is our ground, we love you » mais sans en faire tout un foin non plus. C’est juste de la grande politesse de clubbing. La musique est déjà warm-up qui s’échauffe et Body & Soul est toujours très chaleureux dans ce style, ce sont des DJ’s qui savent vraiment bien faire leurs débuts et leurs fins de set.
Quand on sort du cube, le sas est si efficace et l’insonorisation est si parfaite que l’on entend pratiquement rien de l’autre côté où le bar est donc idéal pour discuter car il n’y a jamais de queue bien que si on veut une limonade il faut aller dans le foyer qui, lui, ne vend pas de bière, ah la Mairie de Paris, so conceptuel idiot. Moi je sais déjà que ça va être une soirée parfaite, je suis hyper content de voir tout le monde et je ne vais pas parler de tout le monde ici, c’est impossible car je n’ai pas pris de note (quand même !). Robert est super content mais n’arrête pas de souligner les incohérences politico-sociales de cet endroit, Tiphaine est drôle, Romain Tassinari est tellement beau qu’il a encore embelli depuis « Slow Jamz & Hot Songs », c’est pas possible ces mecs, Fred Agostini rigole en disant qu’à 40 ans c’est plus pareil mais je lui dis que 40 ans c’est rien du tout, Vix est Vix as always et je lui dis que la confiture de prune d’Henri Maurel était vraiment délicieuse, j’ai dévoré le pot en 3 jours, Alice est en forme et n’arrête pas de m’offrir des bières, Thomas Bourdeau devient de plus en plus aristocratique et part le lendemain en Ecosse faire du golf, mon mari Marc commence à avoir la fièvre à cause d’une angine qui se présente et les gens arrivent de plus en plus, il y a un black en hot pants très drôle avec son sac à dos Vogueing, Nick V est sexy avec sa casquette en cuir, il y a beaucoup d’hétéros avec leurs T-shirts Body & Soul achetés à New York et on sent bien qu’une grande partie du public est allé à NYC et connaît le club originel.
Au début, il y a quelques enfants de 10 ans sur le dancefloor et je trouve ça génial alors qu’Alice a entendu des gens dire qu’ils ne trouvaient pas ça bien et qu’ils sont à la limite de dire aux parents « Mais qu’est-ce que vous foutez avec vos gosses dans un club ? » - pff, c’est formidable au contraire, il est 17h, c’est toute l’idée de Kitsuné pour ados, si les gosses n’ont pas le droit de découvrir la house avec des adultes sur un dancefloor où on n’est pas les uns sur les autres, alors ça sert à quoi ? Vous croyez qu’à Woodstock, les bébés de 2 ans n’ont pas avalé des décibels et de la boue ? Bande de bobos crétins, il en faudrait davantage de kids !
Il y a Patrick Vidal qui est en forme comme toujours, Mandel Turner qui me dit qu’il va partir vivre à Bali parce qu’il a plus de travail là-bas, go girl mais tu devrais apprendre à nager car Bali sans la mer c’est un peu comme les cornflakes sans le lait. Il y a 3 gays sympas que je vois toujours dans les endroits bien et qui dansent dans le fond de la salle où on est vraiment à l’aise et ils font des sourires pendant « I Hear Music In The Streets » d’Unlimited Touch, Fabien porte un T-shirt destructuré à la Véronique & Davina, son mari Pierre-Jean est une crème totale car il a toujours des histoires à raconter comme qui est le vrai inventeur du Coca Cola, je tease Gérard Pina all night long parce qu’il n’a pas aimé « The Tree Of Life » (« C’est un pensum ! » dit-il). Ah non ça Gérard, venant de toi, tu fais du yoga bordel. Je vois Kamel danser au milieu du dancefloor, c’est comme si 50 visions de lui se superposaient, ramenant à d’autres clubs et d’autres années, toujours le même, menaçant et gentil à la fois, Rafael me dit qu’il a du mal à comprendre le décalage horaire de Madrid car il arrive toujours trop tôt ou trop tard quelque part, et son mari David me fout la honte en me demandant « Comment je m’appelle ? » et je regarde mes pieds car j’ai encore un trou de mémoire. Dehors c’est agréable de fumer ma pipe avec Yvan Lebleu, un marseillais qui connaît bien Pierre-Jean Chiarelli, en fait on se croirait à l’ancien hôtel Régina de Nice ou dans un palace de Monte Carlo où je ne suis jamais allé, mais la Gaité Lyrique, c’est assez ça. Patrick Thévenin arrive du Point Ephémère où il a passé des disques et il est dans une humeur cool, détachée gentille, à la fin Danny Krivit lance « The Love I Lost » d’Arold Melvin et les Blue Notes, la salle est remplie avec les bras en l’air, les mecs de la sono font des dance routines, il y a un black dans le fond à droite qui danse vraiment bien avec sa copine qui a the right moves aussi, il y a un rappel, puis deux, les gens sont contents et je tombe sur Christophe Hamaide Persion qui a toujours ce sourire.
On se retrouve dehors sous une pluie très fine, John qui accompagne Elisabeth a fait du shopping avant la fête et porte un sac avec des chaussures taille 43 je crois et un mec gentil vient me faire un compliment sur ma vie mon œuvre mon château mon cheval merde quoi et je lui dis « Oh tu es gentil mais tu sais, à la fin de la journée, personne ne veut coucher avec moi anyway » ce qui fait sourire à la ronde du genre « OMG, here she goes again » et on dit au revoir à tout le monde en montant sur le scooter de Robert, direction chez Morel pour avaler les restes du before et ensuite Noisette me fait gouter un thé chinois qui se présente sous forme d’une boule qui se déplie dans la théière transparente comme une petite méduse.
Ensuite on arrive chez Christophe et Patrick qui ont un apparte vraiment joli et arty avec un jardin où je crois reconnaître un juncus strié à 2 couleurs mais je peux me tromper car il fait sombre et je retrouve Franck et Antoine que je n’ai pas vus depuis 4 ans au moins et Antoine parle parle parle et il me fait toujours rire avec ses idées de laïcard 100% pur jus, mais il m’explique les lignes de ma main et me dit que j’ai une ligne de chance maousse qui traverse toute la paume (« Of course je suis pas morte patate ») et Noisette me dit « Ah ta veste c’est Penfield » pendant que Jean-Luc raconte qu’il a vu au Cox ce soir même un Italien avec une barbe rousse dont la moustache remonte un peu en pointe ce qui est toujours super classe. Robert est surexcité d’ailleurs quand on va au Point Ephémère qui est juste à côté, il disparaît quand un Iranien ou un Afghan lui demande son chemin.
En faisant la queue pour acheter mon ticket il y a deux mecs derrière moi, un joli avec de belles lunettes et un black adorable et ils parlent de Larry Heard et du tout début et comme je suis de bonne humeur je me retourne un peu sans être trop invasif et je leur sors ma théorie de 1995 comme étant le sommet de la house, un peu comme certains disent que 1987 est le sommet du hip hop et ils me parlent de Maurizio et de Monolake et je souris quand ils s’adressent à moi en disant « vous » du genre « Mais alors vous avez vu des concerts de Can ? » et quand on entre dans la salle principale c’est déjà sombre, sweaty, bourré de monde et berlinois et il me demande mon numéro de portable que je ne connais pas encore par cœur parce que je l’ai que depuis 6 jours, puis ma carte de visite mais j’en ai pas et je lui dis de regarder sur FB et voilà, c’est comme ça que je rencontre Julien Haguenauer. House authentics.
Bon, je ne raconterai pas trop le reste de la nuit, un de mes meilleurs amis s’est séparé de son mec le soir même et ça me rend triste, vraiment, et très vite il y a tellement de monde que c’est impossible d’aller au bar pour offrir un verre à Noisette qui le mérite, il y a des mecs et des filles presque à poil sur le balcon et vraiment on n’a pas besoin de ça, même dans un endroit « alternatif » parce qu’à la base c’est la même chose qu’au Queen et je le dis à DJ Crame qui me regarde toujours comme si j’étais un énorme mystère pour lui et son copain Hervé Carvalho me fait une déclaration de 20 minutes et on parle de notre amour commun pour Guido, et de la house du début, et de Chez Moune et de la pop aussi, en fait je passe mon temps avec les fumeurs dehors à regarder les kids et le mélange de ce club est quasiment parfait avec des gens de tous les milieux et de tous les âges et Gildas sort trempé de 3 heures de danse et me demande « Ah bon, tu n’aimes pas te coller à la sueur des autres ? » - euh non enfin si, avant oui mais là non vraiment, Antoine est hallucinant de drôlerie mais on dirait que je suis le seul à m’extasier, c’est Monsieur ADD en chef, Christophe Ecoffet me parle de l’expo Anish Kapoor que je devrais aller voir bien sûr, Alfredo Piola fait pipi dehors, il y a un jeune black qui est mon préféré de toute la soirée qui arrive alors et à qui je serre la main alors qu’une bise ou rien du tout aurait suffi, trop de respect tue le respect, Paul vient dire bonjour et merci, il est 4h et il est temps de rentrer et en remontant vers Jaurès, 2 petits mecs de banlieue demandent à Ecoffet et Oscar « Tu crois qu’on peut rentrer comme ça ? » en montrant leurs fringues blanches de streewear hyper propre et on est dans la situation où 3 folles sont en train de rassurer 2 hétéros en leur disant « Bien sûr tu peux entrer comme ça, vous êtes très bien, tu crois qu’on s’est déshabillés pour entrer ? ». Sweet.
Un très bel article sur les sujets qui nous plaisent et qui contentera l'équipe de la Gaïté Lyrique qui arrive à faire de jolies choses, malgré la pesanteur et la pression de la Ville de Paris (et d'un élu acariâtre, suivez mon regard). Tu m'as grillé sur ce coup là, je vais rédiger un acte de contrition après tous les doutes que j'ai semés sur mon blog à l'encontre de ce bel "établissement culturel de la Ville de Paris".
RépondreSupprimermerci Didier pour ce joli commentaire : une journée très réussie vraiment. Un dièse pour le splendide mur du fumoir de la Gaité furieusement shabby chic, WOI ca 90 et un bémol pour les gamins dansant contre leurs parents. On est pas obligé d'être toujours d'accord. Mais l'essentiel : le désir partagé d'un réenchantement du monde, l'admiration devant la beauté des hommes et la conviction intime qu'il ne faut jamais résister à la beauté. bises, jean-luc morel (pas si anonyme)
RépondreSupprimerMerci Didier
RépondreSupprimerMerci pour ces com'
C'est un peu comme si nous y étions ! Quelle soirée !
J'en pleure encore de ne pas avoir ou gouter a nos frasques new-yorkaises et parisiennes passées
Baisers tendre de Bruno le Doc