mercredi 7 avril 2010

Muscari avalanche


Mon ami Ray me ramène toujours des derniers exemplaires de The Garden, la revue de la Royal Horticulture Society, pratiquement le meilleur magazine de jardinage en Europe. C’est très intéressant de voir comment les Anglais abordent le journalisme du jardin. À l’opposé de la France qui favorise des magazines pratiques, qui vous expliquent dans le détail comment il faut jardiner (planter, couper, tailler, traiter), les Britanniques sont beaucoup plus dans une analyse assez intellectuelle de la vie au jardin. Dans Gardens Illustrated, ce sont les images qui sont mises en avant (forcément), tandis que The Garden, c’est surtout du texte, à part la cover qui est toujours très belle. Bloom, pour moi, c’est un objet trop hybride, trop fashion, j’ai jamais accroché. On dirait que c’est un magazine écrit par des gens qui ne vivent pas dehors.

Dans le numéro de mars 2010 de The Garden, par exemple, Helen Yemm revient dans sa chronique sur le délire actuel des raised beds du potager. Ces banquettes surélevées sont le truc à la mode depuis plusieurs années, pour plusieurs raisons. C’est joli, facile à entretenir et à désherber, les légumes sont mis en valeur, il y a de belles bordures en bois qui retiennent la terre, tout est plus facile d’accès, les plantes poussent souvent mieux car elles disposent de plus de profondeur de terre. Bref, c’est plus joli. Dans les deux premiers tiers de son article, Helen Yemm adopte un ton moqueur sur les bobos qui développent « un culte du raised bed ». Pour elle, il s’agit surtout d’un piège de marketing qui vous fait acheter plus de choses pour votre potager : le bois, la terre, les cloches en verre, les lumières et les petites étiquettes sur les légumes, tout le tralala. Et puis c’est toute cette idée de faire un potager de pouffiase, y’a pas d’autre mot, avec une dimension plus petite, avec la nouvelle mode des petits fruits (tout en version minuscule). Le raised bed, c’est finalement l’autel des Incas, là où on met en valeur ce que l’on va sacrifier, ce qui va être mangé. Les laitues sont bien rangées, elles sont si jolies qu’on dirait qu’elles sont retouchées. On a presque envie de ne pas les manger tellement elles sont belles (un truc qui m’arrive chaque année avec les artichauts : une fleur si fascinante que je n’arrive pas à les couper avant pour les manger, tsss tsss). Le raised bed a une telle influence sur le jardinage que les variétés de légumes sont adaptées : des tomates en grappe (forcément), et beaucoup de travail pour une récolte symbolique.
Dans The Garden, il y a des discussions d’experts sur ceci et cela qui sont du plus haut niveau de journalisme. On est toujours les premiers informés si un nouveau parasite est en train d’envahir l’Angleterre avec leur manie ridicule d’importer des fougères géantes en arbre qui sont le meilleur moyen pour accueillir en Europe des bestioles qui viennent de Tasmanie.
Ce qui est génial aussi avec cette revue, mais on trouve ça dans toute la presse de jardin anglaise, c’est le nombre d’encarts publicitaires à la fin. Pas du tout le genre « Dame Irma » qui pullule les dernières pages des magazines gays (did you notice that too ? On dirait que des milliards de pédés sont en train de solliciter sans cesse des voyantes), mais des pubs qui montrent à quel point les Anglais ont réellement plusieurs années d’avance sur nous. Ce n’est pas un délire consumériste que je souligne ici, plutôt les idées derrière les objets. Il y a eu la mode des pubs avec des lutins en fonte (eeek !), des pubs avec des présentoirs pour bains d’oiseaux (don’t !) et là en ce moment, ce sont ces énormes tonneaux à compost qui permettent de tout recycler en un temps record de 3 semaines. Et je ne parle pas des garages en bois hyper spaciaux pour voitures qui sont tellement cosy qu’on pourrait y passer toutes ses vacances.
La semaine dernière, j’ai passé mes plusieurs jours au jardin et j’ai chopé mon premier coup de soleil. Là il y a tellement de travail qu’on a l’impression de courir dans tous les sens. J’ai coupé les graminées, il faut que je les passe les tiges sèches au broyeur (mais en fait j’ai tardé et elles ont pris la pluie donc je les ai mises directement au compost), j’ai taillé les rosiers et les fruitiers, il faut que je les traite et je crois même que je vais badigeonner cette année les troncs avec du blanc, je suis en train de bouger des buis dans un autre coin du jardin pour qu’ils aient d’avantage d’eau et d’air, mais je n’ai pas tondu la pelouse avant mercredi dernier, quand il faisait très beau et donc le jardin sort juste du côté sale de la fin d’hiver.
En deux jours, les jonquilles se sont ouvertes, chez moi comme dans les bois. Dans ma région, il y en a vraiment beaucoup. Je suis en retard dans le jardin car il a fait tellement froid que je n’ai pas eu le courage de sortir. Je dois commencer à me faire vieux, ou alors c’est plutôt mes problèmes cardiaques d’il y a deux ans. En tout cas, je n’ose plus sortir quand il fait froid comme je le faisais, il y a encore avant mes problèmes de cœur. Précédemment, je pouvais passer l’hiver dehors sans trop de problème, et puis il y avait le plaisir de fumer une cigarette dans le froid, c’était agréable.
Le printemps est arrivé en l’espace de quelques jours et il y a beaucoup de vivaces à diviser. Je n’avais pas encore vidé mon compost, ce que je fais d’habitude en janvier ou en février et on vient de le faire ce week-end avec Jean-Yves. La haie qui donne sur le pré des vaches a été nettoyée aussi. Avec la tempête et la neige, certains prunelliers et aubépines penchaient d’une manière qui n’était pas rassurante. On a coupé le bois avec Jean-Christophe et Arlindo et on a fait un feu qui a duré toute la journée du lundi de Pâques
Il faudrait que je fasse venir l'élagueur rouquin super sexy pour réduire les jeunes chênes qui commencent à cacher la vue sur la vallée. Il faut aussi que j’apporte à la déchèterie toutes les cochonneries qui s’amoncèlent dans la cabane en bois et tous ces pots en plastique, je ne peux plus les voir ! Je me suis endormi hier soir en pensant à la maison que vient d’acheter mon amie Chantal à 30 kilomètres de chez moi. Son terrain de 2 hectares est à flanc de colline avec des rochers et des gravas partout. C’est carrément un jardin de caillasse, il suffit de se pencher pour faire un mur on the spot. Un jardin de cailloux, quelle chance elle a, c’est magnifique.

2 commentaires:

  1. Epilobium angustifolium, sentier, montagnes
    Infarctus, anfractuosités, caillasses, pierrailles
    Souffle
    Karesansui
    Rire clair, sirop, limonade
    Azéma, un dimanche à la campagne

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  2. Aussitôt dit, aussitôt fait : Ca y est Didier, je suis sur ton site!

    Cyril

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