mercredi 13 janvier 2010
Juste la beauté
Je suis incroyablement heureux de voir le renouveau des revues et fanzines gays depuis cinq ans. Avec tout ce que l’on sait sur les difficultés de la presse, il y a des homosexuels qui s’acharnent à développer une liberté éditoriale et visuelle que les médias gays traditionnels ont du mal à offrir désormais, pour les raisons que l’on connaît. Il s’agit d’un tournant décisif de la culture gay moderne. Pendant longtemps, j’ai cru que l’époque de Magazine serait révolue pour de bon. Travailler avec le papier, aller à l’imprimerie, payer les factures de l’imprimerie, diffuser des revues d’une manière artisanale, se faire payer pour des pubs difficiles à obtenir, difficiles à conserver, dans le monde actuel, c’est un labour of love.
A New York comme partout, cela fourmille de publications. Il faut au moins un fanzine gay par pays. En fait, ce revival du support papier est une des adaptations évidentes face à l’omniprésence d’Internet. Comme je le dis toujours, Flickr est une mine d'hommes magnifiques. Laurent Chambon et d’autres n’arrêtent pas de me bombarder de sites qui rassemblent ces mecs. La photographie moderne regorge de visages et de corps. Je ne parle pas de bites ici, mais de portraits. Ces revues sont une manière de trier cette surabondance d’images et de faire du sens en choisissant certaines images plutôt que d’autres.
C’est ce que faisait Straight to Hell dans les années 80, quand Boyd McDonald juxtaposait des nouvelles de sexe (toujours bien écrites, avec beaucoup d’histoires de mecs qui se draguaient dans des coins paumés des USA, à la Joe Cage) avec des photos de mecs à poil provenant de studios divers, sans rapport avec le texte. Butt, Pinups ne cessent d’illustrer cette partie sexy de la culture gay moderne, avec un fort penchant bear, mais pas seulement. Il suffit de regarder la diversité des mecs dans le calendrier 2010 de Butt. Il y en a presque pour tous les goûts, comme on dit. Même si la colle de ce calendrier ne tient pas les feuilles, ce qui est l’erreur NUMERO UNO à ne pas commettre quand on se lance dans un calendrier qui, par essence, est un objet qu’on n’arrête pas de malmener. Les folles de Butt devaient avoir un lunch avec Marc Jacobs quand le calendrier est parti au brochage.
La France est encore à un bon niveau avec Kaiserin et Monstre. Belle impression, beau papier, un travail clair sur la maquette, une tradition du formalisme français, dont se réclamait Magazine à son époque. La très grande majorité des fanzines et revues pour hommes, à travers le monde, respectent des maquettes très basiques. L’American Typewriter de Butt est le même que celui de Maga. Ce sont des fanzines qui préfèrent souvent une impression en noir et blanc, pour mieux revendiquer un lien historique avec la vieille presse. C’est aussi une manière de garder des volumes pleins, des reliefs d’encre marqués, des trucs masculins quoi.
Les fanzines et revues françaises ont ce je-ne-sais-quoi d’inquiet qui ne m’a pas échappé, bien sûr. Monstre et Kaiserin ne sont pas des médias joyeux. Tous les autres titres étrangers sont plutôt happy happy happy, on ne parle pas trop de ce qui cloche chez les gays, tout le monde est sexy, c’est normal, ce sont d’abord des revues érotiques, il ne faut pas l’oublier. Les modèles de Butt sourient souvent et il y a un élément d’humour positif affiché. Il s’agit de la génération des gays de la trentaine qui a envie de vivre et de baiser, refusant de se caler sur la génération précédente qui a BEAUCOUP SOUFFERT LOL. Dans ces magazines, le sida est persona non grata.
Mais les Français sont plus inquiets. Est-ce que c’est un révélateur de la France ? Déjà, ils écrivent d’une manière beaucoup plus appliquée. On sent que ces garçons en ont gros sur la patate. Ce qu’ils veulent exprimer ici, ils n’ont pas pu le dire ailleurs. Le temps passe, les années aussi, et l’envie de s’imposer est brûlante. C’est très intense. Par exemple, j’ai totalement adoré le texte "Du voile et du placard" d'Ibrahim Abraham dans Monstre, mais je n’ai pas compris la première partie, tellement je suis cruche, ou tellement c’est compliqué. J’aurais été fier de publier quelque chose d’aussi brillant dans Minorités, même si je ne suis pas d’accord avec tout. Ce qui prouve qu’il y a des sujets transversaux qui apparaissent dans nos médias, sans pour autant rabâcher les banalités qui rassurent la communauté LGBT.
« Fanzine » a donc été un des mots-clefs des dernières années. Le renouveau du fanzine bouscule l’image des gays telle qu’elle se développe dans les pages des grands médias gays à travers le monde. Le type d’homme que l’on voit dans ces revues reste largement peu représenté dans les magazines majeurs. Et même si ces fanzines répondent à des niches très précises, avec des maquettes qui répondent à des codes bien définis dans le genre, certaines idées pourraient être adaptées par une presse dominante dépendante des nouvelles modes. Il y a plein d'idées dans No Milk Today ou Spunk.
Le seul truc qui me tarabiscute (un drôle de verbe !) avec ces fanzines, c’est (soupir, here we go again) le peu de noirs et de mecs de toutes les couleurs. Butt en choisit toujours quelques-uns, et montre aussi des latinos et quelques asiatiques, mais on ne peut pas dire qu’ils sont aussi intéressés à l’idée de montrer des noirs que des Espagnols ou des Jordaniens. Dans toutes les revues marginales, les noirs ne sont pas là. Ça m’énerve parce que ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Et ça m’irrite d’un point de vue érotique aussi, parce que je trouve qu’il faut vraiment le faire exprès pour ne pas tomber gaga devant toutes ces photos de blacks gays super beaux qu’on voit partout. Pareil pour les Arabes. Je ne parle pas de ces photos super jolies où les mecs posent devant des photographes pros, mais toutes ces photos où on les voit au naturel. Ceux que l’on voit dans ces revues, ce sont finalement ceux qui appartiennent au circuit des A gays, de la scène art/sexe/Liban/whatever qui est à la base de ces fanzines.
Ces fanzines, c’est toujours une affaire de mecs blancs, middle class. Et la lacune de la mixité raciale m’énerve d’autant plus que les gays qui dirigent ces fanzines vivent tous dans des pays où la mixité raciale existe dans la communauté gay. Par exemple, Facebook est un média de cliques, c’est bien connu. Mais même dans FB, on voit bien que beaucoup de personnes ont des « amis » noirs ou beurs ou turcs ou whatnot. Au moins, si ce n’est pas réel, ces minorités ethniques sont là grâce à un fantasme et j’ai la bêtise de penser que c’est déjà ça. Or il y a plus de mixité raciale sur FB que dans ces fanzines, qui sont pourtant le domaine du possible, de l’expérimentation, de l’audace.
Il y a un an, grâce à Facebook, j’ai retrouvé beaucoup de personnes avec qui je travaillais à l’époque de Magazine. Billy Miller, par exemple, qui dirige aujourd’hui Straight To Hell, faisait partie de l’underground arty de Chicago (je crois) et je possède encore des tirages photos de ses performances. Comme AA Bronson, il fait partie de ces mecs sympas et érudits qui n’ont cessé d’aimer ce support alternatif. Moi j’ai arrêté ces fanzines dans les années 90 et 2000, parce que j’en avais marre de la vie instable imposée par des factures d’imprimerie toujours en retard, mais eux n’ont pas cessé, ils sont restés fidèles. Quand le revival des fanzines est arrivé, ils étaient forcément aux premières places, avec des tonnes d’images à publier. Sur FB, il est très facile de repérer ce microcosme fanzine international, on voit clairement qui est ami avec qui, c’est aussi tellement plus facile de contacter les gens qui ont la même passion pour ces revues parallèles.
Si je devais faire un fanzine aujourd’hui, ce serait 1) soit Capture le projet de Thomas Doustaly, mais c’est son idée donc c’est pas possible 2) soit un fanzine qui reprendrait une partie de cette icono immense de mecs, gays ou pas, sur Flickr. En les mélangeant avec des photos de mecs vraiment bien de Facebook. Pas forcément les plus beaux (bien que), mais surtout ceux qui ont l’air d’être les plus sympas, comme lui par exemple.
Je pense même qu’il y a largement matière pour un bouquin Tashen. Exactement comme les fanzines comme Butt et Pinups illustrent d’abord une attraction pour les bears et les mecs naturels, et les sacralisent en tant qu’objets que l’on peut garder chez soi, il faudra bien que quelqu’un tente de figer une partie de la surabondance des photos de beaux mecs, d’où qu’ils viennent. C’est une question de santé mentale ! Par exemple, je retrouve désormais sur des sites des photos qui ont été, pour moi, la base de mon identité sexuelle. Des pleines pages de Playgirl d’il y a 40 ans. Je croyais être le seul à avoir un délire particulier pour telle image, je croyais surtout qu’elles étaient oubliées à jamais, et les voilà qui réapparaissent sur Internet.
De même, les librairies LGBT sont remplies de bouquins de photo érotiques où les mecs sont beaux, mais aussi très pétasses. Il doit y avoir un marché pour ça puisque ces bouquins ne cessent de sortir, et l’industrie porno a envahi ce créneau aussi. Mais il y a beaucoup moins de livres de photos qui montrent la vraie vie des centaines de milliers de gays à travers le monde
Ce qui se passe sur Flickr depuis plusieurs années est absolument à se tirer les cheveux. Et les gens ont besoin d’avoir un objet chez eux qui résume une partie de cette hypertrophie picturale. Exactement comme dans la musique. Plus elle devient virtuelle et plus les gens ressentent un désir confus de posséder un objet qui symbolise cette activité, qui sert de focalisation matérielle. L’iPod a servi à ça, c’est connu. Aujourd’hui, les vinyles réapparaissent. Il faut un livre qui résume et rassemble ces photos. Bien sûr, il y a le bouquin de Rough Gods, mais il devrait y en avoir beaucoup plus.
Dans la dernière décennie, il y a eu une profusion de livres de photographie sur le hip hop, le skate, le surf, les tatoos, tous les bouquins vendus chez Colette. Juste à côté, les revues et les fanzines. Ce sont des objets qui vivent ensemble. C’est pourquoi, par exemple, je ne fais pas de différence entre une revue et un fanzine. Le dénominateur commun, c’est de sortir des systèmes de diffusion de la grande presse. Et il y a eu assez de revues qui copiaient les fanzines et assez de fanzines qui copiaient les revues pour savoir que la frontière est souvent fine. Ces produits sont vendus ensemble. Vous trouvez Butt dans chaque grande libraire internationale et 50 mètres plus loin, il y a une boutique American Apparel. C’est comme ça.
Donc, pour moi, le rêve, c’est de revenir à des revues ou fanzines où ces mecs de Flickr et de Facebook sont réunis. Sans trop de blabla intellectuel. Sans trop parler de « problèmes ». J’entends certains dire que je n’y connais rien à l’art moderne. Comme si on devait être cuting edge sur tous les sujets. Comme si je n’avais pas remarqué le jargon de l’art moderne et à quel point c’est du bullshit. Moi ce qui m’intéresse, c’est un sujet beaucoup plus bête, beaucoup plus facile, beaucoup moins intellectuel. C’est juste la beauté. Il faudrait un Jamel Shabazz gay.
L’époque de "Magazine",c’est un labour of love : http://fr.wikipedia.org/wiki/Kinsey_6,_journal_des_ann%C3%A9es_80
RépondreSupprimertrés, trés centré,limité, comme d'hab !
RépondreSupprimerLe marronnier Butt (give me a break - please!), plus les petits français (why not?): rien sur ce qui se passe ailleurs. Rien qu'en Europe, ça s'exprime aussi en Pologne, en Allemagne,en Espagne, par exemple..Paco y Manolo, Dik Fagazine, par exemple.
donc, ce n'est pas "Juste la beauté", mais "Plus de beauté". Allez encore un effort pour être contemporain !
"tarabuster" à ne pas confondre avec "tarabiscoter" ;-)
RépondreSupprimer@+
E.
http://atilf.atilf.fr/
TARABUSTER, verbe trans.
A. Qqn tarabuste qqn
1. Importuner ou contrarier quelqu'un par des interruptions, par des paroles déplaisantes; harceler par des questions, des demandes, des récriminations. Tu ne fais que me tarabuster pour des prunes. On n'a pas un instant de repos avec toi (MÉRIMÉE, Théâtre Cl. Gazul, 1825, p. 220). Moi j'étais toujours en route... Je tarabustais l'imprimeur... Je faisais sans cesse la navette! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 523).
2. Traiter rudement, houspiller, harceler. Des messieurs d'une importance incroyable jouent le rôle d'agents de police, bousculent les prêtres, tarabustent les pèlerins (HUYSMANS, Foules Lourdes, 1906, p. 127). La vieille bonne, qui lui dit que d'abord elle supportait assez mal d'être sans cesse tarabustée par ma tante (GIDE, Journal, 1912, p. 365).
B. Préoccuper vivement, causer du souci, du tracas. Synon. tracasser.
1. Qqc. tarabuste qqn. Poussée par mille je ne sais quoi qui m'ont tarabusté la tête, je me mis à courir par des sentiers qui coupaient au plus court (BALZAC, Méd. camp., 1833, p. 259). Il était difficile de ne pas se sentir tant soit peu tarabusté par tous les mauvais bruits qui couraient depuis quelques jours (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 6).
2. Empl. pronom. réfl. Qqn se tarabuste. Quand je coche quelques gaillardes un soir de bataille, je tourne le nez et m'endors tout soudain (...) sans me tarabuster comme toi (ARNOUX, Abisag, 1919, p. 182).
TARABISCOTER, verbe trans.
A. MENUIS. ,,Tirer des tarabiscots dans une moulure`` (BARB.-CAD. 1971).
B. P. ext.
1. ,,Raffiner, façonner, contourner avec préciosité`` (Ac. 1935). Tarabiscoter un dessin. Tarabiscoter un panneau décoratif (ROB. 1985).
2. Au fig., fam. Ajouter des ornements, des enjolivures d'une recherche excessive au point de rendre maniéré, mièvre, précieux. Tarabiscoter son style. Empl. pronom. réfl. passif. V. baroquisme ex. 3.
Prononc. et Orth.: [], (il) tarabiscote [-]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. 1892 « séparer les moulures par des tarabiscots » (GUÉRIN); 2. a) 1893 p. ext. « façonner à jour avec excès » (DG); d'où b) 1904 « charger d'ornements d'une délicatesse excessive au point de le rendre maniéré » tarabiscoter son style (Nouv. Lar. ill.). Dér. de tarabiscoté*; dés. -er.
DÉR. Tarabiscotage, subst. masc. Action de tarabiscoter; résultat de cette action. Tarabiscotage d'un dessin, des œuvres de style baroque ou rococo. Inutile de rappeler ses œuvres de jeunesse [de Georges Desvallières], précieuses et raffinées, ouvragées jusqu'au tarabiscotage comme des bijoux de Lalique, puis la crise qui a suivi et changé brusquement ces élégances un peu mièvres en un style convulsif, balbutiant, sanglotant, balafré, charbonneux, dramatique (GILLET, Art fr., 1938, p. 150). []. 1res attest. a) 1894 « action de tarabiscoter » (SACHS-VILLATTE, Französisch-deutsches Supplement-Lexikon, [Berlin] ds QUEM. DDL t. 18), cf. 1904 (Nouv. Lar. ill.), b) 1931 « caractère de ce qui est surchargé d'ornements » (L. DAUDET, Dev. douleur, p. 141); de tarabiscoter, suff. -age*.
les complètement has been du siècle dernier peuvent se rabattre sur la belle réedition des dessins érotiques de cocteau, les dessins les plus hard ne sont toujours pas publiés tenez bon peut être en 2050
RépondreSupprimerBonjour,
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La rédaction !
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