lundi 28 mars 2011
Deux tendances inévitables
J’ai compris à Joiners que le fait de fumer la pipe était un très bon conversation starter. Dès que Marc et moi avons pénétré dans ce bar / club de l’est de Londres, je me suis senti chez moi, ce qui est loin d’être le cas dans la majorité des endroits gays aujourd’hui. Il était 23h30, on était passé au George & Dragon juste à côté, le pub où tout le monde nous disait d’aller pour commencer une soirée dans le coin. Rien de renversant à part une ambiance sympa, ce qui est déjà très bien, et un mélange agréable d’hypsters, de lesbiennes, de mecs plus âgés à l’aise et une musique mélange de hits des années 80 Electro et de disques plus récents tout aussi Electro 80 joués par des jeunes teenagers qui auraient pu être des trans. On était serrés, la déco était drôle mais n’importe quoi dans le genre kitsch.
Joiners, à 200 mètres, était bien mieux. D’abord c’est plus grand avec de la place pour aller au bar, pleins d’endroits pour se mettre pour regarder ce qui se passe, des toilettes propres et modernes et le truc génial: une petite cour extérieure pour ceux qui veulent prendre l’air ou fumer une cigarette. Il y avait encore peu de gens qui dansaient mais c’était déjà bien rempli, on s’est mis naturellement devant un groupe de mecs funkys dont un barbu brun vraiment joli et souriant qui dansait.
Il y a plein d’endroits comme ça à Londres qui existent depuis des années et qui sont des clubs locaux, sans prétention, qui traversent le temps pour redevenir à la mode à un moment. Joiners me rappelle certains bars et clubs de l’East Village avec des murs laiteux, en tout cas pas sombres, quelques posters au mur qui n’ont rien de spécial mais qui ne font pas mal au yeux, quelques lumières (au plus fort de la soirée, j’ai noté UN spot qui clignotait — à ce stade du rudimentaire, c’est presque classe) et un mix parfait de beaux mecs (blancs, blacks, asiats, clones, bears, hypsters, folles) pas du tout prétentieux du genre « Je suis joli et je vais t’écraser avec mon look surcool », assez peu de filles mais quand même, des hétéros par ci par là, bref de quoi draguer des mecs vraiment bien sans être dans un bar de pré-cul bien lourdingue comme ailleurs.
Tout ceci a l’air très banal mais on sait, à Paris, que même le banal de ce type est rare, avec un personnel sympa, un vestiaire qui va vite et même, youpi, un distributeur de billets dans un coin si on a besoin de liquide. Après être allé aux toilettes, j’ai remarqué un barbu gentil qui me regardait d’une drôle de manière et 10 minutes plus tard, il est venu me voir et on a réalisé qu’on se connaissait depuis des conférences sur le sida des années 90. Il était là avec son mari psy américain juif, joli lui aussi, et ils connaissaient bien, forcément, le joli barbu brun dont je parlais plus haut, qui est espagnol, of course, et qui était au centre d’une bande de mecs tout aussi sympas. Tout à coup, entre la musique et le club qui commençait à prendre forme, on parlait de prévention et de Crystal parce que cet homme était au THT et il était confronté depuis des années à des gays qui lui reprochaient son jugement trop moral sur le cul et la drogue et la capote. On était sur la même longueur d’onde, tout en rigolant de ce qu’on nous faisait subir comme bêtises.
À ce moment, et c’est là où j’arrive au sujet, je me suis dirigé vers la cour extérieure avec l’envie de fumer une pipe. Il n‘y avait pas beaucoup de monde dehors, à la porte une femme noire en gilet de sécurité jaune fluo qui s’assurait que tout se passait bien et que les gens avec des cigarettes ne revenaient pas sur le dancefloor. Flying High de Freeez passait et je n’ai pas pu m’empêcher de souffler de soulagement à un petit black et son copain blanc : « Mmmm, I know this song » en sortant ma pipe et mon tabac. Le temps de sortir le briquet et de me mettre contre le mur pour ne pas déranger, j’ai senti le regard de 15 personnes se tourner vers moi, comme si j’avais un gros masturbateur Tenga Flip Hole à 89,90€ ou que je me faisais un fix devant tout le monde.
Les anglais et Marc sont venus me rejoindre avec des bières, tout le monde parlait comme si on se connaissait depuis longtemps, Marc s’est fait brancher par un beur français magnifique, un des plus beaux de la soirée, grand et smart, qui avait passé deux ans à Berlin et qui se souvenait des articles de Marc. Le psy juif américain avait passé deux ans à Toulouse et c’est la première fois que j’ai entendu un gay américain de me parler, en français, des merveilleux champs de tournesol sur les collines qui entourent Condom, dans le Gers, et des étendues des pins des Landes. L’espagnol nous a rejoint et de près il était encore plus joli et souriant, surtout quand un de ses copains espagnols, qui avait l’air d’être héréro – mais s’il était gay ? Mon dieu, ce serait le phénix des hôtes de ce bois — est venu dire qu’il allait partir. Un skinhead hollandais de 35 ans vivant à Londres est venu me voir pour me parler de ma pipe et, comme tout le monde, m’a dit que ça lui rappelait son grand père qui avait toujours à proximité une allumette pour relancer sa pipe éteinte. Je lui ai dit que c’était tout nouveau pour moi, que je ne fumais plus à cause de mon cœur et que je n’avais pas encore trouvé mes gestes naturels. « I haven’t got my moves yet » et alors il m’a pris la pipe pour me montrer en faisant des poses à la Popeye et j’ai souri en lui disant que non, justement, ce n’était pas ça que je voulais faire. Il faut savoir fumer la pipe sans attirer l’attention et ressembler à un cartoon.
Tout ça a commencé il y a 3 mois quand mon cardiologue m’a dit: « Vous savez, si vous êtes vraiment frustré à l’idée de ne pas fumer, vous pouvez fumer sur une pipe de temps en temps ». Je lui ai dit que j’arrivais très bien à ne pas fumer, ça faisait trois ans, mais que ça avait changé ma relation au jardinage, le fait de finir une journée de bon travail et de ne pas pouvoir regarder le jardin avec une cigarette, comme une récompense ou un plaisir de contemplation. Par exemple, il m’est totalement impossible d’aller à la mer et de passer une après midi sur la plage ou de revenir de la baignade sans fumer une cigarette. La mer, c’est tellement beau que je refuse catégoriquement de m’empêcher de fumer une cigarette ou deux parce que c’est une célébration de cet espace, de tous les souvenirs de ma vie associés à la mer et à l’amour des hommes qui m’ont accompagné et qui sont restés avec moi sur le sable, comme les amoureux le font. En fait, je crois que je ne passe plus de vacances à la mer parce que je redoute inconsciemment de retomber dans le tabac.
Quand il m’a parlé de la pipe, j’ai été surpris et je me suis dit: un cardiologue qui autorise une pipe de temps en temps ? C’est pas possible. Et puis il m’a dit que le tabac des cigarettes était nettement plus nocif que celui de la pipe, ce que je savais, mais j’en suis resté là. Au fil des mois, je me disais que fumer la pipe pourrait contribuer à une autre image de moi-même, plus daddy, plus calme, comme un tatouage dans le cou ou comme le fait de se tenir un Komboloï comme le font les papys grecs ou turcs sur la place du village.
Et puis un jour je suis passé par l’Emmaüs de ma ville et, bien sûr, dans une boite il y avait plein de pipes que personne ne voulait acheter et je me suis dit qu’il valait mieux essayer avec des vieux objets à 1 euro pièce plutôt qu’acheter une pipe toute neuve et réaliser ensuite que ce n’était pas une bonne idée. Je suis revenu à la maison, j’ai démonté les pipes et je les ai nettoyées et désinfectées. La première, droite et simple, était la plus basique. La seconde avait cette courbe old school qui retombe sur le menton, pour essayer aussi.
Et après, j’ai fumé ma première pipe, dans le jardin. J’ai tout de suite retrouvé l’impression de mes 5 ans, quand j’essayais la pipe froide de mon père qui était passé par là avant d’arrêter pour de bon les cigarettes pour ne plus revenir en arrière. Je me suis regardé dans la glace en rentrant dans la maison pour vérifier si j’avais une gueule de vieux schnock ou pas. J’avais acheté le tabac le plus doux. Je suis sorti à nouveau dans le jardin. En effet, le cardio avait raison, la nature avait l’air plus belle encore, comme si la petite fumée qui sortait de la pipe me liait davantage avec le paysage de la fin de l’hiver.
Quand nous sommes partis de Joiners, Marc et moi étions très heureux de notre nuit. Personne ne s’attendait à rencontrer qui que ce soit et tout le monde dans ce club était génial. En traversant le quartier, à trois heures du matin, le George & Dragon était entouré de camions de flics qui disaient à tout le monde de quitter la rue RIGHT NOW comme si une explosion de gaz était imminente, mais les rues étaient envahies de party goers hétéros bourrés, drôles, se jetant sur n’importe quel vendeur de snacks pour faire marcher le système digestif après tant d’alcool et de bières. Tout le monde me dit que l’ecsta disparu de Londres et que tout le monde est revenu à l’alcool, like old times. En passant devant ce qui était avant le LA Bar où j’allais parfois, le grand pub slash club SM slash cuir des années 90, et désormais un club hétéro, il y avait plein de beaux mecs bourracha, Londres quoi. Moi qui ne voulait pas sortir, j’étais très content de cette nuit, malgré le froid. Dans le bus de nuit pris à Old Street, plein de filles qui jacassaient et rigolaient, typique. La nuit à Londres est toujours plus rigolote, même quand il gèle le 31 décembre.
Depuis sur Tumblr, je vois de plus en plus de photos de mecs barbus avec des pipes. Il y a 4 mois, je ne crois pas que j’en voyais autant ou alors je ne faisais pas attention. Hier soir, dans True Grit, Matt Damon fumait une ce ces très belles pipes blanches du Far Ouest. Je n’ai pas encore cherché la pipe que je vais m’acheter pour passer de la pipe Emmaüs à une vraie, mais j’ai toujours aimé ces pipes banches ou beiges. Très Hemingway. Il y a définitivement un revival de la pipe qui va s’étendre aux plus jeunes, c’est gros comme une maison, et je me trouve dans cette tendance grâce à un cardio qui a été assez gentil pour m’offrir, à condition de ne pas le faire souvent, un moyen de me reconnecter avec mon jardin et mes sorties dans les clubs gays.
L’autre tendance irrévocable, c’est celle des initiales sur les chemises. Bon là je m’avance dans un domaine fashion qui n’est pas le mien, mais je ne suis pas la dernière idiote non plus sur ces sujets et je suis capable d’être le premier à découvrir Supreme et Nixon dans les années 90 mais on ne va pas crâner non plus hein. Les tendances, je les vois venir gros comme un pustule de condylome sur l’anus d’une folle pas safe. Il y a 4 ans, dans Cheikh, je racontais que j’avais remarqué une boutique de blasons dans le centre de Saint Malo et je m’étais dit que c’était inévitable. Et pouf, on a vu après des blasons apparaître sur toutes les vestes preppy ou pas, puis déborder sur le streetwear, des logos de Ralf Lauren qui multiplient leur taille par 110%, une hérésie si vous me demandez mon avis. Et là, sur Brick Lane, on voit des dizaines et des dizaines de magasins de fripes dirigés par des anciens babas house, exactement comme Flip à Covent Garden dans les années 80 ou rue Tiquetonne dans les années 90. Le vintage (ce mot !) développe même des marques comme Canterbury de Nouvelle Zélande (qui ne voudrait pas avoir un logo brodé de kiwi ?) qui font des polos de rugby avec tellement de logos et de couleurs que c’est exactement ce que faisait le Sentier en… 1985.
Quand on était petits (il y a très longtemps !), nos mères et nos grand mères brodaient sur nos serviettes, nos gants et nos chemises les initiales de nos noms pour ne pas mélanger les habits des frères et ne pas perdre les survêts à la gym. On n’aimait pas particulièrement ça, on ne nous demandait pas notre avis de toute manière, c’était la France des années 60 quand les habits se gardaient longtemps et que les parents étaient trop heureux de personnaliser les habits pour mieux les posséder, je suppose. Il y avait déjà, à cette époque, un côté vieux jeu et old times dans ces petites languettes avec vos initiales (dans mon cas, DL, ou Down Low pour les intimes) et mes frères et moi n’aimions pas particulièrement ça.
Et puis, il y a 5 ans, quand mon père a vendu sa ferme et qu’il a fallu aider à vider la maison pour trier tout ce qu’il fallait jeter, je suis tombé dans les placards sur un certain nombre de torchons et de petites serviettes au nom de mon frère ainé. Je les ai prises car je les ai trouvées jolies, la broderie de ses initiales était simple et ça m’a attiré.
Ces dessins de lettres se trouvent aujourd’hui dans le tatouage. Et il est évident que l’obsession actuelle pour le logo, la marque, l’estampille, le tampon, le marquage, le branding, tout ce qui peut transformer une chemise toute bête, ça va revenir, c’est obligé. Dans les dernières décennies, seuls les gens très riches qui se font faire des chemises sur mesure chez Charvet continuaient à mettre leurs initiales. C’était vraiment un truc de bourge de la rive gauche. Aujourd’hui, tout le monde va s’y mettre. Vous imaginez un barbu sympa, hypster mais pas dingue, en train de porter une chemise toute simple avec ses initiales brodées en petit sur son cœur avec une pipe en bois de bruyère de Saint-Claude. Pfff, it’s a turn-on assuré. Et quel conversation starter ! Love comes quickly !
samedi 12 mars 2011
Super des pilules!
Cela fait des années que je prends un traitement contre le sida et j’en ai parfois parlé dans le contexte de mes chroniques du Journal du Sida qu’il faudra bien publier un jour et puis là pour m’amuser je me suis mis à faire la liste des impressions qui me passent par la tête tous les soirs quand je prends mes médocs. Ce n’est pas pour se plaindre, je me trouve chanceux de ne jamais être tombé malade à cause du sida depuis 1987 et comme j’ai commencé un traitement en 1990 ou 1991 je crois (à ce stade une année de plus ou de moins, je m’en fous un peu) mais ça fait quand même 20 ans et ça donne un peu une idée de la fatigue sur le long terme, à prendre ses putains de cachets. Je pourrais mettre ici 850 remarques mais à partir d’un moment, ça tourne toujours autour de la même idée : fait chier.
- Fait chier.
- Fait chier mais on peut pas faire autrement.
- Fait chier mais c’est pas très différent d’hier soir.
- De toute façon je les prends tout le temps.
- Mais certains soirs je me permets de ne pas les prendre parce que ça me donne l’impression d’être super wild tu vois.
- Attends il manque la toute petite de Bisoprolol, où elle est c’te pute.
- Alors la soucoupe, je le dis toute de suite mais c’est fondamental ce truc pour encourager la compliance, vous devez avoir une petite soucoupe qui a une valeur affective et je vous assure que ça vous aidera à prendre vos médocs pendant des années. Le truc est simple, soit vous avez un pilulier (pas groovy) soit vous les mettez dans un bol ou une petite coupelle qui vous rappelle un joli moment de votre vie. Moi c’est un truc en métal violet que m’a offert mon mari Jim en 1991. Donc je me dis que si je ne suis pas mort, c’est grâce à cette soucoupe dans laquelle je mets mes médocs tous les soirs et que des gens prennent pour un cendrier et il faut que je leur dise que ce truc est magique et qu’il ne faut pas mettre des mégots dedans.
- Ou des cendres.
- À partir d’un certain stade, vaut mieux pas savoir combien vous prenez de pilules exactement (10 ? 11 ? who cares) parce que c’est déprimant. Sortez-les des blisters et avalez-les, c’est le seul truc qu’on vous demande pour rester vivant.
- Non, vous n’êtes pas une personne incroyablement spéciale parce que vous êtes séropo, il y a des maladies 100 fois plus graves que le sida et au moins vous avez la Sécu donc arrêtez de geindre.
- Des fois je me couche très tard car je retarde inconsciemment le moment où je devrai prendre ces putains de pilules tellement ça me fait chier.
- Le pire, c’est de savoir qu’on est toujours surdosé, les industriels mettent toujours la dose la plus forte pour prévenir les échecs thérapeutiques.
- Le sida ça commence par la trithérapie avec 3 molécules (dont une qui est pas top, je reviendrai là-dessus) mais après c’est toujours more.
- À partir de 10 ans de pilules, on en a déjà très marre.
- À partir de 20 ans de pilules, il y a une sorte de banalité dégoûtante qui peut être le sujet de beaucoup de blagues.
- C’est comme un running joke tous les soirs.
- J’aime pas déballer mes pilules devant tout le monde mais des fois je le fais tellement je m’en branle.
- Tous les 3 mois mon médecin de demande gentiment mais avec une certaine insistance si je ne devrais pas arrêter le somnifère mais je lui dis tous les 3 mois « ça va pas la tête, si j’avais pas cette pilule qui est la seule que je suis content de prendre, alors les autres je ne les prendrais jamais ! C’est le somnifère qui me fait avaler les autres avec ! » Et il sourit.
- Si je compte bien, ça fait 3 appartes et une maison dans lesquels j’ai vécu et dans lesquels on a entendu tous les soirs le petit bruit que font les pilules quand elles tombent dans la soucoupe. C’est comme un exorcisme ou « The Omen ».
- Je n’ai jamais eu de mari qui me préparait les pilules, thank god.
- Des fois on a un boyfriend séropo aussi, on fait des concours super cons comme celui qui sort les pilules le plus vite des blisters. On s’amuse comme on peut.
- Quand tu penses qu’il y a des folles qui ont pensé à un pilulier électronique. Booooo-ring ! C’est vrai qu’à notre époque, on ne peut pas avaler une pilule sans passer par le portable. Bientôt la putain de pilule qui apparaît en fond d’écran sur l’iPad, I can’t wait.
- « Oh toi tu est jolie la super grosse pilule bleue ! ». Quand vous commencez à parler à vos pilules, il est temps de mourir.
- Si votre médecin insiste pour que vous preniez du Sustiva même si vous ne vous rappelez plus l’adresse de votre maison, je suggère une transhumance thérapeutique et changer de médecin qui ne sera pas complètement vendu au Big Brother pharmaceutique.
- Non, avaler votre trithérapie avec deux litres de bières n’est pas une bonne analyse de la situation.
- Un jeu toujours drôle: faire avaler une pilule de votre multithérapie à un ami séronéga ! Quelle bonne blague ! La tête qu’ils font ! Très fun !
- Vous savez que ces pilules sont un miracle de la science, non ? Pas une seule infection opportuniste en 20 ans !
- Bon remarquez je suis cardiaque à cause de ces pilules aussi, c’est vrai.
- Non en fait si je réfléchis bien, je suis devenu cardiaque à cause de quelqu’un donc ça ne compte pas.
- Nan je rigole, c’est les cigarettes.
- Tiens ce soir je vais me faire une petite gâterie, je vais les prendre dans le désordre.
- Tiens ce soir, je vais me faire une petite gâterie, je vais prendre une ecsta à la place.
- Pffff je rigole, j’ai pas pris d’ecsta depuis des années.
- Et ça me manque.
- Le pire c’est quand on part en vacances dans un endroit magnifique qui vous coupe le souffle et qu’il y a toutes ces pilules qui font partie du voyage aussi.
- Je crois que je prends plus de pilules que mon père. Non ça c’est pas possible en fait. En tout cas, je suis sûr que j’en prends plus que ma mère.
- Oh merci d’avoir créé une app pour mon iPhone ! Prendre des pilules ne sera plus jamais pareil ! not
- J’en suis au stade où je connais tellement bien mes médicaments que mon inconscient s’amuse à me faire oublier leurs noms ! So freudien !
- À un moment j’ai pensé à épingler sur le mur tous les blisters vides et puis je me suis dit qu’il valait mieux que ça soit une folle conceptuelle qui fasse ça.
- Genre, ça serait joli en tout cas.
- Quand tu vois tous ces pédés séropos qui font de la musique et y’en a pas un seul qui a fait une (bonne) chanson sur ça. Genre un morceau de house qui s’appellerait The Medication (STD Remix).
- Remarque y’en a pas beaucoup qui ont fait leur coming out et c’est normal, sur FB ils disent tout que ce qui est important c’est l’art et l’artiste mais pas s’il est gay à 80%. Le reste des 20%, on ne sait toujours pas ce que c’est.
- Quand je pense que je me fais cher à avaler ces pilules quand Delanoë dort déjà. Il se couche tôt quand même.
- C’est un peu Chirac sans la bière.
- Le truc qui est incroyablement répétitif avec ces pilules, c’est la répétition.
- Ah tu en veux toi aussi petit chenapan. Ben non tu peux pas, passe ta séroconversion d’abord.
- Je ne crois pas que les mecs de Warning prennent des pilules depuis 20 ans, autrement ils diraient pas la même chose.
- En fait, ces pilules ça forme la jeunesse comme les voyages.
- J’espère que vous n'avez pas pris du vintage Kaletra car ça a beau avoir été la Rolls Royce des antiprotéases il y a quelques années, la carrosserie de la voiture était quand même aspergée de caca tous les jours.
- Même parfois plusieurs fois par jour.
- Mais c’était il y a 10 ans.
- Les mecs de Warning étaient alors tous séronégas.
- Moi dans ma boite à médocs, j’ai gardé le petit bout d’ambre que m’avait ramené Hervé Gauchet de Marrakech et là comme Hervé est mort depuis 3 ans, l’ambre ne sent plus du tout.
- Quand tu penses qu’en Afrique du Sud y’a des blacks qui avalent le Sustiva comme si c’était une drogue hallucinogène. Finalement on va finir par apprendre que la formule moléculaire c’est du MDMA frelaté.
- Chaque soir quand j’avale mes pilules, c’est comme si je gobais un chèque avec pleins d’euros dessus.
- Tous les mois, ce traitement, c’est l’équivalent de mon loyer multiplié par 4.3.
- C’est comme la haute couture mais c’est juste l’industrie pharmaceutique.
- Ah bon c’est pas LVMH qui fait les pilules ? Pourtant ça serait logique comme positionnement industriel.
- C’était pas ces pilules là Galliano mais rappelez-vous : ça coûte la peau du cul quand même !
- Quand tu prenais les premières trithérapies, ça faisait comme une bombe H dans ton estomac. Aujourd’hui tu pètes un coup et c’est tout.
- Bon qu’est-ce que je pourrais faire ce soir pour changer la monotonie ? Avaler les cachets la tête en bas et les pieds en l’air ? Mmmm pas casher.
- Peut-être que si je m’abrutis avec 3 films à la télé et deux séries je serai assez naze pour ne pas remarquer que je prends encore une fois ces putains de pilules.
- Des fois je me dis que je suis en unisson avec plein de folles à travers le monde qui avalent leurs pilules en même temps. Ça fait chaud au cœur.
- Mais non ça n’interfère pas avec les relations sentimentales ! Tu peux passer 4 ans avec ton mec et il sait toujours pas ce que tu prends !
- C’est ma part de mystère à moi.
- T’as gobé ?
- Oui oui on peut aller se coucher. Laisse moi regarder mes mails d’abord.
mardi 8 mars 2011
C'est la France!
Just arrived at Gare du Nord from St Pancras International and you already can see their faces. And English couple with a huge staircase is looking around, obviously lost. Their eyes are widening, they just don’t get it. The man is typically brit and white, the woman is from beautiful Indian origins. They’re stepping in a métro that is full capacity, heading south on Ligne 4 and they can’t make it of the dirt.
You usually see this in a more cruel way when American land in Roissy and they have to take the RER into town. Maybe they fucked up with their destination, this can’t be Paris. The woman manages to sit on a strapontin in a corner, surrounded by pressing bodies, her nose against men’s crotches. At that point, she’s kinda giggling with her boyfriend, trying to laugh at the mayhem that she suspects to be usual. The difference between St Pancras’ cathedral space and beauty is staggering, it’s like they arrived in some third world country without a warning. I smile gently at her, silently trying to show her that I understand her emotional shock, it works on me everytime too.
Looking around, I can see right away that we’re surrounded by beautiful men, challenging my stupid notion that English people are sexier, more up to it, more out there. Here they are, the beautiful black men of my dreams, tall and proud, the young Arab gods with their head shaved and fab streetwear, the laidback bearded students. But their faces are shut down, their minds in far away places, trying to get home after work without falling into some hole of deep depression. The Ligne 4 is still dirty, like nobody has wiped the windows and steel walls for months, if not years. In the stations we pass by, the posters are all about some France that is long gone, Johnny Halliday again at the Stade de France, some naff new musical about Mike Brandt (now THAT was necessary), some concert with Charles Aznavour who is not dead yet I suppose. Sixties pop stars for the 21st Century nightmare. It’s a métro for the ederly, an underground system that doesn’t renew itself because the gay mayor of Paris, Bertrand Delanoë (somebody who was supposed to embody modern times) can’t move a finger to help millions of people who commute in this great capital, the most popular touritic destination in the world. But he keeps on doing nothing and pretends this is not his job, it’s the RATP stupid.
C’est la France.
By the time we reach Chatelet on our way to Montparnasse, the English couple nearby is like all the people around them. Their faces have shut down too. It was supposed to be a climax, a special moment discovering the town of their dreams, the city for which they saved their money for a love trip. Their faces have shut down because they are adults and they know that they have to deal wih it for the moment being, holding hands like when you travel in a rough place and you cling to each other to make it through. More people go in and out, we are now on the Left Bank and it’s not so bad anymore but it’s too late: The Paris effect is full on. They’ll always remember their first encounter with a town that is stuck in bad management, poor architectural insight, catastrophic planning. What used to be the old poetic shabby Richard Avedon Paris is now just a big town with a bad métro, appaling ads on the walls with out of touch typos, visual design for morons, sensory pollution, bad industrial smells and no ventilation whatsoever. The London Tube might be much deeper into the ground but this métro is obviously closer to hell. No escalators, nothing at all for the handicaped, people pushing and shoving in corridors with no rules about who should be stepping on the right or left side, a drama that goes on every single day with nobody saying anything about it. This is the French like they are mocked around the world.
Chances are, the English couple is only crossing town to get on another train at Montparnasse. I get off there too, on my way home to Normandy, and I left my boyfriend at Gare du Nord, unable to face the comedown in Paris after 5 great days in London. I already decided to write this rudimentary post in Franglish on my blog, words are coming to my mind as I step off the Métro and I see the English couple on the side of the platform, letting the crowd pass by. When it comes to that godawful long runway, both running escalators are broken. I’m not lying, this was yesterday evening, you can check. On both sides, it’s a standstill. Maybe it still doesn't work as we speak. This tunnel has cost already millions to get fixed and it still doesn’t work and nobody is saying anything. Millions of people use it every month, cringing their teeth as they are running late to take a train or they just got off a train from a far away town. Everytime, they are on the brink of some Network moment, I am mad as hell and I won’t take it anymore but nothing comes out of their mouths. Like sheep, they mumble some despair and anger but hey, don’t forget Bertrand Delanoë is a socialist mayor, there’s nothing he can do about it, it’s the RATP’s fault you see.
I have long left the English couple with their big red suitcase, I don’t want to see their faces as they have to endure that long runway too, I’m on a survival mode here, earplugs in my ears to shut myself from the noise, carrying on my luggage, desperate to get on any train to get out this city that is no longer mine. See, I’ve been waiting 20 years for this runway to work, we are in 2011 and it’s still a mess. And today, all the French media are all about Marine Le Pen doing 23% in the next presidential elections polls. Oh what a surprise. We didn’t see it coming ! How did we come to this ?
Well, ask the millions who take the métro and RER B every day, honey. It's not all Sarkozy's fault. Ask them what they think of the stinking corridors of Réaumur Sébastopol, a place so dirty you get the feeling the stingy smell is coming from inside the walls. Ask them about the Montparnasse runway. Ask them about riot police in train stations when France hasn’t had a terrorist attack in years and ask them about this police state that is OK with a gay socialist mayor who doesn’t see any problem with it. It’s so much fun facing a machine gun when you wake up in the morning ! Ask them about a socialist mayor that doesn’t do ziltch about Paris when London has the Tate Modern. Ask them about the pain of everyday life when millions of Londoners party in the streets of many up & coming districts like Shoreditch when nothing existed there just a mere decade ago. But I suppose I’m doing my Nick Alexander ranting there.
It’s dead in Paris, utterly dead, each day is 24 hours backwards into more dirt, more old métro lines, more seedy corridors, more fuck all attitude. I just crossed by fingers, hoping that the English couple didn’t stay in Paris after all and took a train south to San Sebastian (I pick this town at the top of my head) when 10 years ago, its new métro system was so new and clever that everytime a new train is coming into the station, the lights all go go down and up again, in such a sweet and beautiful manner, just to help the deaf people, to let them know that safety first, somebody up there has been thinking about them to warn them a train that they can’t hear is coming in this new spacious and modern glass and concrete place. And the Spanish are smiling of course. They actually sing in the métro.
Wait until 2030 to see that – maybe- in Paris.